CNRS. Respirer pour parler : quand le cerveau prend le contrôle de la respiration

La respiration est un geste vital, si automatique qu’on l’oublie. Pourtant, pour produire la parole, la respiration doit être modulée pour caler l’expiration sur le rythme de la conversation. Dans un article publié dans la revue Scientific Reports, des scientifiques de l’Institut de neurosciences de la Timone (INT-Aix-Marseille Université/CNRS), ont identifié les mécanismes cérébraux qui permettent de synchroniser la respiration avec la prise de parole à l’aide de l’imagerie fonctionnelle cérébrale.

Quand la respiration devient langage

La respiration est un geste vital, si automatique qu’on l’oublie… même pour parler. Pour produire la parole, notre cerveau doit pourtant transformer ce mécanisme de survie en un outil de communication, en modulant la respiration pour caler l’expiration sur le rythme de la conversation. Une étude publiée dans Scientific Reports, révèle comment le système nerveux central parvient à cette prouesse : il inhibe activement le tronc cérébral, responsable du rythme respiratoire automatique, afin d’aligner la respiration sur la production de parole.

Observer le cerveau en pleine conversation

Pour explorer ce phénomène, les scientifiques ont étudié des conversations naturelles grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), tout en enregistrant simultanément la respiration. Vingt-cinq volontaires, allongés dans un scanner, ont dialogué librement et en temps réel avec un interlocuteur, tandis que leur activité cérébrale et leur respiration étaient enregistrés de manière synchrone. Cette approche a permis de distinguer des cycles où la respiration servait uniquement aux échanges gazeux vitaux, de ceux où elle se préparait à accompagner la parole.

Un mécanisme sophistiqué au service de la communication

Les résultats montrent qu’environ 200 millisecondes avant de commencer à parler, les participants ont les poumons remplis pour préparer l’expiration vocale. À ce moment précis, le tronc cérébral, qui génère le rythme respiratoire automatique, est inhibé, laissant place à un contrôle volontaire. Cette inhibition implique le cortex sensorimoteur, qui reçoit les informations corporelles indiquant que les poumons sont prêts à expulser l’air pour parler, et le cervelet, qui coordonne finement la synchronisation entre expiration et parole. Ce mécanisme permet de transformer un acte automatique, destiné à la survie, en un acte volontaire impliqué dans la communication.

Une nouvelle clé pour comprendre la parole

Cette découverte offre un éclairage inédit sur les bases neurophysiologiques de la conversation humaine. Elle montre que parler n’est pas seulement un acte linguistique ou social : c’est aussi un acte biologique où le cerveau réaménage temporairement une fonction vitale. Ces résultats ouvrent des perspectives pour mieux comprendre certains troubles de la respiration liés à la parole et pourraient inspirer de nouvelles approches pour la rééducation.

 

En savoir plus : Di Pasquasio C, De Pellegrin L, Pineaud A, Marty A, Chaminade T. Central nervous system control of breathing in natural conversation turn-taking. Sci Rep. 2025 Aug 25;15(1):31276. doi: 10.1038/s41598-025-15776-1. PMID: 40855101; PMCID: PMC12378384.

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