Entretien avec Eric Raulet, président de DéfisMed: « Le tourisme dispose d’un potentiel considérable pour contribuer à la transition écologique du bassin méditerranéen»

Publié le 12 décembre 2024 à  17h37 - Dernière mise à  jour le 20 janvier 2025 à  11h32

Eric Raulet, le président  DéfisMed  revient sur le parcours de l’association dont l’objectif premier était de trouver des solutions écologiques innovantes pour le développement durable du bassin méditerranéen. Le tourisme et les touristes sont apparus comme un des vecteurs pour «contribuer à la transition écologique» pourvu qu’ «ils soient informés, et dotés de moyens élémentaires pour agir».  Il rappelle ainsi tout ce qui a été mis en place ces 15 dernières années avec notamment l’organisation ce vendredi 13 décembre à Cannes d’une grande manifestation autour de «l’écotourisme nouvelle génération». Entretien.

Destimed Eric Raulet le president DefisMed
Eric Raulet, le président  DéfisMed  ©DR

Destimed: Depuis 2009, DéfisMed s’affirme comme un acteur majeur du tourisme durable.  Pouvez-vous nous rappeler les principaux axes autour desquels s’est articulée votre action au cours des 15 dernières années ?

Eric Raulet: Tout est parti d’une prise de conscience que le secteur du tourisme dispose d’un potentiel considérable pour contribuer à la transition écologique du bassin méditerranéen. Et que les touristes eux-mêmes pourraient participer à cette dynamique, pourvu qu’ils soient informés, et dotés de moyens élémentaires pour agir. Après le lancement de DéfisMed à l’Unesco à Paris, nous avons eu l’honneur de coorganiser en 2016, en marge de la COP22 à Marrakech, le premier événement dédié à la question de la transition du tourisme, en partenariat avec la Banque mondiale et l’Académie Royale du Maroc.

Puis notre association a été invitée par l’Institut de Tabarka et l’Université Toulouse Jean Jaurès à animer le 1er MOOC dans le monde dédiée à l’écotourisme, lequel a mobilisé 6 000 internautes répartis dans 89 pays. Là nous nous sommes rendu compte des potentiels remarquables du Web participatif pour informer et former sur un sujet qui échappe encore au plus grand nombre. L’écotourisme souffre d’idées reçues négatives qui le marginalisent. C’est pourtant un secteur animé par des milliers d’acteurs et d’expériences diverses. l’écotourisme qui nous intéresse est « l’expérientiel », capable de partager sure place des savoir-faire écologiques et faire vivre des expériences éclairantes sur le vivant, ses fragilités, ses ressources bienfaitrices.

Depuis, nous élaborons des dispositifs collaboratifs impliquant un réseau grandissant de jeunes dont les profils vont du monde étudiant aux jeunes en décrochage scolaire. Un 2e MOOC est en préparation, tandis que nous venons d’inaugurer une plateforme de streaming entièrement dédiée à l’écotourisme avec nos jeunes ambassadeurs.  breen.tv va permettre à de nombreux jeunes de partager leurs expériences filmées. Ce sont là quelques illustrations de nos développements.

Dans ce cadre,  la Méditerranée occupe une place centrale dans votre mobilisation.  Quels sont les principaux défis qui se présentent aujourd’hui sur le champ du tourisme en Méditerranée et quelles sont les réponses que leur apporte DéfisMed   ?

Le tourisme en Méditerranée se caractérise par une très forte concentration des touristes sur les littoraux. Résultat, cette massification des visiteurs entraîne de nombreuses nuisances aussi bien humaines qu’environnementales. Parallèlement, de nombreux autres lieux aspirent à puiser dans ce tourisme une entrée d’argent qui viendrait soutenir leur économie locale. Parmi ces nombreux lieux, un grand réservoir de sites naturels préservés qui seraient en capacité de répondre à la demande touristique grandissante de nature et de déconnexion depuis la Covid. C’est une opportunité formidable pour animer un écotourisme capable de gérer les flux et s’appuyer sur cette manne financière pour protéger les sites et leur biodiversité. C’est aussi l’occasion pour notre société urbanisée de se relier au vivant et prendre conscience des bienfaits de cette reconnexion.

Comment faire en sorte que cette demande rejoigne l’offre écotouristique déjà existante, et le plus souvent invisible aux radars du marketing digital ?

Nous avons conçu en octobre 2025 un programme ambitieux : le Mois de l’Ecotourisme Euroméditerranéen Territorial defismed.fr . Nous visons 100 portes « ouVERTES » écotouristiques filmées par 100 jeunes, en France, en Italie, au Maroc, en Tunisie…Les 100 films feront l’objet d’un concours sur Internet avec comme support Breen TV. Ce sera une expérience sans précédent pour mettre en lumière les atouts et attraits de l’écotourisme. Sans compter que pour ce même automne 2025 nous travaillons avec l’Université Toulouse Jean-Jaurès et l’IHEC Carthage à un nouveau MOOC, toujours d’accès libre pour les internautes, pour « apprendre à pratiquer l’écotourisme ».

Au vu des résultats de votre engagement,  pensez vous que les comportements sont en train de changer  ? Assiste-t-on à une «transition » du tourisme  ?

C’est très difficile de répondre. La crise de la Covid a généré incontestablement une prise de conscience populaire des bienfaits de se ressourcer avec la nature. Mais très vite les habitudes ont repris le dessus si nous nous basons sur les derniers chiffres. Le tourisme conventionnel a encore de beaux jours devant lui. A la différence toutefois qu’il arrive à ses limites dans de nombreux endroits par sa massification et ses effets nuisibles. De plus plus d’habitants se révoltent, tandis que de plus en plus de touristes s’offusquent de ce trop plein aussi.

Les pouvoirs publics ont pris conscience de cette réalité et des investissements ont été entrepris ici et là pour favoriser un tourisme plus soutenable. Il faut bien reconnaître que cela reste trop timide, face aux impératifs et l’ampleur du défi écologique  que notre société doit relever de toute urgence. C’est pourquoi il est important selon nous de mobiliser la société civile elle-même à l’échelle euroméditerranéenne.

La coopération internationale est une dimension significative de l’action de DéfisMed. Comment et pour quels résultats  ?

Elle est fondamentale. La Méditerranée est confrontée de manière commune à un dérèglement climatique sans précédent et tout ce que cela entraîne. C’est pourquoi nous devons réagir de manière concertée de chaque côté de la Méditerranée. Et dans ce «nous» il y a nous, les citoyens.

Le MOOC,  le MEET précités sont des illustrations de la coopération euroméditerranéenne que DéfisMed a investi, de même que l’événement en marge de la COP 22. Ce n’est pas un hasard si des institutions comme le Plan Bleu, l’Ademe et sa direction internationale participent à nos actions. Nous venons de gagner un appel d’offres européen Interreg qui va nous entrainer durant 3 ans à coopérer avec la Sardaigne et la Toscane autour de la valorisation et préservation de grottes. Un véritable programme de recherche pour étudier comment concilier écotourisme et préservation de ces sites naturels fragiles.

Là où nous sommes également fiers de nos coopérations, ce sont celles impliquant la jeunesse. DéfisMed participe à deux Erasmus Plus sur la question de l’écotourisme, actuellement le Grass Roots . Nous venons également d’être associés à une coopération JMED avec la Tunisie invitant des jeunes fragilisés à puiser dans les métiers de l’écotourisme une stimulation. Plusieurs partenaires de la Méditerranée nous ont sollicités pour élaborer de nouveaux programmes de coopérations impliquant la jeunesse. Les résultats ne vont pas tarder à nous parvenir, tous ces programmes ayant été lancés récemment.

Defismed organise à Cannes, le 13 décembre, une grande manifestation autour de «l’écotourisme nouvelle génération » . Pouvez vous nous en rappeler les enjeux et les objectifs  ?

Il s’agit de rassembler jeunes, professionnels du tourisme et élus pour questionner l’écotourisme et notre capacité à le faire rayonner. Le programme est sur defismed.fr/vers-un-ecotourisme-nouvelle-generation-en-2025. Le séminaire toute la journée fera intervenir des acteurs clés prêts à se mobiliser pour le MEET. Ecotourisme, jeunesse, films seront les mots clés des échanges : mettre en lumière des femmes et des hommes qui revitalisent dans nos territoires nos patrimoines naturels et culturels. La soirée de gala mettra à l’honneur des films qui ont mobilisé des jeunes en décrochage scolaire dans des actions remarquables écotouristiques. A l’image de ce teaser magnifique annonçant « Avec les yeux » en avant-première nationale. Cette journée du 13/12 sera le départ de plusieurs actions menées par DéfisMed et ses partenaires durant 12 mois, avant de revenir à Cannes.

Vous misez beaucoup sur les nouveaux outils et nouvelles technologies de communication pour approfondir et élargir le travail de DéfisMed .  Ce choix répond-il à vos aspirations et vous permet-il d’atteindre vos objectifs,  en particulier vis à vis de la jeunesse  ?

Nous voulons vérifier, en dotant l’écotourisme de moyens d’être partagés largement depuis Internet, si ce secteur pouvait prendre son essor pleinement. Par exemple, où pouvons-nous partager les expériences vécues par les écotouristes eux-mêmes ? Qu’en disent-ils ? Que nous font-ils découvrir qui est différent du tourisme conventionnel ? Si l’écotourisme repose sur des annonces parfois très professionnelles, les retours d’expériences sont plutôt absentes de ce panorama. En faisant appel aux témoignage de jeunes, nous souhaitons combler ce vide. Dans la mesure où un réseau grandissant de jeunes s’approprie leurs expériences et les partagent sur le WEB, cette dynamique pourra inspirer jeunes et moins jeunes à les imiter. Et constituer un écotourisme participatif en entraînant pouvoirs publics et professionnels à adapter leurs offres en conséquence.  C’est en tout cas là notre grand défi pour ces prochaines années auquel nous invitons tout acteur sensibilisé à nous rejoindre (infos@defismed.fr )

Propos recueillis par  Bertrand VALDEPENAS

Eric Raulet est Président et cofondateur de  DéfisMed, association qui promeut un tourisme plus écologique à l’échelle euroméditerranéenne. Master de droit public et sciences politiques, il a organisé et animé plusieurs dizaines d’événements de dimension locale à internationale. Mobilisé dans le défi écologique et sociétale, il a rassemblé un réseau grandissant d’experts sur la question de la transition touristique. Il est aussi le président de l’association Le Pas~Sage, qui œuvre en faveur d’enfants en situation de handicap physique et psychique en les soignant avec des équidés.

 

 

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