Âgé de 67 ans, Pierre Audi est mort brutalement au matin du 3 mai à Pékin où il travaillait sur la reprise de ses mises en scène de « Siegfried » et du « Crépuscule des dieux ». Il était, entre autres, le directeur général du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence depuis 2019, année où il avait été choisi pour succéder à Bernard Foccroule. Sa disparition est cruellement ressentie par les équipes d’un festival aixois pour lequel il nourrissait d’année en année des ambitions toujours plus importantes.

« Quand tout semble instable et transitoire, écrivait Pierre Audi en conclusion de son éditorial présentant l’édition 2025 du Festival d’Aix-en-Provence, l’art demeure, tel une boussole fiable. » Avant de terminer son propos par une confidence de Vere à la fin de l’opéra « Billy Bud » : « J’étais perdu sur la mer infinie, mais j’ai aperçu une voile dans la tempête, la voile qui brille tout la-bas, et je suis satisfait. » Pierre Audi a rejoint la voile lumineuse en nous laissant la boussole fiable, celle de l’art qu’il affectionnait et qu’il avait programmé pour cette année et les suivantes. Natif du Liban, où il avait vu le jour le 9 novembre 1957, il était un metteur en scène brillant sollicité un peu partout dans le monde et un directeur de théâtre inventif et exigeant.
Choisi en 2018 pour succéder à Bernard Foccroule à la direction du Festival d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence, Pierre Audi avait pris ses fonctions l’année suivante non sans avoir affirmé haut et fort que la musique était multiple et qu’il entendait la faire vivre en Provence sous toutes ses facettes. Il lui a fallu traverser dès sa prise de fonction, les errements liés à la pandémie. Puis à la suite de cette période, il lui a fallu gérer les séquelles du c Covid, mais aussi d’une conjoncture fort impactée par les conflits géopolitiques. Ce qu’il est parvenu à faire en restant fidèle à ses choix stratégiques, soutenu par les institutions et les partenaires du Festival.
Ces dernières années, Pierre Audi était arrivé à ce que le Festival « se montre plus que jamais en prise avec son territoire. » Et il écrivait en début d’année : « Sur ce territoire, le Festival déploie toute une série de propositions et de partenariats d’excellence : LUMA foundation, les Chorégies d’Orange, Les Théâtres, l’Opéra de Toulon, l’Opéra Grand Avignon, etc. Notre institution ne cesse en effet de pérenniser, tout en les réinventant, ses principes fondamentaux : une programmation artistique d’excellence, un ancrage local en même temps qu’un rayonnement international, une politique d’ouverture au plus grand nombre et une prise en considération toujours plus avancée de sa responsabilité sociétale et environnementale. » Tout en arrivant à faire vivre quatre siècles de musique au fil de ses programmations, Pierre Audi renforçait cette osmose avec un territoire géographiquement proche, mais aussi avec ce bassin méditerranéen dont il était un enfant et dont il était proche des préoccupations. Destimed se joint à ceux qui l’estimaient pour présenter ses vives condoléances à sa famille et à ses collaborateurs.
Michel EGEA
L’hommage du Festival d’Aix-en-Provence
L’équipe du Festival d’Aix-en-Provence confie, dans un communiqué, sa tristesse : « Le monde de la création artistique perd un immense artiste et directeur d’institution, citoyen du monde à la croisée des cultures méditerranéennes et occidentales. Comme metteur en scène, il s’est mis tout entier au service des œuvres, dans des réalisations associant sens du récit, épure et incarnation -parcourant quatre siècles d’opéra, mais avec une prédilection particulière pour le baroque, Wagner et la création contemporaine. Il a été le directeur d’institutions prestigieuses : Théâtre de l’Almeida de Londres entre 1979 et 1989, Opéra National d’Amsterdam entre 1988 et 2018 -soit une durée de trente ans-, Holland Festival entre 2004 et 2014, Park Avenue Armory de New York depuis 2015, où il n’a eu de cesse de vouloir renouveler le rapport entre les œuvres, les lieux et les publics, entre l’opéra et les autres disciplines artistiques, entretenant une relation unique d’écoute et de fidélité avec les grands maîtres d’œuvre et compositeurs et compositrices d’aujourd’hui.
Ce fut particulièrement le cas au Festival d’Aix-en-Provence, dont il avait pris la direction en 2019 et qui était devenu extrêmement cher à son cœur, avec des réalisations qui ont marqué comme le Requiem de Mozart et la Symphonie Résurrection de Mahler mis en scène par Romeo Castellucci ; les deux Iphigénie de Gluck et la recréation de l’opéra de Rameau Samson. On se souviendra de créations contemporaines unanimement saluées par le public et la critique, et récompensées par les plus grands prix, comme Innocence de Kaija Saariaho, Il Viaggio, Dante de Pascal Dusapin et Picture a Day Like This de George Benjamin. Il croyait profondément en l’avenir de l’art lyrique (et du théâtre musical), art plus que tout autre apte, selon lui, à surmonter toutes les crises. En ce moment de grand chagrin, toutes nos pensées les plus émues et les plus chaleureuses vont à sa femme et ses enfants, sa famille et ses proches. »
La réaction de Sophie Joissains
Dans la soirée, Sophie Joissains, maire d’Aix-en-Provence, a fait part de sa réaction : « Pierre Audi n’est plus. Aix perd un de ses plus grands créateurs. Metteur en scène visionnaire, bâtisseur, il a marqué de son empreinte, l’Almeida Theatre à Londres, dirigé d’une main de maître l’Opéra d’Amsterdam pendant trois décennies, avant de prendre les rênes de notre Festival d’Aix-en-Provence en 2018. Il a insufflé une audace artistique rare, une exigence constante et une élégance magnifique. Pierre Audi avait ce génie singulier; faire vivre l’opéra entre tradition et modernité, sans jamais en trahir l’esprit. Chaque saison, qu’il concevait, était un acte d’amour pour l’art et pour le public. Il était à la fois un directeur du Festival extrêmement talentueux et d’une sensibilité exceptionnelle. Il avait contribué d’une manière formidable à faire rayonner Aix sur la scène internationale, rapportant à la Ville des prix annuels répétés, uniques, prestigieux et s’apprêtait à recevoir une distinction exceptionnelle dans les prochaines semaines… J’avais une immense affection personnelle pour lui. Son absence laisse un vide immense, dans le monde lyrique, et ici, à Aix. Mes pensées vont à son épouse Marieke, ses enfants, ses proches et à toutes celles et ceux qu’il a aimé et inspiré.»