Jean-Philippe Daguerre nous offre un beau texte. Il aborde une multitude de thèmes : l’amitié, l’amour, la maladie, le racisme avec sensibilité et humanité. A travers une histoire simple il livre, par petites touches, un regard sur la tolérance et nous invite à réfléchir sur ce qui forge l’identité d’un peuple.

Le contexte

L’auteur nous fait pénétrer dans l’univers d’une famille du Nord. En 1958, à Noeux-Les- Mines, petite ville minière, Pierre et Vlad sont les deux meilleurs amis du monde. Ils partagent leur journée en creusant à la mine, en élevant des pigeons-voyageurs ou en jouant de l’accordéon dans l’orchestre local dirigé par Sosthène (Jean-Jacques vannier, excellent). Mais à partir du moment où la jolie marocaine Leila vient jouer de l’accordéon dans orchestre tout est bouleversé.
Arrivée de la télé
La pièce s’ouvre sur l’effervescence liée à l’arrivée du poste de télévision chez un couple de mineur à la veille de la coupe du monde football où Kopa (Kopaszewski), l’enfant du pays, brille sur la pelouse. Sosthène se l’est offert avec la prime touchée en raison de poumons noircis de suie. Dans un décor bistre, Daguerre nous plonge dans l’intimité des gueules noires. Le texte est ciselé, tantôt prenant ou enjoué, la pièce se regarde comme on feuillette Germinal. Toute la culture minière est rassemblée avec la chicorée en guise de café, difficile à avaler sans une gnôle. La vie est rude, les galeries sont sombres mais la lumière de la solidarité règne. On picole du rouge aigrelet, on s’engueule avec des répliques tranchantes mais on se réconcilie au son de l’accordéon
Proximité des personnages
Le talent de l’auteur est de nous rendre les personnages attachants. La distribution est impeccable. Jean-Jacques Vanier (Sosthène) est le pivot de la troupe, en humaniste, narguant la mort. Raphaëlle Cambray (Simone), la femme de Sosthène, est une vraie ch’ti, c’est une fille de mineur avec une grand-mère qui tenait un bar comme elle dans la pièce. Elle incarne avec justesse la colère et la joie. Aladin Reibel (Bartek) joue parfaitement son rôle de syndicaliste fort en gueule mais prêt à verser une larme. La bromance entre Julien Ratel et Théo Dusoulié est sobre, sincère. Juliette Behar (Leila) en coup de grisou qui va déstabiliser cette belle fraternité est efficace.
Complexité des émotions
La force de l’auteur est d’aborder des thèmes sérieux à travers une histoire simple et de nous faire toucher une grande histoire humaine. La pièce capte avec finesse la complexité des émotions. Chaque dialogue évoque les oppositions. La jalousie, le racisme, la trahison, traversent le destin des personnages et met en regard les vertus de la solidarité et de l’amitié capables de résister à tous les vents contraires. Enfin, elle met en avant la capacité de la musique à dépasser les clivages. Classes sociales et origines différentes peuvent se parler grâce à la musique. Qu’elle se nomme java ou jazz. C’est d’ailleurs sur les notes de jazz de son médecin (Jean-Philippe Daguerre) que l’accordéoniste Sosthène a demandé d’être enterré. Cette pièce a du talent dans les veines.
Joël BARCY
« Du charbon dans les veines» Théâtre Saint-Georges – 51, Rue Saint-Georges – 75009 Paris – Tél
01 48 78 63 47 – du mercredi au samedi à 19 heures et le dimanche à 15 heures. Plus d’informations et réservations: theatre-saint-georges.com