Tribune de Sylvie Casalta.  Marseille 2026 : illusion démocratique ? 

Ce 7 août 2025 , le Conseil constitutionnel a jugé conforme la réforme du mode de scrutin pour Paris, Lyon et Marseille. On l’a bien compris : ce n’est pas une simple modification technique, mais une véritable révolution institutionnelle qui transformera radicalement la gouvernance de notre cité phocéenne.

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Sylvie Casalta ©DR

Double vote, Double jeu politique

Désormais, nous voterons deux fois lors d’un même scrutin – pour leur conseil d’arrondissements  et pour le conseil municipal central. La prime majoritaire est réduite de 50% à 25% : le pouvoir municipal sera fragmenté et favorisera des alliances entre formations politiques opposées. Le conseil municipal passera de 101 à 111 membres, diluant davantage le pouvoir de la liste arrivée en tête.

Double vote, double facture

Ainsi de 225 conseillers municipaux et conseillers d’arrondissements actuellement, dont 101 siégeant au conseil municipal, la   nouvelle configuration passera à 414 le nombre d’élus – 111 conseillers municipaux distincts plus 303 conseillers d’arrondissements- , soit une augmentation de 84%. Plus d’élus, plus de coûts. À l’heure où chaque euro compte pour nos écoles, nos transports et notre sécurité, est-ce la priorité de Marseille ?

Une nouvelle carte qui redessine les rapports de force

Désignation des secteurs  Arrondissement  constituant les secteurs  Nombre de sièges de  conseillers              d’arrondissements
                  1er           1er et 7e            25
                  2e           2e et 3e            27
                   3e           4e et 5e            33
                   4e           6e et 8e            42
                   5e           9e et 10e            47
                   6e          11e et 12e            43
                   7e          13e et 14e            53
                   8e          15e et 16e            33

 

La redéfinition des secteurs risque d’amoindrir la représentation du cœur de Marseille, pourtant durement touché socialement et économiquement, au profit des périphéries. Rééquilibrage ou nouveau déséquilibre territorial ?

Millefeuille administratif, encore plus épais

Exemple concret. Cet été, un violent incendie s’est déclaré en bordure d’autoroute entre Marseille et Les Pennes-Mirabeau. S’est alors reposé une question quotidienne : qui est responsable ? Qui est responsable de l’entretien et du débroussaillage de cette zone ? Métropole, Ville, Département, Dirmed… ? Pendant que les Marseillais et les pompiers affrontent l’urgence, la responsabilité reste floue.

Pour un nid-de-poule, un dépôt sauvage ou un trottoir insalubre, c’est déjà le ping-pong des compétences. Et voilà que la réforme ajoute une couche : 414 élus, deux scrutins, des instances supplémentaires – la gouvernance devient plus opaque. Le Marseillais se retrouve encore plus ballotté entre les différentes administrations.

Des mairies de secteur,  pour faire quoi ?

On nous annonce une « conférence des maires » en gage démocratique. Mais à quelques mois des élections, nul ne sait précisément quelles seront les compétences, les budgets, les moyens humains des futurs maires de secteur. Sans transferts clairs et pérennes de moyens, cette conférence ne sera qu’une chambre d’écho. La proximité se finance, se dote de pouvoirs et se contrôle.

Une réforme imposée, des citoyens écartés

Décidée à Paris, validée sans concertation locale. On parle de « démocratisation nécessaire ». Mais n’est-ce pas paradoxal d’imposer une réforme démocratique sans consulter celles et ceux qui la font vivre. Les Marseillaises et les Marseillais avaient droit à un débat, à des simulations, à des garanties sur les coûts et l’efficacité.

Adoptée … mais des questions demeurent 

Qui va payer pour ces élus supplémentaires ? Comment justifier cette dépense face aux besoins urgents de nos quartiers? Pourquoi complexifier un système déjà peu lisible, au risque d’aggraver l’abstention ? Cette réforme profite-t-elle aux marseillais ?

Les futurs élus devront faire preuve de lucidité et de courage : transformer cette complexité imposée en vraie proximité. Il faudra trouver la bonne méthode, être pragmatique pour que cette réforme devienne une opportunité plutôt qu’un nouveau labyrinthe administratif.

Riche d’une expérience professionnelle internationale, Sylvie Casalta, docteur en physique nucléaire,  est membre du bureau exécutif de « Nos territoires d’abord », mouvement politique initié par Renaud Muselier. Elle est, en outre, au sein même de cette formation, référente de l’assemblée «Les amoureux du sud ».

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