Publié le 13 novembre 2017 à 19h02 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h47

Nous sommes en 1919, et dans la France des années folles
Nous sommes en 1919, et dans la France des années folles, l’entreprise va se révéler aussi dangereuse que spectaculaire. Usurpation d’identité, menaces de mort planant sur eux en raison de l’art de fouiner à mauvais escient de l’infâme lieutenant Pradelle , phénoménal Laurent Lafitte, intervention humaniste de Marcel Péricourt, le peut-être père d’Edouard, bouleversant et inoubliable Niels Arestrup, art de la voltige et jeu de masques, n’en disons pas plus ! «Au revoir-là haut» version Dupontel ne se raconte pas mais se savoure. Le réalisateur qui connaît son histoire du cinéma par cœur s’en va flâner du côté de Jean Renoir et offre des plans bouleversants d’authenticité, de beauté formelle et d’intelligence. La prose très sonore de Pierre Lemaître l’y aide, et ce n’est pas un hasard si l’auteur lui-même s’est emparé de son roman pour en proposer une lecture intégrale pour les éditions Audiolib. (2 CD MP3) où l’on retrouve l’aspect policier et poétique du texte.
Des résonances modernes
Il a su voir dans cette histoire des années «Croix de bois» de Roland Dorgelès des résonances modernes dont il s’explique en vantant haut et fort les mérites du livre : «En plus de mon énorme plaisir de lecteur, confie Albert Dupontel, je trouvais le livre extrêmement inspirant. J’y ai vu un pamphlet élégamment déguisé contre l’époque actuelle. Tous les personnages me paraissaient d’une modernité confondante. Une petite minorité, cupide et avide, domine le monde, les multinationales actuelles sont remplies de Pradelle et de Marcel Péricourt, sans foi ni loi, qui font souffrir les innombrables Maillard qui eux aussi persévèrent à survivre à travers les siècles. Le récit contenait également une histoire universelle, dans le rapport d’un père plein de remords, à un fils délaissé et incompris. Et enfin, l’intrigue de l’arnaque aux monuments aux morts créait un fil rouge donnant rythme et suspens au récit. Tous ces éléments ont fait que pour la première fois pour moi une adaptation me paraissait faisable et judicieuse. De surcroit le livre de Pierre Lemaitre me paraissait un véritable mode d’emploi pour un scénario tant son écriture est visuelle et ses personnages parfaitement définis psychologiquement, le tout dans une narration aux rebondissements continus.»
Pour cela il a placé l’arnaque plus tôt dans le film qu’elle ne l’est dans le livre. Il s’en explique non sans humour : «Le spectateur est beaucoup plus paresseux que le lecteur. Pour garder rythme et attention, j’ai relié tous les personnages entre eux, encore plus que dans le livre afin que tout renvoie à tout. Par exemple, c’est Édouard qui met Merlin sur la piste de Pradelle pour se venger de celui-ci. Cette transition n’existe pas dans le livre. Et pour finir, j’avais très envie de la rencontre Péricourt père -fils et de ce dialogue sur la terrasse du Lutetia, ainsi que d’un règlement de compte Maillard-Pradelle. Là aussi, je pense que le spectateur en a besoin mais pas forcément le lecteur.»
Au final un grand film populaire, pas populiste, émouvant et somptueusement éclairé par la photographie de Vincent Mathias et nourri des décors artistiques d’un Pierre Quefféléan au sommet de son art. «Au revoir là-haut »…Bonjour le grand film !
Jean-Rémi BARLAND
«Au revoir là-haut» de Pierre Lemaitre – film d’Albert Dupontel co-scénarisé par l’auteur en ce moment sur les écrans. Roman chez Albin Michel et en livre de Poche. Lecture intégrale par Pierre Lemaitre (2 C MP 3 chez Audiolib). Adaptée en bande dessinée par Christian De Metter et Pierre Lemaître (Editions Ru de Sèvres, 169 p. 22,50 €)



