Chronique littéraire de Jean-Rémi Barland.  « Un amour infini » de Ghislaine Dunant : au menu émotion et style poétique

Sélectionnée avec son roman « Un amour infini » pour le Prix Goncourt et le Prix Médicis, Ghislaine Dunant sera aux « Correspondances de Manosque» ce samedi 27 septembre à 11heures.

Ghislaine Dunant sera à Manosque le 27 septembre à 11 heures, Place Marcel Pagnol, lors d’une rencontre avec Maria Pourchet, animée par Pierre Benetti. (Photo Pascal Ito)
Ghislaine Dunant sera à Manosque le 27 septembre à 11 heures, Place Marcel Pagnol, lors d’une rencontre avec Maria Pourchet, animée par Pierre Benetti. (Photo Pascal Ito)

Un jour, un homme, une femme, une escapade de trois jours sur l’île de Tenerife.

« Dès le début de l’écriture de mon roman “Un amour infini”, je voulais une rencontre entre un homme et une femme qui n’étaient pas tout jeunes. Au départ, l’image que j’avais c’était cette rencontre et le fait qu’ils allaient dîner ensemble. C’est tout ce que je savais. Et peu à peu, évidemment, leur biographie respective s’est complexifiée », décrit  Ghislaine Dunant. Nous découvrons alors Louise. Elle est Française. Elle a 44 ans. Elle est mère de trois filles, dont une première qu’elle a eue d’un premier mariage, et d’une autre qu’elle a eue avec Pierre qu’elle accompagne lors d’un voyage sur l’île de Tenerife. Celui-ci s’apprête à retrouver Nathan une vieille connaissance qui fut son professeur, un astrophysicien d’origine hongroise, qui vit aux Etats-Unis depuis les années 40, mais qui se trouve en mission sur l’île des Canaries. Malheureusement Pierre doit quitter en urgence Tenerife en raison d’un drame qui a eu lieu à son travail, et laisse le soin à sa femme de rencontrer Nathan pour le dîner qui était prévu à l’origine pour trois personnes… Après ce dîner Nathan va faire découvrir à Louise pendant trois jours toutes les richesses de cette île espagnole. Ils vont l’un comme l’autre évoquer leur passé respectif, d’où surgissent l’évocation de la catastrophe de la deuxième guerre mondiale, et celle de la bombe d’Hiroshima. Nathan, exilé aux Etats-Unis qui est sur l’île pour faire évoluer le projet de la construction éventuelle d’un télescope astronomique et Louise, seule ici, née à Montpellier, mariée à dix-neuf ans, ayant ensuite trouver une petit maison dans le sud de la France où elle va vivre toute la guerre, se retrouvent fascinés l’un comme l’autre par le contact avec la nature. Cela donne des pages panthéistes de toutes beautés, qui sont comme l’illustration de la passion naissante entre les deux amants vivant une multitude d’émotions charnelles.

1964, l’année où se passe le récit

Ghislaine Dunant situe le moment charnière de son roman en juin 1964 et s’en explique ainsi : «J’avais envie qu’il y ait un éloignement de la guerre, car l’éloignement fait la densité des souvenirs. Plus on s’éloigne de moments importants de sa vie plus ce sont des pépites qui restent. Et cela permettait de sortir dans leurs dialogues des moments d’une grande densité. Je voulais avec 1964 qu’on soit également loin du Maccarthysme mais en pleine guerre froide.» Considère qu’il s’agit d’une «période historique importante liée à l’évocation par Nathan que certains physiciens quand ils ont su que les Allemands n’avaient pas pu construire la bombe atomique pensaient que certains Américains voudraient livrer le secret de la fabrication de la bombe aux Soviétiques qui étaient les seuls en hiver 1943 à avoir stopper les armées nazies.»

Grande Histoire et destins individuels se mêlent ainsi dans une histoire de passion, et ce qui n’aurait pu n’être que le récit d’un adultère accidentel, de trois jours, se révèle un roman foisonnant écrit avec une économie de moyens, où se confrontent des sensations rattachées à des dimensions infinies du temps et de l’espace. On se surprend à ralentir la lecture, à revenir à haute voix sur certains passages, pour le seul bonheur d’écouter la musique d’une écriture à la grâce infinie marquée du sceau de la passion pour les mots et les humains de bonne volonté.

Jean-Rémi BARLAND

« Un amour infini » par Ghislaine Dunant – Albin Michel – 171 pages -19,90 €

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