CONSEIL GENERAL

Publié le 30 mars 2013 à  1h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h12

Martine Vassal-Marie-Arlette Carlotti : la guerre des mots

Le plus vif débat de la matinée de vendredi a opposé la présidente du groupe « Avenir pour le 13 », également adjointe au maire de Marseille, et la conseillère générale socialiste, également ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la Lutte contre l’exclusion. Un affrontement haut en couleurs sur fond d’opposition Sarkozy-Hollande et de… campagne des municipales 2014 à Marseille.

Maryine Vassal (UMP), la présidente du groupe
Maryine Vassal (UMP), la présidente du groupe

En ce vendredi 29 mars, on imaginait volontiers que le vote du budget, morceau de choix des 53 rapports figurant à l’ordre du jour, serait la délibération qui générerait les échanges les plus vifs et passionnés entre les bancs de la majorité départementale et ceux de l’opposition. Mais il n’en a rien été. Non, c’est le rapport n°27 consacré à la politique publique des relations internationales, des affaires européennes et des interventions humanitaires qui a le plus animé le « vaisseau bleu » au cours de cette matinée de débats. Plus que le thème, c’est la personnalité de la rapporteuse, la conseillère générale Marie-Arlette Carlotti (PS), également ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la Lutte contre l’exclusion au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, qui a suscité tous ces remous. Le temps d’une délibération, le 3e tour de la présidentielle de 2012 et la campagne électorale des municipales 2014 à Marseille se sont invités au sein de l’hémicycle du conseil général. Martine Vassal (UMP), présidente du groupe « Avenir pour le 13 », et par ailleurs adjointe au maire de Marseille, a en effet saisi l’occasion pour se livrer à un réquisitoire en règles contre la candidate déclarée à la mairie de la cité phocéenne.

« La présentation du rapport de notre collègue Marie-Arlette Carlotti a été pour le moins complète. Elle nous laisse cependant perplexes », lance d’emblée Martine Vassal avant de revenir sur le contenu de la première page dudit rapport. « Trois fois en deux lignes, le mot solidarité revient, comme si, en adepte de la méthode Coué, madame la déléguée, vous souhaitiez d’abord vous persuader que votre politique en sera prodigue. Le décalage est frappant, pourtant, entre votre action supposée de conseillère générale déléguée aux Relations internationales, d’une part, et votre inaction en tant que ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la Lutte contre l’exclusion d’autre part », tranche l’adjointe au maire de Marseille.
Et Martine Vassal d’asséner : « Vous qui avez tant disserté, des années durant, sur le soi-disant mépris des démunis, sur la soi-disant violence à l’égard des faibles, sur la soi-disant haine des pauvres dont aurait fait preuve le gouvernement de Nicolas Sarkozy, qu’avez-vous de mieux à revendiquer ? ».

« Nicolas Sarkozy a fait davantage en cinq ans que vous n’en ferez jamais »

La présidente du groupe « Avenir pour le 13 » poursuit sur le ton de l’ironie : « Sans doute avez-vous été surprise par cette crise puisque vous n’avez cessé d’en nier l’existence, comme tous vos camarades socialistes, préférant croire que tous les maux des Français étaient dus aux diaboliques initiatives de Nicolas Sarkozy… Mais il est fini le bon vieux temps de l’opposition, madame la ministre. » Avant d’asséner : « Qui serait capable de citer quoi que ce soit que vous auriez fait pour lutter contre l’exclusion, pour des actions de solidarité en France ? Personne. »
Rappelant que Nicolas Sarkozy avait quant à lui « créé le RSA, le service civique » et « augmenté de 25% le minimum vieillesse », le réquisitoire de Martine Vassal se fait encore plus accusateur. « La vérité est que le gouvernement de Nicolas Sarkozy a fait davantage en cinq ans que vous n’en ferez jamais. La vérité, c’est que ce n’est pas la droite qui a divisé les Français comme vous l’affirmiez, mais François Hollande et le Parti socialiste qui ont passé cinq ans à profiter de leurs doutes et de leurs faiblesses pour les dresser contre leur président à l’heure où l’union nationale était une nécessité vitale ! C’est vous qui trahissez encore les Français en ne tenant pas les promesses démagogiques de votre campagne électorale. C’est vous qui divisez les Français en nourrissant sciemment le Front national, comme vous le faites depuis 30 ans, pour affaiblir la droite en la diabolisant », martèle-t-elle.
Et d’en venir à la « solidarité entre les territoires » mentionnée dans le rapport. « Des mots ! Madame la ministre, vous représentez en réalité dans cette assemblée un gouvernement qui s’apprête à couper les vivres à tous les territoires de France. Comment pouvez-vous encore siéger au sein d’une assemblée qui s’apprête à souscrire un emploi obligataire parce que le gouvernement auquel vous appartenez va trancher à coups de hache dans les dotations qu’il lui alloue ? Comment pouvez-vous prétendre, ici, défendre notre département quand vous êtes la complice d’un plan d’exclusion des collectivités territoriales, validé par François Hollande qui avait pourtant promis le contraire », interroge-t-elle en rappelant l’engagement n°54 du candidat Hollande : « Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’Etat et les collectivités territoriales, garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel ». « Quatre mois plus tard, Jérôme Cahuzac annonçait que les dotations de l’Etat aux collectivités seraient gelées de manière stricte en 2013, c’est-à-dire sans tenir compte de l’inflation, et surtout rabotées de 1,5 Md€ en 2014 et en 2015… Et ce n’était qu’un début : à la mi-février, le gouvernement doublait la mise et annonçait une nouvelle amputation de 3 Mds€ ! », dénonce la présidente du groupe « Avenir pour le 13 ».

« Que faites-vous dans un gouvernement qui manifeste un tel mépris à l’égard de Marseille ? »

Martine Vassal estime par ailleurs que « l’austérité prônée hier soir (NDLR : jeudi soir) par le président de la République ne s’applique visiblement pas de la même façon pour tout le monde – et singulièrement pour les Marseillais et les Provençaux… » Et d’en revenir au Comité interministériel du 6 septembre 2012 consacré à Marseille où « on allait voir ce qu’on allait voir ». « Une métropole miracle allait soigner tous nos maux… malgré nous. Hélas, l’ »acte III de la décentralisation » que le Conseil des ministres s’apprête à adopter dans quelques jours n’est qu’une expression supplémentaire de la politique du « deux poids deux mesures » adoptée par l’Etat à notre égard. Alors que la future « Métropole de Paris » va offrir un nouveau potentiel institutionnel à la capitale administrée par la gauche, la « Aix-Marseille-Provence » s’annonce comme une usine à gaz bureaucratique qui freinera le développement de la plus grande ville de France gérée par la droite », résume-t-elle.
L’adjointe au maire de Marseille évoque enfin les fameux 30 Mds€ annoncés par Jean-Marc Ayrault qui permettront de doter Paris et sa région d’un réseau de transports ultramoderne. « 30 Mds pour Paris et rien pour nous ! Rien n’est trop beau pour Paris, mais rien ne presse pour Marseille… le gouvernement se moque de nous », accuse-t-elle.
Martine Vassal en revient alors à Marie-Arlette Carlotti pour porter le coup de grâce. « Vous venez de déclarer à Marseille une flamme aussi intense que soudaine. Passion tardive certes, mais je n’aurai pas la mesquinerie de vous dénier la foi des convertis, qui, dit-on, n’est pas moins vivace… Alors que faites-vous dans un gouvernement qui manifeste un tel mépris à l’égard de Marseille et des Bouches-du-Rhône ? De deux choses l’une. Soit vous y défendez notre cause, et nous avons la preuve éclatante que personne ne vous écoute – il ne vous reste donc plus qu’à démissionner si vous ne voulez pas trahir plus longtemps ces Marseillais que vous aimez tant désormais… Soit vous ne levez pas le petit doigt, et vous n’êtes pas digne de briguer leurs suffrages », assène-t-elle à la manière d’un procureur à l’issue de son réquisitoire. Avant de juger que « les socialistes veulent mettre à genoux la ville-centre du département, pour mieux se présenter en soi-disant sauveurs de l’un et de l’autre, tels des pyromanes déguisés en pompiers ».

« Qu’elle ne se trompe pas de tribune et qu’elle ait un peu de pudeur »

La présidente du groupe « Avenir pour le 13 » ironisera également sur « les politiciens sans courage de la rue de Solférino » qui ont placé « sous tutelle leurs camarades des Bouches-du-Rhône » en se tournant vers Jean-Noël Guérini : « Par peur, nous dit-on, monsieur le président, que vous exerciez encore quelque influence sur eux ». Et de conclure : « Leur mépris est une faute majeure que nul ne saurait absoudre. Et de grâce, madame Carlotti, n’utilisez donc plus le mot « solidarité » sans réalité concrète à l’égard de territoires et de gens qui n’apprécient pas plus ici qu’ailleurs d’être traités par le mépris. »
La réponse de la ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la Lutte contre l’exclusion sera tout aussi cinglante. « Je remercie madame Vassal pour tout l’intérêt qu’elle me porte. Je répondrai sur la délibération tout d’abord. Je n’ai pas besoin de dire combien notre Département est actif en termes de solidarité », débute-t-elle. Avant de poursuivre à propos des remarques sur son rôle au sein du gouvernement : « Qu’elle ne se trompe pas de tribune et qu’elle ait un peu de pudeur car elle a soutenu un gouvernement qui, depuis 2008, a provoqué la montée du chômage et des déficits abyssaux. Attaquez-nous mais ayez un peu de pudeur. »
Marie-Arlette Carlotti poursuit dans la même veine. « Quelles leçons avez-vous à nous donner ? La solidarité, c’est ce gouvernement qui ne laisse jamais personne sur le bord du chemin. Ici, on tient les deux bouts de cette politique », martèle-t-elle. Elle rappelle également qu’elle a « porté un plan contre l’exclusion : 700 000 personnes supplémentaires vont avoir accès à la complémentaire santé. Vous avez créé le RSA : 68% des personnes ne se servent pas de ces RSA tellement il est inopérant. Quant au RSA jeunes qui devait concerner 150 000 jeunes, c’est même pas 8 000 aujourd’hui. »

« J’aurais eu honte à votre place d’être si inactifs »

Tout en rappelant à nouveau qu’elle « ne mélange pas les hémicycles », la candidate déclarée à la mairie de Marseille évoque également les conditions d’accueil des personnes handicapées dans les Bouches-du-Rhône. « Les disparités d’accueil ne sont pas de votre fait dans ce département. Mais cela fait des années que vous n’avez pas autorisé d’ouverture de places. Cette année, nous créerons 4 000 places dans ce département », souligne-t-elle. Avant de marteler à nouveau : « Je n’ai pas de leçons à recevoir. Et que nous fassions ces débats ailleurs qu’ici. Vous retardez l’avancement des travaux. »
Marie-Arlette Carlotti défend également le fait que « pour la première fois, un comité interministériel réunissant 11 ministres » a été consacré à Marseille. « Madame, combien de fois vous avez supprimé des forces de police ? On a sorti du trou la L2, cette année », compare-t-elle. Avant d’asséner à l’adresse de Martine Vassal et de la droite : « Vous êtes des gens qui ne proposent rien. Il a fallu que le Premier ministre fasse des propositions. J’aurais eu honte à votre place d’être si inactifs. »
La ministre défend enfin sa légitimité d’être assise sur les bancs du conseil général. « Je siège ici car j’ai été élue au suffrage universel, car les citoyens de mon quartier m’ont soutenue. Je n’ai pas de leçons de légitimité à recevoir, et surtout pas de la droite », lance-t-elle en guise de conclusion.
Après cette passe d’armes haute en couleurs, Jean-Noël Guérini en reviendra au sujet des débats à savoir ce fameux rapport 27. « La solidarité nous l’avons mise en œuvre en Arménie, avec notamment un centre médical. Nous sommes aussi investis en Algérie, en Israël, au Maroc et en Tunisie. Et nous allons continuer », souligne le président du conseil général.
La délibération sera finalement adoptée avec l’abstention du groupe « Avenir pour le 13 », « compte tenu des propos de madame », précisera Martine Vassal.

Serge PAYRAU

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