Off d’Avignon.  Rencontre avec Guillaume Sorel, un des comédiens de la pièce « Bel ami » adaptée par Arnaud Gagnoud

Il n’était pas là l’an dernier, mais en cette édition 2025 du off d’Avignon le comédien Guillaume Sorel a rejoint en alternance avec Victor Bourigault l’équipe de « Bel ami » dans l’adaptation saisissante de Arnaud Gagnoud. Rencontre avec un artiste à la présence magnétique, et possédant plusieurs casquettes.

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Guillaume Sorel (Photo Jean-Rémi Barland )

Destimed: Présentez- nous votre parcours

Guillaume Sorel:  Je suis comédien, chanteur, auteur et producteur de spectacles. En ce moment, je joue « Bel Ami », adapté par Arnaud Gagnoud, à la Factory Les Roseaux Teinturiers à 10 h, dans le cadre du OFF d’Avignon. Mon parcours est essentiellement ancré dans la comédie musicale : vous avez pu me voir dans la toute première comédie musicale du Parc Astérix, « C’est du Délire », ou encore dans «Histoires comme ça», au Théâtre des Gémeaux Parisiens. De 2021 à 2023, j’étais dans «Le jeu d’Anatole ou les manèges de l’amour», mis en scène par Hervé Lewandowski, rôle qui m’a valu une nomination aux Trophées de la comédie musicale dans la catégorie Révélation masculine. Parallèlement, je crée mes propres spectacles : «Dans les yeux de Jeanne», sur la vie de Bourvil vue par son épouse, et «Quentin crève l’écran», une pièce de prévention contre l’addiction aux écrans, dont j’assure la mise en scène.

Comment êtes‑vous arrivé au théâtre ?

Depuis toujours, je rêvais de la scène ; mes parents, inquiets pour la précarité du métier, m’ont poussé vers des études plus “sûres”. J’ai donc rejoint l’ESRA Paris pour devenir monteur-graphiste vidéo et travaillé à la télévision. Malgré quelques satisfactions, je ne m’y épanouissais pas pleinement. J’ai alors intégré un atelier de théâtre dans le 11ᵉ arrondissement de Paris, et c’est là que je me suis formé professionnellement.

Pourquoi la comédie musicale ?

Au terme de ma deuxième année de formation théâtrale, j’ai découvert l’interprétation chantée. Très vite, j’ai embrassé ce double métier de comédien-chanteur, et j’ai trouvé plus facilement des opportunités dans le musical. Depuis, c’est devenu ma spécialité.

Comment naissent et se montent vos spectacles ?

Chaque projet jaillit d’une étincelle différente:

  • «Histoires à l’Ouest», ma première co-écriture avec Marion Préité, est née d’une envie de comédie grand public : imaginez une superproduction d’un spectacle jeune public confrontée à un orchestre bloqué à Dunkerque, un régisseur en garde à vue, tous les artistes ravagées par une intoxication alimentaire et deux doublures pour sauver le spectacle…
  • «Dans les yeux de Jeanne» a vu le jour après un petit‑déjeuner inspirant avec ma grand‑mère, récompensant ma frustration d’un projet sur Bourvil d’une autre personne qui avait abandonné.
  • «Quentin crève l’écran» est né du deuxième confinement, questionnant notre rapport aux écrans.
  • Ma prochaine création, une comédie grinçante sur l’impact de l’IA sur le libre-arbitre, m’est venue autour d’un verre avec un directeur artistique.

Une fois l’idée définie, je structure les messages que je veux transmettre, j’écris la pièce, puis je lance la production avec mon équipe.

Que représente le théâtre pour vous ?

Le théâtre, c’est un temps suspendu : offrir aux spectateurs une parenthèse hors du quotidien. C’est aussi un lieu de rencontre ; si mes spectacles résonnent ensuite dans les discussions, j’en suis ravi. Je n’ai pas la prétention de faire « des œuvres d’art » : mon métier, c’est transmettre des émotions et raconter des histoires. Si le public élève ces créations au rang d’art, c’est lui qui en tient la clef.

Comment êtes‑vous arrivé dans Bel Ami ?

Rémi, assistant metteur en scène, est mon meilleur ami, et Arnaud, son mari, est devenu un ami proche. Je suis plutôt « traqueur » : quand j’admire le travail de quelqu’un, je n’hésite pas à le lui dire. Après un atelier d’improvisation, j’ai exprimé à Arnaud mon envie de travailler avec lui. Le jour même, Victor Bourigault, qui devait interpréter deux personnages de l’œuvre de Bel Ami, se désiste pour cause d’emploi du temps problématique. Quelques semaines plus tard, en vacances à Nice, Rémi m’appelle pour me proposer de le remplacer en alternance : j’ai dit oui. Voilà toute l’histoire.

Vos prochains projets ?

Je co-mettrai bientôt en scène, avec Dan Azoulay, ma prochaine comédie grinçante sur l’impact de l’IA, le secret et la création de liens. Le projet est en discussion pour production dans un théâtre parisien, je vous en dirai plus bientôt. Par ailleurs, j’ai lancé un compte TikTok où mes 18 900 abonnés participent au processus créatif : ma prochaine pièce jeune public, axée sur l’empathie, a été choisie par eux via sondage.

Qu’est‑ce qu’un grand metteur en scène ?

Pour moi, c’est un alchimiste du sensible : quelqu’un qui transforme mots, corps et silences en émotions universelles.

Qu’est‑ce qu’une bonne pièce de théâtre ?

C’est d’abord un miroir de nos contradictions, qui peut nous faire rire, pleurer ou réfléchir en silence. C’est un battement de cœur collectif où chaque réplique résonne plus loin que nos propres vies. Enfin, c’est une vérité qu’on n’osait peut‑être pas dire, mais qu’on accepte d’entendre ensemble, dans l’obscurité de la salle.

Que représente le Festival d’Avignon OFF ?

C’est un moment suspendu où une ville devient un théâtre à ciel ouvert. Des milliers d’artistes, techniciens et passionnés s’y retrouvent pour jouer, partager, espérer. C’est un ascenseur émotionnel : on vit la joie d’un public conquis, la douleur d’une salle vide. C’est aussi une industrie paradoxale où tout le monde, ou presque, joue à perte pour exister, pour être vu. Avignon OFF, ce sont surtout des rencontres, de la fatigue, du stress, mais surtout une aventure humaine qu’on n’oublie jamais.

Propos recueillis par Jean-Rémi BARLAND

« Bel ami » à la Factory – Espace Roseau Teinturiers – 45 rue des Teinturiers, 84 000 Avignon, jusqu’au 26 juillet à 19h. Relâche le 22 juillet. Réservations en ligne la-factory.org

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