Avignon – Festival Off – Théâtre des Halles –  «La faille » : les mots de Serge Kribus portés à l’incandescence par la mise en scène de Paul Pascot

Artiste associé au Théâtre du Bois de l’Aune d’Aix-en-Provence, artisan engagé d’un théâtre exigeant et populaire toujours à l’écoute des créations d’autrui, -on lui doit notamment la mise en scène de «La prochaine fois que tu mordras la poussière » tirée du livre de son frère Panayotis Pascot et jouée par Vassili Schneider-, passionné d’écriture, et comédien aguerri, Paul Pascot crée toujours l’événement à chacune de ses interventions artistiques. Et c’est sans doute pour le remercier de la mise en scène et de l’interprétation qu’il fit de « L’Amérique », un des grands textes de Serge Kribus, que ce dernier lui a écrit et dédié « La faille » qui se joue en ce moment dans le off d’Avignon.

Destimed la faille Photo Bon qua ca
“La Faille” (Photo Bon qu’à ça)

La chute, la poésie et l’amour

Dans une langue irradiée qui célèbre la poésie et l’amour, on y évoque une terre qui craque, qui pourrit et une catastrophe qui s’annonce. Tout le monde a peur et Simona tente de protéger sa fille Solee. Mais cette adolescente rebelle ne veut pas de ce qui, selon elle, s’apparente à de la pitié dangereuse. Alors elle s’enfuit, part loin, et parcourt des kilomètres sans peur et sans reproches, déterminée à tordre le coup au réel funeste, avec la seule envie de dormir à la belle étoile, de danser et de rire aux éclats. Dans sa fréquentation d’un désastre annoncé, elle croise la route de Olu et tout bascule.

S’appuyant sur un dispositif scénique débarrassé d’encombrements inutiles, Paul Pascot met le texte en lumière avec au centre une suite de panneaux-miroirs, et sur le côté un piano sur lequel s’est installé un musicien en capuche tout de noir vêtu (en alternance Léo Nivot, créateur des morceaux joués et Maxime Crescini, tous deux d’une force égale à celle du texte). Puis tout d’un coup celui-ci se meut en Olu et fait office de comédien. On est saisis par le dialogue entamé alors avec Solee. Mots qui se télescopent avec la pensée d’un poète dont nous suivons les diatribes et les expressions de soi, nous passons du réalisme cru à l’onirisme flamboyant.

Mélissa Merlo, comédienne inoubliable

Dans la peau de Solee, Mélissa Merlo, comédienne belge et québécoise, admirablement accompagnée plutôt que dirigée, demeure de bout en bout  stupéfiante de vérité, d’intensité et d’inventivité. Montant parfois sur le piano elle semble haranguer des oiseaux de malheur tournoyant au-dessus de la faille. Elle s’impose comme le medium principal de ce qui est selon les mots de Paul Pascot: « Une création traitant de la perte du sentir, de l’acceptation d’un autoritarisme rampant, un potentiel effondrement systématique de notre humanité. » Il y avait «Réparer les vivants », il y a désormais avec « La faille », une tentative visant à « rapiécer l’irréparable ». Travail sonore considérable, que l’on doit à Rémi Le Taillandier et à Léo Nivot qui nourrissant son travail musical des œuvres de Rachmaninov, délaisse par instants le piano pour la guitare électrique, lumières confiées à Dominique Borrini, « La faille » s’impose comme un travail de troupe saisissant d’intensité. On n’est pas loin du chef-d’oeuvre !

Jean-Rémi BARLAND

« La faille » au Théâtre des Halles, 22 rue du Roi René jusqu’au 26 juillet à 18h30. Relâches les 16 et 23 juillet. Réservations au 04 32 76 24 51. ou sur theatredeshalles.com

Articles similaires