Ce 7 août 2025 , le Conseil constitutionnel a jugé conforme la réforme du mode de scrutin pour Paris, Lyon et Marseille. On l’a bien compris : ce n’est pas une simple modification technique, mais une véritable révolution institutionnelle qui transformera radicalement la gouvernance de notre cité phocéenne.

Double vote, Double jeu politique
Désormais, nous voterons deux fois lors d’un même scrutin – pour leur conseil d’arrondissements et pour le conseil municipal central. La prime majoritaire est réduite de 50% à 25% : le pouvoir municipal sera fragmenté et favorisera des alliances entre formations politiques opposées. Le conseil municipal passera de 101 à 111 membres, diluant davantage le pouvoir de la liste arrivée en tête.
Double vote, double facture
Ainsi de 225 conseillers municipaux et conseillers d’arrondissements actuellement, dont 101 siégeant au conseil municipal, la nouvelle configuration passera à 414 le nombre d’élus – 111 conseillers municipaux distincts plus 303 conseillers d’arrondissements- , soit une augmentation de 84%. Plus d’élus, plus de coûts. À l’heure où chaque euro compte pour nos écoles, nos transports et notre sécurité, est-ce la priorité de Marseille ?
Une nouvelle carte qui redessine les rapports de force
Désignation des secteurs | Arrondissement constituant les secteurs | Nombre de sièges de conseillers d’arrondissements |
1er | 1er et 7e | 25 |
2e | 2e et 3e | 27 |
3e | 4e et 5e | 33 |
4e | 6e et 8e | 42 |
5e | 9e et 10e | 47 |
6e | 11e et 12e | 43 |
7e | 13e et 14e | 53 |
8e | 15e et 16e | 33 |
La redéfinition des secteurs risque d’amoindrir la représentation du cœur de Marseille, pourtant durement touché socialement et économiquement, au profit des périphéries. Rééquilibrage ou nouveau déséquilibre territorial ?
Millefeuille administratif, encore plus épais
Exemple concret. Cet été, un violent incendie s’est déclaré en bordure d’autoroute entre Marseille et Les Pennes-Mirabeau. S’est alors reposé une question quotidienne : qui est responsable ? Qui est responsable de l’entretien et du débroussaillage de cette zone ? Métropole, Ville, Département, Dirmed… ? Pendant que les Marseillais et les pompiers affrontent l’urgence, la responsabilité reste floue.
Pour un nid-de-poule, un dépôt sauvage ou un trottoir insalubre, c’est déjà le ping-pong des compétences. Et voilà que la réforme ajoute une couche : 414 élus, deux scrutins, des instances supplémentaires – la gouvernance devient plus opaque. Le Marseillais se retrouve encore plus ballotté entre les différentes administrations.
Des mairies de secteur, pour faire quoi ?
On nous annonce une « conférence des maires » en gage démocratique. Mais à quelques mois des élections, nul ne sait précisément quelles seront les compétences, les budgets, les moyens humains des futurs maires de secteur. Sans transferts clairs et pérennes de moyens, cette conférence ne sera qu’une chambre d’écho. La proximité se finance, se dote de pouvoirs et se contrôle.
Une réforme imposée, des citoyens écartés
Décidée à Paris, validée sans concertation locale. On parle de « démocratisation nécessaire ». Mais n’est-ce pas paradoxal d’imposer une réforme démocratique sans consulter celles et ceux qui la font vivre. Les Marseillaises et les Marseillais avaient droit à un débat, à des simulations, à des garanties sur les coûts et l’efficacité.
Adoptée … mais des questions demeurent
Qui va payer pour ces élus supplémentaires ? Comment justifier cette dépense face aux besoins urgents de nos quartiers? Pourquoi complexifier un système déjà peu lisible, au risque d’aggraver l’abstention ? Cette réforme profite-t-elle aux marseillais ?
Les futurs élus devront faire preuve de lucidité et de courage : transformer cette complexité imposée en vraie proximité. Il faudra trouver la bonne méthode, être pragmatique pour que cette réforme devienne une opportunité plutôt qu’un nouveau labyrinthe administratif.