Chronique littéraire de Jean-Rémi Barland – Et si le Goncourt 2025 était l’un d’eux ? 

Aucune liste n’est encore publiée par les grands jurys littéraires français. Et pourtant… le Goncourt 2025 pourrait bien être parmi ces cinq grands romans français.

Destimed Laurent Mauvignier
Laurent Mauvignier signe avec « La maison vide » un chef d’oeuvre de 750 pages (Photo Hélène Bamberger)

Laurent Mauvignier en pôle position pour le Goncourt 2025

Un se détache. Il s’agit de La maison vide de Laurent Mauvignier publié chez Minuit. Un chef d’oeuvre de… 750 pages absolument admirables. On se surprend à vouloir en ralentir la lecture, à savourer chaque page, à revenir en arrière. Il s’agit d’une chronique familiale couvrant plusieurs décennies et qui embrasse tous les soubresauts historiques du XXe siècle. D’ordinaire les dix jurés de chez Drouant affectionnent de plébisciter un livre ayant pour toile de fond une des guerres mondiales. Avec « La maison vide » ils ont les deux sous la main. Avec le récit d’un homme plongeant dans des papiers de famille et des portraits de femmes absolument bouleversants.

En face de lui, Laurent Mauvignier risque de trouver deux autres « poulains » Gallimard (rappelons que sa maison d’éditions Minuit appartient désormais à Gallimard et que beaucoup de jurés Goncourt aussi…). En premier lieu Jean-Baptiste Del Amo et son nouveau roman « La nuit ravagée » qui est une sorte de polar en forme d’hommage aux films d’horreur. Une intrigue serrée, une écriture aussi tellurique que le sujet traité, un grand roman qui pourrait avoir comme inconvénient d’avoir été publié au printemps dernier…. On sait que les Goncourt favorisent plutôt les livres de l’automne. Quoi que… Souvenons-nous de « L’ordre du jour » d’Eric Vuillard Prix Goncourt 2017 pour un livre paru au printemps justement. Toujours chez Gallimard Natacha Appanah pourrait très bien aussi avec « La nuit au cœur » remporter le trophée. Livre poignant, il entrelace trois histoires de femmes victimes de la violence de leurs compagnons. « Scruter l’énigme insupportable du féminicide conjugal » tel pourrait être le projet narratif de ce texte puissant. Avec « La marchande d’oublies » (encore un Gallimard) Pierre Jourde signe son plus grand texte. Non seulement par sa taille 640 pages, mais par son ambitieux projet. L’auteur y raconte le destin de quatre frères -les Helquin- , et de leur sœur Thalia, clowns-acrobates du XIXe siècle en Angleterre. Très librement inspiré de la vie et de la carrière des Handon Lee, eux-mêmes clowns-acrobates qui fascinèrent en leur temps, ce roman mêle l’étrange au réalisme, sur fond d’une histoire d’amour passablement compliquée.

Emmanuel Carrère… veut tellement le Goncourt

On sait que ce ne sont pas les auteurs qui peuvent faire plier le Jury devant leur souhait chevillé au corps d’obtenir le Goncourt. Les dix de chez Drouant ont depuis des années montrer leur indépendance d’esprit et ne votent pas forcément pour la maison d’éditions à laquelle ils appartiennent en tant qu’auteurs. Quoi qu’il en soit Emmanuel Carrère qui publie chez P.O.L. « Kolkhoze » (tiens tiens autre maison appartenant à Gallimard) souhaiterait tant être le lauréat 2025. Dans ce qui est peut-être plus un récit qu’un roman il y évoque les derniers instants de sa mère Hélène Carrère d’Encausse sous le prisme d’une histoire familiale et privée assez poignante. Bien sûr il y a des passages moins intéressants que d’autres, mais l’ensemble secoue les lignes notamment lors de pages consacrées à l’Ukraine. Fera-t-il sensation face à Laurent Mauvignier  qui demeure à mes yeux et à ceux de beaucoup de spécialistes du monde littéraire (dont Jérôme Garcin) le favorissime lauréat. A suivre donc avec comme une indication d’ouverture la première liste des potentiels Goncourt rendue publique début septembre.

Jean-Rémi BARLAND

Articles similaires