Le Marseillais Théo Mavrostomos, recordman du monde de plongée, lâche son scaphandre

Moins 701 mètres, personne n’a battu son record, établi le 20 novembre 1992. Le Marseillais est un exemple pour tout plongeur. Il est discret, simple mais a un mental d’acier. Il prend sa retraite après avoir défié, seul, une telle profondeur.

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Théo Mavrostomos, recordman du monde de plongée (Photo Joël Barcy)

2 000 jours dans un caisson

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(Photo Joël Barcy)

 Théo Mavrostomos est l’homme qui a passé le plus de jours dans un caisson hyperbare, environ 2 000. C’est certainement ce qui lui a permis d’atteindre ces emblématiques -701 mètres. A cette profondeur, la pression est énorme. « J’avais l’impression d’avoir un homme de 80 kg en permanence sur la poitrine, 24h/24. Je suis allé, en fait, jusqu’à -703 mètres. J’étais bien mentalement et physiquement mais je n’avais plus faim. Si on me parlait de manger j’avais mal au cœur. Si on me disait de boire, j’avais l’impression que l’eau coulait par tous les pores de ma peau. En revanche à -675 mètres j’étais très bien ».

« Je voulais graver mon nom »

 Sous une allure discrète, humble, Théo Mavrotomos a une ambition rivée au corps, celle de donner son nom à la plongée, en hommage à ses ancêtres pêcheurs d’éponges en Grèce. Son mental est énorme. Alors que ses collègues, épuisés, demandent au patron de la Comex d’arrêter l’opération à -675 mètres, le Marseillais plaide, depuis les profondeurs, auprès d’Henri Germain Delauze pour poursuivre, seul. Le fondateur de la Comex consulte les équipes médicales, l’opération se poursuit. « Il a fallu trois heures de compression pour passer de  – 675 mètres à – 701. Je suis resté trois heures à travailler à cette profondeur avant de revenir à 675 mètres ». Au total l’opération aura nécessité une quarantaine de jours dont 23 rien que pour remonter à la surface.

« 71 bars de pression par cm2 du corps »

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Photo Joël Barcy

 Théo Mavrostomos a été un pionnier en matière de profondeurs. « Il a démontré qu’un homme pouvait résister à une profondeur de -701 mètres » commente, admiratif, Frédéric Ronal, le président de l’INPP (Institut national de la plongée professionnelle) à Marseille. « Théo est exemplaire. Dans l’opération Hydra 10 c’est le seul de l’équipe à avoir pu aller à cette profondeur. Avant cette expérience on ne savait pas si l’hydréliox (un mélange d’hydrogène, d’hélium et d’oxygène) qu’on faisait respirer serait supportable par l’organisme. Imaginez que le corps subit une pression de 71 bars par cm2 c’est monstrueux ! Et Théo a pu résister à ça ! ». Au-delà d’un exploit personnel, Théo Mavrotomos a valeur d’exemple pour tous les stagiaires de l’INPP. « C’est une fierté pour eux. Certains nous disent aujourd’hui j’ai été formé par Théo. J’ai côtoyé une forme de légende », ajoute Frédéric Ronal

« Théo est un facilitateur »

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 Romain Orlandini a été l’adjoint de Théo Mavrostomos pendant 8 ans sur la barge, avant de lui succéder. Pour lui « c’est la légende de la plongée professionnelle. C’est le Zidane ou le Mbappé de la plongée. C’est un exemple d’humilité et d’expérience. Il m’a appris à relativiser, c’est un facilitateur, avec lui tout est facile. Même les moments durs ça passe comme si de rien n’était. Avec lui tout finissait bien à chaque fois. Il avait de la chance mais en fait il la créait sa chance ».  Pour garder cette baraka à bord un photomontage de « Saint-Théo » est accrochée dans la salle des commandes.

Sérieux avec du caractère

« C’est une personne qui a du caractère en fait, il paraît comme ça un garçon simple mais non c’est quelqu’un de tenace », explique Lucien Fraize, ancien PDG de l’entreprise hyberbare Subarc, qui a fait travailler Théo. « Pour arriver à faire ce qu’il a fait, il faut du caractère et surtout un mental. En mer quand les choses n’allaient pas bien c’est lui qui râlait le moins. C’est un garçon qui est fidèle, sérieux ».

A 70 ans, Théo Mavrostomos raccroche. Plus questions de profondeur, il va vivre à Barcelonnette histoire, cette fois, d’aller tutoyer les cimes.

Reportage Joël BARCY

 

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