Marseille. La vie de chiens des premiers dockers au siècle dernier sur France 3 Provence-Alpes

Ils sont Italiens, Espagnols, Arméniens, Arabes, Grecs ou Africains. Tous sont des immigrés, payés à la tâche.  Ils louent leurs bras pour décharger les bateaux et gagner quelques centimes. Le réalisateur Thierry Aguila Callejon est petit-fils de docker. Il a mis de longues années à construire ce film autour de 3 générations de dockers. Une plongée au fond des cales, au cœur de l’enfer pour découvrir ce qui deviendra au fil des décennies un métier reconnu. Celui de docker.

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Une foire aux hommes ©Crescendo media film/France TV

 Une foire aux hommes

Raconter l’histoire des dockers c’est pénétrer l’histoire de Marseille, de son port. Un port grouillant. l’un des plus grands d’Europe et une ville dont la population a été multipliée par cinq en un siècle. Elle est composée de grandes familles de négociants, de voyous comme Carbone et Spirito et surtout de nombreux immigrés. De simples bras destinés à charger et décharger les navires. Ils sont libres mais esclaves. « Ça se passe comme une foire aux hommes, décrit Thierry Aguila Callejon. Les aconiers, les entrepreneurs de manutention, engagent des chefs d’équipe qui sont juchés sur des caisses et qui vont choisir en disant, toi, toi, toi non. C’est vraiment une foire à l’humain. On ne demande sur les quais ni carte d’identité, ni papier tout ce qu’on demande c’est avoir des bras. L’embauche est double on embauche le matin et on réembauche l’après-midi et il faut soudoyer le chef d’équipe qui engage les dockers pour travailler. »

Des morts

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©Crescendo media film/France TV

Les conditions de sécurité sont précaires, une palanquée peut rompre et précipiter tout son chargement au fond de la cale où sont les dockers. Le pire produit ce sont les balles de latex. « Elles pèsent plusieurs dizaines de kilos et si elles tombent, elles rebondissent à l’intérieur de la cale de manière complètement désordonnée comme une balle de caoutchouc dans une boîte.  Les dockers étaient totalement fracassés. »

Chiens des quais

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©Crescendo media film/France TV

Aucune hygiène pour ces hommes qui suent sang et eau au fond de cales nauséabondes. Pas de douches, pas de toilettes sur les quais. Ils repartent chez eux les vêtement imbibés d’odeurs pestilentielles et souvent à pied faute d’être autorisés à monter dans les bus. « On les appelle les chiens des quais pour cette raison. C’est un terme très péjoratif, insultant », raconte le réalisateur. Les dockers étaient payés en centimes. Ils n’arrivaient même pas à cumuler un franc dans la journée.

La débrouille

Pour mettre un peu de beurre dans les épinards, il y avait la débrouille. Le rat crevé qu’on amenait discrètement le matin dans un sac et qu’on mettait au milieu d’un chargement en refusant de continuer de travailler dans ces conditionsUne prime permettait alors de se remettre au travail. Les dockers se payaient aussi sur la bête. « Il y avait souvent des marchandises qui étaient livrées en vrac et qui tombaient sur les quais. Comme disait mon oncle, le café tu en avais besoin le matin et souvent tu l’écrasais en marchant sur les quais alors tu en mettais dans les poches. C’était connu et relativement toléré. » Les sacs vides le matin repartaient donc avec différentes nourritures et les choses ont perduré.

 Le statut

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Le grand-père docker du réalisateur © Collection Thierry Aguila Callejon

 Il faudra attendre l’après-guerre pour que le métier de docker soit reconnu après de grandes grèves. « 1947 c’est l’accession au statut, c’est l’accession à la reconnaissance d’un métier. On devient docker professionnel. Là, on va reconnaitre un savoir-faire, une capacité de travail et quelque chose qu’on ne pourra pas remplacer ». La carte professionnelle s’hérite de père en fils. Ainsi naissent des générations de dockers avec leur solidarité, leur esprit de famille. Mais l’arrivée des containers va sérieusement bousculer l’histoire de ce métier.

Reportage Joël BARCY

« Dockers, une famille sur le port », diffusion sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur ce jeudi 1ermai à 22h45. Coproduction Crescendo Media Films / France Télévisions.  Déjà disponible sur : france.tv/france-3/provence-alpes-cote-d-azur

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