Chronique littéraire de Jean-Rémi Barland. «Odyssée des filles de l’est » d’Elitza Gueorguieva

Ça frappe, ça cogne, ça embrasse le lecteur aussi, ça le perturbe, le malmène, le séduit, et l’envoûte. Pour son nouveau roman, «Odyssée des filles de l’est», Elitza Gueorguieva se détourne du « correctement écrit » pour brosser le portrait de deux jeunes filles d’aujourd’hui provenant de l’Est et débarquées à Lyon en 2001. Chacun d’elles suivra un parcours de vie mouvementé et semé de rencontres inattendues.

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Née à Sofia naturalisée française en 2022, Elitza Gueorguieva écrit directement en français. (Photo Francesca Mantovani/Gallimard)

Dans cette «France pays de la liberté, du fromage et des tramways qui parlent » , « pays où la mode est intemporelle et où on ne lèche pas son pouce pour décoller et compter les billets de banque»,  en bref un pays « fabuleux comme Amélie Poulain » qui ne ressemble pas à la Bulgarie.  Nos deux déracinées suivent également des chemins de traverse convergents et divergents, comme si elles devaient dans des piscines parallèles pratiquer la natation synchronisée chère à la chanson de Vincent Delerm.

La première est étudiante en cinéma ce que fut l’auteure qui vit le jour à Sofia en 1982, et qui ici, rend hommage à Belmondo dans le « Pierrot le fou » de Jean-Luc Godard. La deuxième est une prostituée bulgare, l’occasion pour la romancière de casser les codes, fracasser les idées reçues, et présenter sans fards leurs tribulations lyonnaises burlesques et mordantes. Naturalisée française en 2022 Elitza Gueorguieva a suivi un long apprentissage du français et ici elle joue avec les mots ce qui donne des scènes cocasses comme lorsque confondus les mots « récépissé » et « laissez-pisser ». Des interrogations drôlatiques aussi telles que : « Pipe, nom féminin, vagin nom masculin. Va comprendre la logique. Combien la pipe ? Je ne fume pas. »

Un roman d’exilées à la conquête de leur liberté

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De l’émerveillement quotidien (éloge des trottoirs français où il n’y pas que des prostituées mais aussi des espaces sans trous au sol), à l’émotion suscitée par le personnage de Dora qui appartenant à un réseau de prostitution se trouvera expulsée manu militari, avec un passage franchement ubuesque quand Rada Goranova qui décide de lancer un gang de tueuses renomme pour commencer son groupe de paroles qui s’appellera désormais « Émasculation » le roman oscille entre rires et larmes. Il y a du Annie Ernaud à la sauce bulgare dans la manière minimaliste dont l’auteure décrit les vêtements les décors, les places et les rues. Au final un roman d’exilées à la conquête de leur liberté que l’auteure viendra présenter à Marseille dans le cadre de « Oh les beaux jours ! » ce dimanche 26 mai à 16h30 au Conservatoire Pierre Barbizet lors d’une rencontre animée par Pierre Benetti à laquelle participera aussi l’exceptionnel romancier Serguëi Shikalov.

Jean-Rémi BARLAND

« Odyssée des filles de l’est » par Elitza Gueorguieva. Éditions Verticales/Gallimard. 178 pages – 17 € – Rencontre au Conservatoire Pierre Barbizet – 2 place Auguste et François Carli, 13001 Marseille ce dimanche 26 mai à 16h30.

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