Publié le 25 avril 2018 à 0h19 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
C’est la culture qui était au cœur du déjeuner du Club Ethic qui s’est déroulé au théâtre Nono, à Marseille en présence d’Elsa Charbit, rédactrice en chef de Radio JM et journaliste littéraire, Patrick Coulomb, journaliste littéraire, La Provence, Serge Noyelle, le directeur du Théâtre Nono et Sabrina Roubache, productrice de cinéma et élue consulaire.
«Le mot culture est orphelin si on lui retire les mots art et peuple»
Serge Noyelle élargit le propos: «Le mot culture est orphelin si on lui retire les mots art et peuple». Il fait le lien entre culture et démocratie tout en notant: «Je rentre de Russie, ils connaissent nos auteurs, notre théâtre, nos poètes. Et, plus le régime est dur, plus il y a du monde dans les théâtres». Il évoque, dans un autre cadre, Lily Pastré, qui, pendant les années sombres de la seconde guerre mondiale accueille dans sa maison marseillaise, artistes, notamment juifs et opposants au nazisme, offrant le couvert, le gite et organisant des soirées artistiques. Serge Noyelle en vient alors à la création: «Elle est toujours dérangeante. Beckett est l’auteur le plus joué au monde, pourtant 80 éditeurs avaient refusé de l’éditer. Et, aujourd’hui, aucun n’accepterait. On trouvait que Shakespeare était nul et que n’a-t-on entendu sur Verlaine. Puis tout s’inverse et personne aujourd’hui n’oserait attaquer Beckett, Shakespeare…». Elsa Charbit note que plusieurs prix littéraires, en France, saluent des ouvrages qui associent questionnement éthique et dimension esthétique. Puis de s’interroger sur Céline, la réédition de ses pamphlets antisémites étant à l’étude, accompagnée de textes pédagogiques. Serge Noyelle s’insurge: «Il m’est insupportable de penser qu’il y aurait urgence à publier les textes antisémites de Céline. Il y a des lois dans ce pays. La liberté est un enjeu mais tout n’est pas possible et ne peut être revendiqué». En revanche, il se félicite de voir «de grandes expositions fréquentées par un très nombreux publics. Il y a un désir de mémoire, d’aller vers les artistes en France. Aux Etats-Unis les jeunes disent non aux armes. Les tags, le slam, la façon d’aimer… il y a un romantisme de la jeunesse. Il y a toujours de l’espoir lorsque le printemps revient même si l’angoisse du racisme est toujours là, alors que, j’en suis persuadé, dans 2 ou 3 siècles on se demandera comment l’humanité a pu être raciste». Elsa Charbit est moins optimiste: «Je rentre de Pologne, je n’ai pas vu un africain, un maghrébin, un asiatique… Je suis inquiète et j’espère vraiment que la France va faire avancer l’Europe dans le bon sens, je ne suis pas sûre que le racisme soit derrière nous». Sabrina Roubache en revient à l’espoir, sur un plan social: «Je travaille avec les Apprentis d’Auteuil, qui se mobilise pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes afin de leur proposer des métiers autres que ceux qu’on leur propose traditionnellement. Et je dois dire que je suis bouleversée par leur capacité à créer. De même, je mène des actions auprès des jeunes de Félix Pyat, le quartier le plus pauvre d’Europe. Dans les deux cas les métiers de l’audiovisuel permettent d’amener vers le côté clair de la force une jeunesse qui ne demande que cela ». Pour Serge Noyelle : «La France est le pays le plus démocratique au monde. Regardons la richesse de nos institutions, de nos politiques et regardons le monde. Je rentre d’Italie où les artistes sont étranglés. Après, il faut bien que quelque chose ne fonctionne pas. Dans notre pays c’est le jacobinisme qui est l’injustice la plus totale».
Michel CAIRE