Présentés par Hugo Pinatel de l’Atelier de la langue française, Danièle Thomson et Guillaume Gallienne ont donné au Musée Granet une magnifique intervention autour du film « Cézanne et moi » et de l’oeuvre des deux artistes.

Elle, c’est Danièle Thomson, réalisatrice, qui fut scénariste aux côtés de son père Gérard Oury, sur des films mythiques tels que « La grande vadrouille » ou encore « La folie des grandeurs». Lui, c’est Guillaume Gallienne, comédien, sociétaire de la Comédie-Française depuis 2005, réalisateur, auteur du seul en scène « Guillaume et les garçons, à table » qui fut donné au Théâtre du Jeu de Paume d’Aix du 1er au 5 décembre 2009, et récemment romancier haut de gamme pour son roman « Le buveur de brume » publié aux éditions Stock. Ensemble ils ont créé « Fauteuils d’orchestre » (Guillaume Gallienne y est Pascal dans ce film de Danièle Thomson) et surtout « Cézanne et moi » réalisé toujours par Danièle Thomson (le film fut présenté à Aix en avant-première nationale) où Guillaume Gallienne incarne Cézanne aux côtés de Guillaume Canet dans le rôle d’Émile Zola. Autant dire que c’était un retour aux sources pour elle comme pour lui que ce week-end en terre provençale avec conférence à l’appui, donnée au cœur du musée Granet d’Aix qui accueille en ce moment une exposition exceptionnelle des œuvres du Maître.
« Cézanne est inépuisable »
D’emblée le ton de la conférence fut donné par Bruno Ely , le directeur et conservateur en chef du Musée Granet « Cézanne est inépuisable », a t-il déclaré en guise d’introduction à la discussion chaleureuse entre Danièle Thomson et Guillaume Gallienne organisée au Musée Granet par l’Atelier de la langue française. « Nous sommes avec ces deux créateurs au cœur de l’amitié entre un génie de la peinture et un de la littérature», précise Bruno Ely. Et c’est bien sûr par l’évocation de l’exposition Cézanne qui draine actuellement des milliers de visiteurs au musée Granet que le fil conducteur du dialogue réalisatrice-comédien a débuté, savamment conduit par Hugo Pinatel, le modérateur de l’Atelier de la langue française.
« Moi qui ne connais pas vraiment Cézanne, je dois commencer par où ?», a d’ailleurs demandé cet Aixois se disant néophyte en peinture à l’issue de la soirée. «Par là… » lui a répondu Guillaume Gallienne en désignant du doigt, l’entrée de l’exposition. Et Danièle Thomson d’avoir lancé d’ailleurs l’idée au début de la rencontre : « J’ai retrouvé dans cette exposition trois ans de mon travail personnel autour de Cézanne m’ayant permis de bâtir le film. Cela m’a bouleversé de découvrir ces tableaux que je n’avais vu qu’en reproduction. J’ai été emplie de bonheur de me retrouver époustouflée par ce musée Granet. » Même son de cloche chez Guillaume Gallienne qui s’est dit très ému par la diversité des tableaux de Cézanne. « Je connaissais la trajectoire de ce peintre mais pas la variété. De plus je trouve très intéressant qu’il n’y ait que très peu de Sainte-Victoire dans l’expo. C’est ainsi génial d’avoir sous les yeux d’autres œuvres de ce peintre qui a compris très vite ce qu’il cherchait mais qui n’y arrivait pas. »
Un film sur les artistes et sur l’amitié
Danièle Thomson qui confia avoir été muse dans sa jeunesse, en posant comme modèle pour Raoul Dufy, Marie Laurencin et Tom Wesselmann, s’est employée à bien définir la personnalité de Cézanne au travers de son parcours d’homme. Mais a voulu préciser, accompagnée en cela par les propos de Hugo Pinatel, que son long métrage réalisé en 2016 n’est en rien un film sur la peinture et la littérature mais sur les artistes, la démarche esthétique et sur la difficulté de garder ses amis d’enfance et de jeunesse. Zola fut également longuement évoqué et notamment sur le fait que ce n’est pas certain que ce soit « L’œuvre » le roman publié par l’écrivain qui soit à l’origine d’une brouille définitive entre lui et Cézanne. Quant à savoir quels textes de Zola la réalisatrice et le comédien préfèrent, Guillaume Gallienne a cité « J’accuse » et « Au bonheur des dames » tandis que Danièle Thomson a dit combien elle demeure fascinée par « L’oeuvre » et la description très émouvante du personnage de Claude Lantier. Elle a aussi au passage remis en quelque sorte les pendules à l’heure en infirmant, non sans humour, les propos de Wikipedia présentés par Hugo Pinatel selon lesquels elle aurait songé à faire de « Cézanne et moi » une pièce de théâtre avant d’en réaliser un film. « C’est absolument faux…, cela n’a jamais été mon but.. », insiste-t-elle avant qu’un spectateur évoque la qualité des silences qui éclairent son film. Ajoutons que si le tandem Gallienne-Canet fonctionne à merveille c’est que l’un comme l’autre tournant le dos à la performance, incarnent plus qu’il ne jouent.
« L’acteur est un poète qui écrit sur le sable »
Avec beaucoup d’enthousiasme Danièle Thomson a recommandé au public certaines lectures autres que les livres de Zola dont le roman de Guillaume Gallienne « Le buveur de brume ». Un texte poignant (c’est d’ailleurs assez étonnant de noter que bon nombre de comédiens de la Comédie-Française sont, tels que Denis Podalydès et tout récemment la jeune Séphora Pondy, signataire de son premier roman intitulé « Avale », de brillants auteurs). Un roman de Guillaume Gallienne publié dans la collection « Ma nuit au musée » dirigée aux éditions Stock par Alina Gurdiel, (tiens tiens encore un musée à l’honneur), qui met en exergue cette pensée d’Antonin Artaud : «L’acteur est un poète qui écrit sur le sable… Ce poète, l’acteur, qui écrit sur le sable, jouit de la fuite du temps. De cela seul il jouit : non pas du temps mais de sa fuite. » Un texte émouvant et plein d’humour aussi que Guillaume Gallienne viendra présenter à l’Atelier de la langue française le vendredi 10 octobre à 18h30. Pour l’heure, concluant une soirée haut de gamme et très chaleureuse l’acteur a lu en l’incarnant un texte de Zola…Des frissons ont parcouru alors tout la patio du musée Granet.
Jean-Rémi BARLAND
Guillaume Gallienne reviendra à Aix, à l’atelier de la langue française le vendredi 10 octobre à 18h30 pour présenter son roman « Le buveur de brume ». Éditions Stock – 277 pages -19,90 €
Photos Tristan Pranger