Publié le 8 février 2022 à 10h10 - Dernière mise à jour le 19 décembre 2022 à 16h12
En séquence d’ouverture, le Forum des mondes méditerranéens a mis à l’honneur les artistes de la Méditerranée et la jeunesse. Les jeunes du « Plaidoyer Méditerranée 2030 » ont eu une place centrale afin de présenter le travail de consultation auquel ils ont participé en amont et leurs propositions. Le président Macron a avancé trois premières réponses.
Comment mesurer l’ampleur de ce qui se joue au Forum des Mondes méditerranéens qui se déroule ces 7 et 8 février à Marseille? Comment ne pas mesurer la mobilisation, l’intelligence de quelques 200 jeunes issus de 20 pays du pourtour méditerranéen qui, au terme de plusieurs mois de travail viennent de formuler une centaine de propositions à objectif 2030. Comment imaginer le drame qui s’en suivrait si la dynamique enclenchée n’était pas suivi de faits.
Malgré le scepticisme, voire l’opposition de certains de leurs amis ces jeunes se sont mobilisés. Nadir raconte: «Quand j’ai dit à un ami que j’allais au Forum il m’a répondu: « Oui, c’est ça, tu vas sauver les dauphins et la paix dans le monde ». Je ne suis pas naïf, mais j’ai compris avec ce forum que nous sommes tous acteurs. Il n’y a pas de fatalité et même si toutes nos propositions ne sont pas retenues, nous pouvons faire avancer ».«Dans tous les cas, poursuit-il, nous avons été très libre dans notre travail. Nous avons été cash et nous avons cherché des solutions». Une jeune libanaise ajoute: «La Méditerranée ce n’est pas nous, ce n’est pas vous, ce n’est pas eux, c’est tous ensemble». Le besoin d’une gouvernance régionale plus efficace et plus intégrée (aux territoires, aux citoyens) est apparu comme une recommandation préalable à toutes les autres pour cette jeunesse méditerranéenne.
Dans son discours, en visioconférence, Emmanuel Macron n’a pas manqué de prendre une première série d’engagements, considérant que le livre blanc réalisé par les jeunes «est l’exemple que l’on peut avancer avec des solutions concrètes. Ces propositions nous mettent au pied du mur. Nous devons retrouver l’ambition (…). Nous avons un avenir à construire».
Lancement d’un appel à projets de 3 millions d’euros
Le chef de l’État annonce le lancement d’un appel à projets de 3 millions d’euros dédié aux initiatives des acteurs de la société civile de la rive sud de la Méditerranée. Piloté par l’Agenda français de développement, il sera destiné aux initiatives des organisations de la société civile de la rive Sud. Un dispositif immédiatement lancé.
Création d’un Fonds de 100 millions d’euros
La création d’un Fonds de 100 millions d’euros en soutien aux entrepreneurs investissant au Maghreb afin d’aller travailler, créer, innover de l’autre côté de la Méditerranée est avancé. «Il permettra de nouvelles opportunités, mais aussi de l’emploi partout sur la rive sud de la Méditerranée pour offrir des perspectives à la jeunesse», précise le président de la République.
lancement de l’Académie des Mondes Méditerranéens
Emmanuel Macron annonce également le lancement de l’ »Académie des Mondes Méditerranéens ». Hybride et itinérante, «elle permettra de réunir chaque année des entrepreneurs, des artistes, des créateurs, des étudiants, des chercheurs pour créer des réseaux et acquérir de nouvelles compétences. Elle offrira également un programme de boursiers. Une première promotion d’une douzaine de personnes est annoncée pour cette année.»
«Un concentré de tout ce qui ne va pas dans le monde»
Karim Amellal, ambassadeur pour la Méditerranée juge que la lucidité est de mise avant de dresser un constat sans la moindre ambiguïté sur la situation de la Méditerranée: «C’est un concentré de tout ce qui ne va pas dans le monde, un espace qui va mal sur le plan politique et environnemental. Nous n’évacuons aucun sujet mais nous nous concentrons sur des thématiques avec lesquelles nous pouvons avancer». Pour cela, souligne-t-il, la priorité est donnée à la société civile: «Mais nous ne le faisons pas contre les États, ce serait stupide. Des propositions, avec le Forum, se construisent sur ce qui peut marcher et, après, nous nous tournerons vers les États, l’Union pour la Méditerranée (UpM), le 5+5, pour traduire les propositions en décisions politiques et la France prendra toute sa part pour qu’il en aille ainsi». Et, encore une fois, s’il ne nie pas les difficultés, il invite à prendre exemple sur une jeunesse qui, au cœur des problèmes, dialogue, construit des solutions. Cette jeune libanaise ne dit rien d’autre, elle parle de son pays en crise pour considérer: «Les problèmes des uns sont les problèmes des autres», avant de rêver d’une Méditerranée, en 2030, «plus démocratique, inclusive et émergente». Un autre jeune avance: «Nous nous sommes demandés s’il fallait une menace commune pour que la Méditerranée s’unisse. Si c’est le cas la menace est déjà là avec la pollution maritime et le réchauffement climatique».
«L’identité vient de l’échange avec l’Autre»
Un autre jeune s’interroge sur l’identité méditerranéenne: «Elle est multiple et, de toute façon, il ne peut y avoir d’identité sans altérité. L’identité vient de l’échange avec l’Autre». Ce jeune grec travaille en Tunisie sur les migrations: «Je n’aime pas ce terme de migrants. Il est porteur de négativité alors qu’il est naturel de bouger. Si on veut simplifier nous sommes tous des migrants. Je vois qu’en Grèce où beaucoup de gens ont quitté le pays pendant des années, on parle maintenant de la migration comme quelque chose de négatif. Mais on oublie que l’esprit de la Méditerranée comprend la mobilité». Le Secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée Nasser Kamel déclare que les propositions des jeunes méditerranéens sont entendues et que ces jeunes vont être intégrés dans des groupes de travail, que leurs propositions vont être présentées à des décideurs.
Diasporas: «Une chance pour faire la France en plus grand»
Emmanuel Macron, dans son discours, a également tenu à rendre hommage «à ceux qui viennent de l’autre rive de la Méditerranée». «Je sais ce que notre Pays leur doit», insiste-t-il avant de déplorer: «Pendant trop d’années on a jeté un doute, comme si venant d’ailleurs, il fallait retrancher une part de cette identité pour être vraiment Français». Il note que l’on va jusqu’à critiquer les prénoms, ciblant, sans le nommer Eric Zemmour, le candidat d’extrême-droite. Et de lancer: «Je crois tout le contraire. Quand on vient d’autres rives on a des choses formidables à apporter. C’est une chance pour faire la France en plus grand et nous devons les aider à réussir y compris de l’autre côté de la Méditerranée». Le président de la République a également affiché l’ambition de «faciliter la circulation de ceux qui contribuent à nos échanges économiques, culturels, scientifiques», considérant: «Seule la coopération entre États permet de réguler les migrations». Un dossier qui sera inscrit à l’agenda du sommet UE-Union africaine prévu les 17 et 18 février à Bruxelles.
En clôture du Forum, ce mardi 8 février, des jeunes rapporteurs présenteront les solutions identifiées tout au long du Forum, en présence du Ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, du Commissaire européen à l’Élargissement et à la Politique européenne de voisinage, du Secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée et de la présidente de la Fondation Anna Lindh.
Michel CAIRE
[(Des artistes emblématiques étaient présents pour témoigner ou se produire sur scène : la chanteuse d’opéra Farrah El Dibany, la chanteuse Souad Massi, le chef triplement étoilé Gérald Passedat, le groupe marseillais Benzine et le groupe Chants sacrés gitans.)]
Livre blanc: les principales propositions développées par les jeunes de la Méditerranée
Pour une Méditerranée inclusive
Améliorer l’inclusion économique et sociale et garantir l’accès aux services et biens essentiels pour toutes et tous. Promouvoir une culture inclusive pour la reconnaissance et la valorisation d’une Méditerranée plurielle avec des valeurs communes. Renforcer la participation politique de toutes et tous (citoyenneté inclusive et gouvernance)
Pour une Méditerranée plus entrepreneuriale, innovante et numérique
Etablir une stratégie partagée entre les deux rives pour stimuler un esprit entrepreneurial et un capital humain méditerranéens. Créer un environnement plus favorable au développement de jeunes entreprises méditerranéennes, pour une meilleure régionalisation des activités. Connecter les Systèmes Nationaux d’Innovation (SNI) méditerranéens pour faire de la Méditerranée un centre névralgique d’in- novation et d’émulation.
Pour des villes Méditerranéennes plus ancrées dans leurs territoires
Relier les villes et les territoires méditerranéens et développer les réseaux. Créer un label « Capital de la Méditerranée ». Créer une « UniverCité de la Méditerranée ». Créer un programme de mobilité professionnelle entre collectivités territoriales
Pour une Méditerranée de la Mobilité et de la connaissance
Instaurer des bureaux d’échange méditerranéens orientés vers la culture et intégrant des personnes en situation de handicap et des populations vulnérables. Favoriser et permettre une meilleure mobilité dans le domaine de l’éducation et de la formation professionnelle en faveur de la jeunesse euro-méditerranéenne. Développement des compétences et autonomisation des jeunes en fonction des besoins contextuels par la mobilisation des ressources et des infrastructures existantes. Créer des liens pour améliorer l’insertion professionnelle des jeunes sur le marché du travail en Méditerranée
Pour une Méditerranée plus durable
Protéger la biodiversité, assurer la conservation et stimuler la restauration. Améliorer la sécurité et souveraineté alimentaire, en passant par une agriculture et une consommation durable. Améliorer la gouvernance et renouveler la coopération régionale.
Pour une Méditerranée de la culture
Favoriser la mobilité des acteurs culturels et l’accès aux informations culturelles. Penser des méthodes de financement plus équitables, durables et égalitaires.
Encourager la collaboration culturelle en méditerranée et la formation des acteurs culturels.
Pour une Méditerranée des projets
Créer un réseau/ une plateforme des porteurs de projets en Méditerranée développées par chacun des groupes de travail thématique. Créer un espace de dialogue dédié aux jeunes pour développer des projets.
Pour une Méditerranéen de l’emploi
Adapter le système d’éducation pour mieux répondre aux besoins du marché du travail. Co-construire un plan de développement de l’emploi en coopération avec les pays méditerranéens.