EN VISITE CE MARDI A MARSEILLE

Publié le 3 avril 2013 à  1h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h12

Sur la SNCM, Arnaud Montebourg navigue à vue
Alors que ses propositions étaient particulièrement attendues sur les dossiers Fralib et SNCM, le ministre du Redressement productif n’en a rien dit au cours de sa visite ce mardi dans la cité phocéenne. Les marins CGT de la compagnie maritime étaient pourtant venus l’accueillir en gare Saint-Charles.

C'est sous bonne escorte que le ministre du Redressement productif a visité le Train de l'Industrie en gare Saint-Charles.
C’est sous bonne escorte que le ministre du Redressement productif a visité le Train de l’Industrie en gare Saint-Charles.
Les opposants au
Les opposants au
Plus silencieux, les marins CGT de la SNCM n'en avaient pas moins deux mots à dire au ministre. (Photo S.P.)
Plus silencieux, les marins CGT de la SNCM n’en avaient pas moins deux mots à dire au ministre. (Photo S.P.)
Les marins CGT n'ont pas souhaité que les opposants au
Les marins CGT n’ont pas souhaité que les opposants au
Arnaud Montebourg a été loquace sur le cas de Jérôme Cahuzac... beaucoup moins sur la SNCM.
Arnaud Montebourg a été loquace sur le cas de Jérôme Cahuzac… beaucoup moins sur la SNCM.
Le ministre du Redressement productif s'est fait l'avocat du
Le ministre du Redressement productif s’est fait l’avocat du
Avant de finir son après-midi marseillais par une réunion publique dans le fief électoral de Patrick Mennuccci.
Avant de finir son après-midi marseillais par une réunion publique dans le fief électoral de Patrick Mennuccci.

Dire que la venue du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, à Marseille ce mardi 2 avril était attendue relève de l’euphémisme. Dans un département marqué par le conflit social des salariés de l’usine Fralib de Gémenos en lutte depuis bientôt trois ans et par les inquiétudes que suscite la situation de la compagnie maritime SNCM, dont le sort a fait l’objet la semaine passée du vote de deux motions de soutien au conseil municipal de Marseille et au conseil général des Bouches-du-Rhône, l’ardent défenseur du « produisons français » avait plus que jamais du grain à moudre. Parmi ses premiers auditeurs figurait d’ailleurs le président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) Eugène Caselli qui par voie de presse n’avait pas manqué d’exprimer son attente de propositions concrètes du ministre du Redressement productif sur ces deux dossiers clés. Mais voilà, la visite d’Arnaud Montebourg dans la cité phocéenne n’a pas permis de faire avancer le « schmilblick » comme l’aurait dit Coluche…
S’il y a des enseignements à retirer de sa venue en terre phocéenne, ils sont ailleurs. Tout d’abord, sur les prochaines municipales de Marseille, le ministre a fait son choix. Après avoir démenti sur les antennes de France 3 Bourgogne qu’il briguerait dans un an la mairie de Marseille, il a effectué toute sa visite dans la cité phocéenne suivi comme son ombre par Patrick Mennucci (PS). A n’en pas douter, le député-maire du 1er secteur de Marseille (1er-7e arrondissements) qui conjugue à merveille le « pas encore déclaré mais déjà candidat », est bien celui qu’il a choisi de soutenir. Pour s’en persuader, il suffit de conter cet épisode qui s’est produit ce mardi sur le parvis du MuCem, qu’Arnaud Montebourg a visité en début d’après-midi. Alors que le ministre du Redressement productif vient de déclarer sa flamme à Marseille, « une ville que j’admire où je retrouve des amis chers », un journaliste l’interroge : « Patrick Mennucci, c’est un peu l’homme du jour ? ». « C’est l’homme de l’année peut-être », réplique-t-il du tac au tac, avant que dans sa foulée Patrick Mennucci ne précise : « 2014 ». Et pour finir de s’en persuader, notons que c’est par une réunion publique rue Sénac (1er) au cœur du fief électoral du député-maire du 1er secteur qu’il a conclu sa visite ce mardi à Marseille. Arnaud Montebourg y a terminé son allocution par une phrase lourde de sens : « Vive Marseille, j’espère bientôt libre ! ».

Cahuzac : « Les bras m’en tombent »

Deuxième enseignement, Arnaud Montebourg continue à laver plus blanc que blanc en politique. Ainsi, l’ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, l’homme qui faisait partie il y encore peu de la même équipe ministérielle que lui, celle-là même qui devait exprimer une solidarité à toute épreuve en cette période de crise que la France connaît, ne trouve d’ores et déjà plus aucune grâce à ses yeux après avoir avoué ce mardi qu’il possédait un compte en Suisse depuis une vingtaine d’années. Celui dont les propos ont provoqué un véritable séisme politique, n’est encore que mis en examen pour blanchiment, c’est-à-dire encore présumé innocent, mais il est déjà coupable aux yeux du ministre du Redressement productif. « Les bras m’en tombent. J’étais loin de penser qu’on en était là. Cahuzac n’avait pas le droit de nous faire cela. C’est un coup très dur à la force de la parole politique. Il s’était présenté devant nous sous serment. Je suis submergé par la tristesse et la colère », explique-t-il. Une présomption d’innocence qu’il n’accorde pas davantage à son « meilleur ennemi » Jean-Noël Guérini, président du conseil général des Bouches-du-Rhône. Ainsi, après avoir chahuté en gare Saint-Charles par un double comité d’accueil, les opposants au « mariage pour tous » plus bruyants pour l’occasion que les marins de la SNCM, Arnaud Montebourg, qui se pensait à l’abri des micros, a eu ce trait d’humour dont il a le secret : « Finalement, la seule victime de cette journée, c’est Jean-Noël Guérini » en faisant allusion à la mise en garde à vue de ce dernier ce mardi matin.
Troisième enseignement, qui n’est au final qu’une confirmation, Arnaud Montebourg est bien l’homme du contre-pied. Car s’il a bel et bien parlé redressement productif ce mardi à Marseille, ce n’est pour évoquer ni la SNCM, ni Fralib, dossiers sur lesquels il était particulièrement attendu, mais celui de l’entreprise Kem One, l’entreprise spécialisée dans l’industrie chimique, qui a été placée en redressement judiciaire mercredi 27 mars. Le ministre a même pris le temps de les recevoir les délégués syndicaux de l’usine de Lavéra en préfecture dans l’après-midi. « Il faut tourner pendant six mois, le temps de trouver des solutions durables avec tous ceux qui sont en amont et en aval. J’ai tenu à associer les organisations syndicales », a-t-il indiqué plus tard aux micros des journalistes.

Les marins CGT : « Ne tenez pas un double discours Monsieur ! »

Et la SNCM ? Une vingtaine de marins (*) n’ont pas manqué de venir interpeller directement le ministre dans l’après-midi en gare Saint-Charles. Avec à leur tête Yann Pantel, responsable CGT marins, ils ont dénoncé le double langage de l’Etat dans ce dossier. Au milieu des services d’ordre, le responsable syndical s’est exprimé en ces termes au ministre du Redressement productif : « Vous et M. Moscovici, vous leur avez dit quand vous êtes allés à Saint-Nazaire que les bateaux de la SNCM se feront chez eux. Au conseil de surveillance de la SNCM, vos représentants disent qu’il n’y a pas d’argent, qu’il n’y aura pas de bateaux. Ne tenez pas un double discours Monsieur ! ».
Rappelons que le renouvellement complet de la flotte, qui serait réduite d’une unité (8 navires contre 9 aujourd’hui), est la clé de voute du projet stratégique de la compagnie présenté par le président du directoire Marc Dufour au conseil d’administration en octobre 2011. Car le fait qu’aucun navire actuel n’ait moins de dix ans d’âge, sans compter que certains ferries ne sont plus adaptés au marché, plombe la SNCM incapable dans ces conditions de rivaliser avec la concurrence. Pour y remédier, le plan de Marc Dufour prévoit alors l’acquisition de huit bateaux mixtes (fret et passagers), pour un coût de 800 M€. Ces nouveaux navires, de type ROPAX fonctionnant au gaz, dotés d’une capacité de 2 400 mètres de linéaires de fret et capables de transporter 1 300 passagers, doivent permettre de revenir à des modes de transports plus combinés pour augmenter la productivité et réduire les coûts. Plus fonctionnels et plus rapides, ils seront en mesure de d’assurer deux rotations en 36 heures.
Des navires qui pourraient être construits en France, sur les chantiers navals de Saint-Nazaire. Marc Dufour a confirmé l’été dernier que STX faisait partie d’une short-list de chantiers navals auxquels la compagnie était susceptible de faire appel, discussions et négociations étant alors toujours en cours. Il avait aussi indiqué que c’est une fois connu le résultat de la DSP, dans le courant du second semestre 2013, que la compagnie passerait commande. Si STX était finalement choisi, on serait en phase avec le « produisons français » si ardemment prôné par le ministre du Redressement productif. Reste à savoir, si au vu des inconnues qui entourent aujourd’hui sur la composition du futur actionnariat de la compagnie, ces projets sont toujours d’actualité.
Et Arnaud Montebourg n’a pas éclairé la lanterne des salariés ce mardi à Marseille. « Heureusement qu’il y a des comités d’accueil, sinon on s’ennuierait. C’est formidable enfin du débat », a-t-il simplement commenté, avant de déclarer : « Il y a du boulot à faire ici à Marseille. Il y a de la rénovation à mettre en marche. »
Le ministre s’est ensuite livré à une visite en règle du train de l’industrie qui faisait escale ce mardi dans la cité phocéenne. « Tous les jours, il y a des milliers de personnes qui viennent passer des entretiens d’embauche ici. 20 000 emplois y sont proposés. Réhabiliter l’industrie, c’est garantir notre avenir : un pays sans industrie est dans la main de tous les autres. On ne pourra pas préserver notre modèle social sans industrie. Vous êtes ici chez les hussards du « Made in France » », s’exclame-t-il. Trois quarts d’heure, il quittera sans en avoir dit davantage sur les dossiers sur lesquels il était particulièrement attendu…

Serge PAYRAU

(*) Aucun navire de la SNCM n’a navigué ce mardi 2 avril. La totalité des personnels de la compagnie, marins et sédentaires, étaient en grève unitaire de 24h à l’appel de toutes les organisations syndicales : CGT, SAMMM, CFE-CGC, CFDT, CFTC et STC. Ils souhaitaient ainsi dénoncer la décision prise par la direction de la compagnie d’affréter le « Venizelos », un navire battant pavillon grec, en remplacement du car-ferry « Ile-de-Beauté » sur les lignes du Maghreb et de la Corse. Les personnels redoutent que la SNCM l’incorpore dans sa flotte sans l’inscrire au pavillon français de 1er registre, celui qui garantit un équipage 100% français. Un précédent existe puisque la compagnie a agi de la sorte pour l’« Excelsior », affrété auprès de la compagnie italienne Grandi Navi Velocci, en remplacement du « Napoléon Bonaparte ».

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