Discours de Michel Vauzelle à Bruxelles

Publié le 12 avril 2013 à  8h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h08

A l’invitation de Martin Schultz, Président du Parlement européen, Michel Vauzelle a présenté ce vendredi 12 avril à Bruxelles devant la 9e session plénière de l’Assemblée Parlementaire de l’Union pour la Méditerranée les conclusions de la Semaine méditerranéenne, qui s’est déroulée du 3 au 7 avril à la Villa Méditerranée à Marseille*.

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Verbatim

Je voudrais en premier lieu remercier mon ami, le Président Martin Schulz, de m’avoir invité à intervenir dans cette partie de la Session plénière consacrée à la mobilité et à la citoyenneté en Méditerranée et au Sommet « de Marseille », le premier Sommet des Présidents des parlements nationaux des pays membres de l’Union pour la Méditerranée. Je voudrais également le remercier d’avoir choisi de l’organiser dans un lieu qui me tient à cœur , la Villa Méditerranée que j’ai souhaité être un lieu d’échange et de partage entre les citoyens des deux rives et qui a été inaugurée à cette occasion, et d’avoir donné lors de ce Sommet une impulsion majeure au contenu politique de l’Union pour la Méditerranée.
Pour les provençaux, la semaine dernière a eu une résonance particulière.

Les 3 et 4 avril, nous avons accueilli avec le Maire de Marseille ce que j’ai coutume d’appeler « la diplomatie de proximité » avec le 3e Forum des élus locaux et régionaux de la Méditerranée qui a réuni près de 400 participants, dont une centaine d’élus du Sud.
Nous avons également accueillis du 4 au 7 avril le Forum Anna Lindh qui a réuni la société civile méditerranéenne dont mon ami, André Azoulay, pourra nous détailler le succès, grâce notamment à une implication de tous les instants de la jeunesse méditerranéenne et des femmes.
Et enfin, dimanche dernier, en point d’orgue de cette semaine où la Méditerranée a été à l’honneur dans la cité phocéenne, s’est tenu ce Sommet majeur des présidents de parlements qui a donné une impulsion politique nouvelle non seulement parce qu’elle intervient pour la première fois à un tel niveau de représentation depuis le sommet des chefs d’État de juillet 2008 mais surtout parce qu’elle représente une autre voie pour l’exercice de la démocratie et pour la Méditerranée des projets.

Toutefois, et excusez-moi d’apporter une note plus pessimiste, quelle que soit notre satisfaction d’avoir porté ou accueilli ces événements, le constat en Méditerranée est alarmant. Au nord comme au Sud, sévissent des crises sociales, politiques et économiques. Les populations souffrent et légitimement s’interrogent.
Les élus locaux et régionaux mais également les parlementaires sont sur le terrain confrontés à ces malaises et à cette perte de confiance dans l’action politique. Chacun d’entre vous en fait certainement l’exercice au quotidien.

A ces questions fondamentales qui nous sont posées et qui sont celles du vivre ensemble, nous ne pouvons pas répondre « je ne sais pas ».
Nous n’avons pas le droit de dire « nous n’y pouvons rien » même si les réponses ne sont pas faciles.
Collectivement nous devons concevoir et promouvoir un modèle différent, une nouvelle ambition à la hauteur des besoins légitimes de respect, de dignité et d’égalité exprimés par nos peuples.
Dans une région comme la mienne, quand une partie de la famille habite à Marseille et que l’autre partie vit sur l’autre rive de la méditerranée, nous ne pouvons pas dire que nous sommes en « voisinage », nous sommes bien davantage en cohabitation et cette mer commune nous rassemble bien plus qu’elle ne nous sépare.
Face à ces enjeux et à cette communauté de destins sans cesse réaffirmée, les questions essentielles de l’avenir de la jeunesse, de la mobilité et de la citoyenneté méditerranéenne doivent être au cœur de nos réflexions et de nos propositions.

C’est pourquoi en tant que Président de la Commission Méditerranée de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), j’ai souhaité placer la construction de la « gouvernance démocratique » au centre des débats du 3eme Forum des autorités locales et régionales.
Car cette gouvernance démocratique permet que les peuples soient écoutés et associés aux projets. Les autorités régionales et locales jouent un rôle irremplaçable dans cette construction. Sans cette exigence, le risque est grand de laisser se développer les insatisfactions et les incompréhensions entre populations et territoires voisins. C’est une conviction que nous partageons au sein de l’ARLEM depuis sa création en 2010 et que nous devons aider, au-delà de son rôle institutionnel, par un rôle aussi militant au plus près du terrain. Un conseil politique réunissant des élus méditerranéens a été réuni pour la première fois et sera en charge du suivi de ces recommandations. Ce conseil a pour vocation de constituer une capacité permanente de discussion avec l’ensemble des États, des bailleurs et des institutions internationales et travaillera en lien étroit avec l’ARLEM. Je salue d’ailleurs à cette occasion le président Valcarcel ici présent ainsi que Madame Bresso qui participait à nos travaux.
C’est pourquoi, je me réjouis tout particulièrement que la déclaration finale du Sommet des Présidents de parlements adoptée dimanche reconnaisse la décentralisation et le rôle des autorités locales et régionales comme un aspect important de développement et de participation démocratique. Une déclaration finale a été adoptée dont je vous laisse prendre connaissance des principaux messages.

Depuis le 1er janvier, le Président de la République française m’a confié une mission en tant que parlementaire et vice-président de la Commission des affaires étrangères. C’est une mission difficile : celle de faire des propositions à la France pour développer cette Méditerranée de projets, dont nous avons tellement besoin.

La semaine prochaine, Je vais transmettre au Président et au premier ministre un pré- rapport. C’est donc pour moi d’un très grand intérêt de pouvoir débattre avec vous aujourd’hui pour recueillir d’ultimes recommandations à ce premier stade. J’y attache beaucoup d’importance car la liaison avec les élus du peuple que sont les parlementaires, les présidents de Région, les maires, permet d’apporter davantage de démocratie dans des processus et des dispositifs qui n’ont pas produit les effets escomptés, justement parce que les populations, les citoyens, n’y ont pas été associés.

Ce rapport, c’est avant tout un cri d’alarme qu’il veut d’abord faire entendre.
En effet, la situation très préoccupante de la Méditerranée aujourd’hui peut se détériorer extrêmement vite. Ce n’est pas qu’une question de sécurité aux frontières sud de l’Europe et de la Méditerranée, mais une question de sécurité au sein de l’Europe, au sein du bassin méditerranéen et un enjeu pour la démocratie et sa sauvegarde face à la montée des populismes xénophobes et des intégrismes de tous bords. Il y a péril. Péril du rejet de l’Europe face aux mécontentements des populations. Péril du rejet de la démocratie et d’un modèle basé sur des valeurs de respect des droits de l’homme, de tolérance et de justice.

Au nord, une crise financière, économique et sociale grave et durable affecte depuis 2008 l’Union européenne, et notamment la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie et, aujourd’hui, Chypre. Ce contexte de déprime économique se traduit entre autres par une forme de désengagement des gouvernements à l’égard du partenariat avec le sud et par une démobilisation des opinions publiques

Dans toutes les consultations et les entretiens que j’ai pu avoir, un constat s’impose : le chômage massif des jeunes est le défi le plus important auquel sont et seront confrontés les pays méditerranéens.

En effet, 455 millions d’habitants vivent aujourd’hui en Méditerranée, ils seront plus de 520 millions en 2025. Cette situation démographique qui pourrait être un atout structurel pour les pays qui la connaissent et pour l’Europe vieillissante, est confrontée au manque d’emplois que la crise amplifie. Selon les pays, la moitié des jeunes en âge de travailler, soit pour l’ensemble de la zone plus de 30 millions de personnes, sont dans cette situation d’extrême précarité.
Le chômage touche souvent des jeunes diplômés comme en Tunisie. Beaucoup recherchent dans le secteur informel des emplois de survie, la plupart extrêmement précaires. C’est une situation explosive. Les révolutions arabes y ont trouvé leur origine. Si les régimes qui en sont issus ne trouvent pas de réponse, quelle sera la réaction de cette jeunesse délaissée ? Cette question n’est pas seulement celle des pays du sud, l’Europe et nous tous sommes intéressés.

C’est une évidence : l’avenir de la Méditerranée s’inscrit dans le contexte de la globalisation économique qui bouleverse le rapport de forces entre les régions du monde et qui met en compétition les entreprises, les nations et les territoires en aggravant encore les inégalités. Les territoires notamment sont perçus en termes d’opportunités, de profits et de pertes sans considération pour leur l’intérêt et l’avenir de leurs populations. Face aux grands pays émergents et à un déplacement du dynamisme économique vers l’espace Pacifique, quel poids et quelle influence l’Europe est-elle en capacité de maintenir ?

Les déclarations de bonnes intentions et les moyens supplémentaires dégagés depuis 2011 dans le cadre du programme « Spring », ou encore dans le cadre du G8, avec le Partenariat de Deauville, tardent à entraîner un renversement positif de situation.
L’aide, qu’elle soit bilatérale ou multilatérale, ne peut compenser les défauts de construction de la relation euro-méditerranéenne. Qu’en est-il de nos instruments de coopération, qu’ils soient bilatéraux, communautaires ou relevant de la coopération décentralisée ? Pourquoi donnent-ils l’impression de n’être plus en mesure de contribuer correctement à la croissance économique, à la cohésion sociale et au rapprochement des deux rives de la Méditerranée ?
Ensemble nous devons répondre à ces défis communs, les plus urgents et les plus profonds, en premier lieu celui de l’avenir d’une jeunesse sans emploi, sans perspectives. Une stratégie de formation, d’éducation, d’insertion, d’accès à l’emploi, de développement de la recherche doit être élaborée.

Une partie de mes recommandations portera sur la nécessité d’améliorer la mobilité et tout en respectant nos engagements internationaux et en particulier européens, faciliter la circulation légitime des populations entre les deux rives.

Un autre domaine sur lequel porteront les recommandations concernera la mise en place d’une politique coordonnée de coopération à destination de la jeunesse méditerranéenne. Il ne s’agit évidemment pas de privilégier une action à destination de la jeunesse au détriment des autres actions de coopération. Mais il convient d’avoir une approche systémique des politiques menées dans ce domaine, pour mettre en cohérence les initiatives qui sont conduites en termes de formation, d’accès à l’emploi, de santé, de culture, d’accès aux nouveaux médias, de sports…

Enfin, l’une des conclusions de ce premier rapport sera la nécessité de redéfinir le rôle et la place des autorités locales et régionales dans la diplomatie méditerranéenne. Cet objectif doit, certes, être mis en œuvre en accompagnement progressif, et au rythme de chaque État, des Printemps arabes et de leur volet décentralisé mais globalement, les États ne peuvent plus être les acteurs exclusifs des relations méditerranéennes.
Au vu des besoins exponentiels de renforcement des capacités institutionnelles exprimés par les partenaires du Sud, nous avons tous à gagner à nous appuyer sur les possibilités offertes par les outils européens et notamment par la future politique de voisinage pour développer les transferts d’expérience, les jumelages institutionnels, les échanges de bonnes pratiques,… Nous sommes déjà quelques-uns à travailler sur ces questions, notamment au sein de l’ARLEM, mais nous devons rechercher ensemble les voix nécessaires pour rendre ce co plus opérationnel.

Enfin, l’adhésion à ces enjeux des parlements nationaux de l’Union pour la Méditerranée et du Parlement européen, leur appui pour une diplomatie parlementaire active, pourrait permettre de renforcer et de consolider les processus démocratiques et de décentralisation et de consolider pour une stratégie de dialogue organisée à la base, au plus près des préoccupations d’emploi, de logement ou tout simplement de survie des peuples. Cette adhésion et implication des parlementaire est fondamentale.
C’est le gage d’une avancée qui pourrait être historique en vue d’une Méditerranée de projets, de proximité et de paix. Les peuples méditerranéens, et particulièrement les jeunes, les femmes et tous les méditerranéens en ont tant besoin.

Le processus de l’Union pour la Méditerranée est en difficulté au niveau politique et doit impérativement se renouveler, laissant derrière lui la photo quelque peu jaunie de 2008 où posaient des chefs d’Etat comme Ben Ali ou Moubarak…

Ensemble, parlementaires, élus de proximité, institutions européennes, états et toutes les forces locales et régionales euro-méditerranéennes, nous devons nous mobiliser pour.

* La Région Provence Alpes-Côte d’Azur a accueilli du 3 au 7 avril, à la Villa Méditerranée à Marseille, trois événements majeurs pour l’avenir de la Méditerranée :
– Le Forum des Autorités Locales et régionales de la Méditerranée de CGLU
– Le Forum Jeunesse de la Fondation Anna Lindh « Citoyens pour la Méditerranée »
– le 1er Sommet des Présidents des Parlements nationaux de l’UpM.

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