Après une ouverture «de chambre» vendredi en compagnie de Renaud Capuçon et Alexandre Kantorow, l’édition 2024 du festival de Pâques d’Aix-en-Provence s’est poursuivie au long du week-end avec deux concerts symphoniques donnés au Grand Théâtre de Provence.
Le « combat des chefs » annoncé au Festival de Pâques a débuté dès le premier week-end. Combat bien pacifique au demeurant puisque livré par partitions interposées entre Christoph Eschenbach et Jean-Claude Casadesus. Samedi soir, Richard Strauss et Anton Bruckner étaient au programme du Bamberger Symphoniker dirigé par le maestro allemand rejoint à l’avant-scène par Hanna-Elisabeth Müller pour donner « Quatre derniers lieder » du premier nommé. Cycle crépusculaire en forme de testament musical les quatre poèmes qui le composent balaient une vie et sont empreint d’émotion. L’interprétation délicatement ciselée livrée par la soprano allemande, fut accompagnée par les couleurs idéales en la circonstance d’un orchestre dirigé avec sensibilité par le maître. Hanna-Elisabeth Müller offrant « Morgen », un lied du même Richard Strauss, en bis.
C’est en seconde partie que l’ensemble allait mettre en valeur la totalité de sa palette sonore avec l’interprétation de la symphonie n°2 de Bruckner, œuvre monumentale de près d’une heure de musique. Une partition qui a connu des fortunes diverses et qui a fait l’objet de plusieurs versions. Christoph Eschenbach en a livré une lecture rigoureuse, usant des qualités d’un orchestre attentif aux cordes généreuses, aux cuivres flamboyants et aux bois élégants. De la belle ouvrage.
La fraîcheur d’Anna Agafa Egholm
24 heures plus tard, c’est l’Orchestre National Symphonique de Lettonie qui investissait le plateau avec Jean-Claude Casadesus à sa tête pour donner un programme où Carl Maria Von Weber, Felix Mendelssohn et Nikolaï Rimski-Korsakov se partageaient l’affiche. Esprit curieux, (il a même dirigé à Lille le chanteur catalan Lluis Llach lors d’un concert d’une grande intensité) le directeur musical français, précis et généreux, a débuté la soirée par l’ouverture d’Oberon de Carl Maria von Weber donnée de manière rutilante. Un grand moment symphonique suivi d’une interprétation très émouvante du Concerto n°2 pour violon de Mendelssohn avec la soliste Anna Agafa Egholm. Dialogue permanent avec l’orchestre, fut mis en lumière le ton profondément romantique de l’œuvre qui datée de 1845 marquera nombre de compositeurs de la seconde moitié du siècle. La violoniste donnant de fait cette impression de naturel et de fraîcheur inhérente au concerto. Avec en rappel un beau moment assez inédit sur scène avec le 1er mouvement de la 5e sonate d’Eugène Ysaÿe intitulée «L’aurore» qui fait entendre le chant des oiseaux et les bruits de la nature. Moment de grâce là encore d’une jeune interprète inventive. Après l’entracte, l’orchestre, toujours porté par un chef au sommet de son art, s’est lancé dans une interprétation en technicolor du « Schéhérazade » de Rimsky-Korsakov. Des quatre parties de cette suite se présentant comme un kaléidoscope d’images fabuleuses au caractère oriental, on retiendra le dialogue violon-harpe structurant le 1er mouvement. On soulignera alors l’exceptionnelle interprétation de la première violon, qui n’avait rien à envier à sa brillante devancière soliste. Jean-Claude Casadesus accompagnant les couleurs et les sons de l’œuvre d’une manière qui tient de l’osmose la soirée fut de qualité. Mendelssohn-Rimsky-Korsakov en version excellence….
Michel EGEA et Jean-Rémi BARLAND
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