Festival de Cannes. Avec « Un simple accident » Jafar Panahi réalise un film à portée universelle

Enfin ! L’Iranien Jafar Panahi est présent physiquement cette année à Cannes. Pendant 15 ans il a été dans l’impossibilité de voyager.  Le film questionne les réactions de ceux qui ont subi la répression des mollahs quand ils croient reconnaître leur tortionnaire. Dans le quasi huis-clos d’une camionnette, les personnages se confrontent sur les thèmes du bien et du mal, du pardon et de la vengeance.

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Jafar Panahi entouré de Vahid Mobasseri, Mariam Afshari © Joël Barcy

Une histoire de chien écrasé

Tout commence par un accident. Un chien écrasé par la voiture d’un couple et sa fille. Le véhicule ne repart plus, il faut trouver un mécanicien, frapper à des portes. A l’étage, un des occupants, Vahid, se fige. Il croit reconnaître la claudication de son tortionnaire. Le lendemain il le percute avec son van alors qu’il vient de laisser sa voiture au garage, le kidnappe, le ligote et quitte la ville pour l’enterrer vivant dans un coin désertique près d’un arbre mort qui rappelle les potences du régime.

S’assurer de la culpabilité

Les pelletées de terre commencent à recouvrir la victime qui étouffe, nie être le sinistre Eghbal dit la « guibole » en raison de sa prothèse à la jambe gauche perdue dans des combats en Syrie. Vahid finalement renonce et l’enferme dans une caisse de sa camionnette. Il part en quête des opposants victimes de la dictature des mollahs pour s’assurer de la véracité de ses soupçons. De toutes origines sociales, ces témoins ont été torturés pour leurs opinions politiques. Dans le van de l’artisan, on retrouve une intellectuelle, un militant près à faire expier la victime pour tout ce qu’elle lui a fait subir et une femme qui s’apprête à se marier après avoir vécu une horrible expérience en prison.

Quoi en faire ?

Dans le huis-clos du van de l’artisan Vahid, on assiste à un thriller à tombeau ouvert. La bande de ravisseurs se mue en tribunal ambulant, s’écharpe. Tous les sentiments affleurent en fonction du vécu de chacun. Faut-il exécuter « la guibole », assouvir son désir de vengeance, répondre à sa brutalité par la brutalité ? La camionnette se mue progressivement en scène de théâtre où on débat du bien et du mal, du pardon et de la vengeance sur fond de convulsions, de colère, de douleur. Comment réagir après avoir traversé l’épreuve de la répression, de la torture physique et mentale ? Jafar Panahi qui a connu les geôles iraniennes cisèle ces questionnements. A la fin du film, Eghbal attaché à un arbre, finit par confirmer son identité sous la pression de deux des personnages. Il avoue avoir torturé pour ne pas perdre la face, pour sauver le régime et ne pas le laisser aux mains de ses geôliers. Il demande pardon. Le van quitte la scène, laissant le tortionnaire seul avec un cutter pour couper ses liens. Sur la dernière image on découvre Vahid de dos marchant dans une long couloir. Le pas de « la guibole » résonne à quelques mètres.

Joël BARCY correspondant à Cannes

“Un simple accident” de Jafar Panahi (Iran / France / Luxembourg) 1h45 . Scénario : Jafar Panahi. Avec Vahid Mobasseri, Mariam Afshari, Ebrahim Azizi. En compétition. Sortie en salles prévue le 10 septembre 2025.

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