Dans la lignée de « L’usage du monde » de Nicolas Bouvier, « L’usage du Japon » signé Emmanuel Ruben (le titre de son livre y fait explicitement référence), s’impose de la première à la dernière page une fascinante exploration d’un pays qui nous fascine. Né en 1980 l’auteur qui vit à Toulon et qui sera un des invités de la Fête du livre de Hyères les 17 et 18 mai prochains, rappelle dans son ouvrage qu’il appartient « à la première génération de français tatamisés, comme disent les Japonais.» Se définissant comme un « rejeton de la mondialisation», ayant grandi avec ce qu’il appelle « un Japon psychédélique et insolent boosté par les triomphes des seventies comme d’autres grandirent avec la promesse de l’American way of life des fifties ».

Emmanuel Ruben, après la découverte des tatamis de son enfance, s’est envolé avec son vélo pour le Japon en novembre 2023. Il y passera quatre mois et en reviendra avec ce livre qui a la forme d’un journal de bord émaillé de ses propres dessins et aquarelles (réalisation d’artiste), et qui se veut donc aussi un hommage à Nicolas Bouvier. « Mardi 14 novembre 2023. Coup de foudre topographique », écrit Emmanuel Ruben dont le premier texte qui nous est donné de lire s’ouvre par cette sensation assez vertigineuse : «Un dragon cracheur de nuages : c’est l’image qui vient à l’esprit en apercevant les premiers contours de l’archipel à travers le hublot. Un dragon géant, vivant, palpitant, sur l’échine très verte et très écaillée duquel on va venir se poser».
Un écrivain de la ville et des légendes
Outre la qualité poétique intrinsèque de son écriture « L’usage du monde » brosse en filigrane l’autoportrait d’un amoureux des villes et des légendes. Emmanuel Ruben, qui s’était déjà penché dans « Malville » sur les conséquences pour la population présente d’un accident nucléaire, aime aborder dans ses livres la place que les lieux urbains occupe dans le quotidien et l’imaginaire des gens. Cette évocation de la traversée de l’archipel à vélo où l’on voit combien Emmanuel Ruben, cartographe amoureux des cités et de leurs temples, des îles, des montagnes, s’est forgé un imaginaire de créateur dans l’usage quotidien des grands textes fondateurs.
Magnifique texte écrit avec humilité, « L’usage du Japon » qui rappelle aussi par certains côtés la « Chronique japonaise » de Nicolas Bouvier, (il précise avoir été charmé par la première phrase du livre), nous offre en contrepoint à la propre aventure de l’auteur, celle d’un certain Ino Tadataka (1745-1818), qui, arpenteur comme lui parcourut quarante mille kilomètres pour mesurer les côtes de l’archipel. D’une certaine manière, livre d’aventures d’un aventurier ébloui par l’usage d’un Japon autant réel que fantasmé, le livre d’Emmanuel Ruben n’est pas très éloigné des plongées romanesques de Jules Verne dans mille lieux…bigarrés. « Il paraît qu’on ne quitte jamais vraiment le Japon et je sais, oui, que le voyage ne fait que commencer », écrit-il en conclusion. Sûr qu’avec lui on aura envie de s’y rendre, en avion, à pied, et en vélo.
Jean-Rémi BARLAND
« L’usage du Japon » par Emmanuel Ruben. Dessins de l’auteur. Stock – 286 pages – 21,90 €
Emmanuel Ruben sera présent à la Fête du Livre de Hyères au Forum du Casino les 17 et 18 mai prochain et participera le dimanche de 14h à 14h30 en compagnie d’Émilie Desvaux à une table ronde sur le Japon. Renseignements sur le site fetedulivre.hyeres.fr