Publié le 23 novembre 2019 à 10h47 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h26

Le syndrome du chien décrit par Peter Brook
Au niveau de la mise en scène donc de la vidéo, (on filme les acteurs en les suivant allant d’un point à l’autre et en entrant dans des pièces) des cris, du bruit, de la fureur, des larmes, et une surcharge de symboles. Peter Brook qui s’y connait autant que Castorf finalement affirmait que lorsqu’on fait traverser une scène à un chien tout le monde regarde le chien et se détourne de l’histoire. Ici on dénude Jeanne Balibar, ce qui en soi n’est pas choquant, (il y a longtemps que le théâtre en a vu d’autres !!!) mais pourquoi lui fait-on découper nue des carottes et un chou dans une cuisine ? En l’affublant d’une sorte de tuyau autour du cou ? On s’interroge on se demande où sont les motivations du metteur en scène et en quoi cette séquence culinaire est en rapport avec les vers de Racine qu’elle continue de déclamer. Du coup on perd le fil, et pire on s’agace et on se dit c’est tout de même n’importe quoi. Jean-Damien Barbin (fabuleux acteur dont on avait salué au Rond-point de Paris la performance dans la pièce de Attali «Du cristal à la fumée» où il jouait (moment terrifiant) Himmler aux côtés d’autres comédiens, se peint plus tard le torse en rouge, en fumant des cigarettes (plusieurs à la fois). Bien, d’accord, soit, mais là encore pourquoi ? Si l’on n’a pas lu le dossier d’intentions de Castorf on passe à côté d’à peu près tout. Pire on s’agace, tant finalement rien n’est fait pour que le spectateur comprenne. Se caricaturant lui-même, rajoutant du surplus à du saturé le metteur en scène nous fait décrocher. Et ça dure… quatre heures… ! Pourtant tous les comédiens de Claire Sermonne à Mounir Margoum en passant par Balibar, Barbin, Adama Diop, et le vidéaste Andreas Deinert sont au sommet de ce qu’ils peuvent donner. Performance physique et intellectuelle, le point de vue de Castorf est servi de bout en bout, dérision nuancée, même si on les sent parfois en roue libre, et fort peu dirigés «improvisation quand tu nous tiens », ils laissent entendre Racine et Artaud. Si l’on était chez Molière on serait tentés de leur dire : «Que veniez-vous faire dans cette galère ? » Si l’on devait parodier Audiard on dirait que c’est du théâtre façon puzzle. En tout cas on ressort de tout ça un peu épuisés, pas très emballés, et surtout très perplexes. Indifférents aussi au sort de chaque personnage qui du coup n’apparaissent que comme objets de discours et de théorisations théâtrales. Si Castorf est grand, qu’il est un vrai créateur et que son projet mérite tout de même respect et admiration, et même si par moment sa mise en scène nous interpelle, force est de constater que sa cuisine racinienne est assez indigeste.
Jean-Rémi BARLAND
Au GTP jusqu’au 22 novembre à 20h – Plus d’info et réservations : lestheatres.net



