Publié le 5 octobre 2018 à  9h44 - DerniÚre mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46
La compagnie maritime dirigĂ©e par Marc Reverchon a dĂ©cidĂ© dâancrer officiellement son positionnement Ă©co-responsable. Elle vient de signer une charte pour lâĂ©co-navigation, avec le rĂ©seau dâaires maritimes protĂ©gĂ©es de la MĂ©diterranĂ©e. Une exemplaritĂ© qui, espĂšrent divers acteurs de lâenvironnement, fera des Ă©mules.
Câest un pas de plus vers lâĂ©co-navigation et la protection de la biodiversitĂ© marine. La compagnie La MĂ©ridionale vient de formaliser son engagement RSE par la signature dâune charte avec le rĂ©seau dâaires maritimes protĂ©gĂ©es (AMP) de la MĂ©diterranĂ©e. Trois signataires sâassocient Ă la dĂ©marche, ciblant la pĂ©riode 2018-2020 : le Parc national des Calanques, le Parc national de Port-Cros et le Parc naturel marin du Cap Corse et de lâAgriate. Le site Natura 2000 Embiez-Cap SiciĂ© devrait leur emboĂźter le pas et associer son nom Ă la charte lui aussi, dans le courant de lâautomne. LâidĂ©e, c’est celle du commandant Olivier Varin, amoureux des mers et des ocĂ©ans, comptant 30 ans de navigation au sein de La MĂ©ridionale… et dĂ©sireux de valoriser toutes les initiatives impulsĂ©es par sa compagnie, dĂ©cidĂ©ment pionniĂšre sur la question de lâĂ©co-responsabilitĂ©. «Le point de dĂ©part, ce sont des actions concrĂštes mises en place dĂšs 2011, avec lâĂ©quipement du systĂšme Repcet, nous permettant de repĂ©rer les cĂ©tacĂ©s et de transmettre leur position afin dâĂ©viter les collisions. La palette sâest Ă©toffĂ©e depuis : branchements Ă quai de nos trois navires Ă Marseille en 2016, filtrage de lâeau de ballast par UV afin dâĂ©viter de rejeter dâune zone Ă lâautre des espĂšces invasives, tri de nos dĂ©chets… Tout cela pour prĂ©server la MĂ©diterranĂ©e, un joyau qui fait lâobjet dâagressions», dĂ©crit le PDG Marc Reverchon. Toutefois, «les solutions ne sont pas toujours sur lâĂ©tagĂšre», prĂ©cise-t-il. Il faut donc faire preuve dâinnovation. «Par exemple, la connexion des ferries Ă quai nâa rien dâun long fleuve tranquille». Ce ne sont pas des vains mots : le 20 septembre dernier, au terme de presque un an de R&D avec lâentreprise Air Flow, La MĂ©ridionale a fait la dĂ©monstration dâune solution de branchement Ă©lectrique adaptĂ©e aux spĂ©cificitĂ©s insulaires de la Corse et faisant intervenir le gaz naturel liquĂ©fiĂ©, ou GNL.
Des impacts Ă maĂźtriser
Dans les termes, la charte ne mentionne donc rien qui ne se fasse dĂ©jĂ , bien sĂ»r : rĂ©duire les consommations de combustibles fossiles, poursuivre les dĂ©marches de rĂ©duction des rejets et de valorisation des dĂ©chets, assurer une veille technologique et rĂ©glementaire, contribuer Ă lâamĂ©lioration des connaissances, notamment sur lâobservation des cĂ©tacĂ©s… Toutefois cette formalisation de bonnes pratiques est bĂ©nĂ©fique, estime Didier RĂ©ault, prĂ©sident du CA du Parc national des calanques : «une charte est un document de rĂ©fĂ©rence. Nous avons besoin dâexemples comme La MĂ©ridionale pour que tout le monde aille sur ces sujets-là ». Car lâenjeu est spĂ©cifiquement sur ce point : dâautres compagnies «doivent se joindre Ă cette dynamique», espĂšre de son cĂŽtĂ© François Gauthiez, directeur de lâappui aux politiques publiques de lâAFB (association française de la biodiversitĂ©), revenant sur la nĂ©cessitĂ© de maĂźtriser les impacts nĂ©gatifs liĂ©s Ă lâactivitĂ© maritime : «Les principaux secteurs de cette Ă©conomie sont annoncĂ©s en croissance dans les quinze prochaines annĂ©es. Par exemple, on table sur une hausse de 4% du commerce maritime mondial dâici 2025, hausse qui sera trĂšs largement reflĂ©tĂ©e dans la MĂ©diterranĂ©e française».
La nĂ©cessitĂ© dâune conscientisation collective
Une prise de conscience collective est donc vitale Ă plus dâun titre… Pour illustration, un systĂšme tel que Repcet, transmettant les informations concernant la position des cĂ©tacĂ©s aux seuls navires Ă©quipĂ©s de cette technologie, nâaura dâintĂ©rĂȘt et dâefficience que si une majoritĂ© de compagnies sâen dotent… Ainsi le cadre de lâAFB Ă©voque-t-il une possibilitĂ© : «Cette charte pourra ĂȘtre reprise par dâautres armateurs et dâautres aires maritimes protĂ©gĂ©es, en MĂ©diterranĂ©e, mais aussi sur les autres façades tout en respectant un socle minimum dâengagement». Dans cette optique, World Wide Foundation France (WWF) sâest engagĂ© à «faire connaĂźtre cette charte dans le cadre du projet PHAROS4MPAs (un rĂ©fĂ©rentiel environnemental pour les activitĂ©s maritimes au sein des AMP de MĂ©diterranĂ©e, NDLR) quâil coordonne auprĂšs des aires maritimes protĂ©gĂ©es du rĂ©seau MedPAN et des gouvernements de sept pays europĂ©ens», annonce Ludovic FrĂšre Escoffier, responsable du programme OcĂ©ans WWF France. Bien sĂ»r, sâengager dans de tels investissements demande une certaine assise financiĂšre aux armateurs… Toutefois, Ă terme, les volontĂ©s citoyennes et les rĂ©glementations ne leur laisseront pas forcĂ©ment le choix, notamment en termes de prĂ©servation de la qualitĂ© de lâair : la MĂ©diterranĂ©e pourrait trĂšs prochainement ĂȘtre classĂ©e en zone dâĂ©missions contrĂŽlĂ©es Seca (spĂ©cifique Ă lâoxyde de soufre) et Neca (visant lâoxyde dâazote). Alors, autant sâen prĂ©occuper dĂšs aujourdâhui…
Poursuivre dans lâinnovation
Ainsi cette charte est-elle davantage quâune simple formalisation sur le papier. «Elle va aussi permettre de poursuivre des efforts dĂ©jĂ entrepris. Car mĂȘme si La MĂ©ridionale a dĂ©jĂ impulsĂ© des actions dans la plupart des domaines dâengagement, il faut continuer Ă avancer. Par exemple, Repcet ne fonctionne que le jour. Il y a des Ă©volutions technologiques Ă mettre en Ćuvre pour que les systĂšmes anti-collisions se fassent aussi la nuit», dĂ©taille-t-on encore au sein de WWF France. Ainsi, cette contractualisation doit-elle ĂȘtre suivie dâeffets. «Il sera nĂ©cessaire de lâassortir dâun plan dâactions afin de veiller Ă sa rĂ©elle implĂ©mentation sur le terrain», avance Ludovic FrĂšre Escoffier. Demeurer dans le concret, câest aussi la prĂ©occupation de Madeleine Cancemi, directrice dĂ©lĂ©guĂ©e du Parc naturel marin du Cap Corse et de lâAgriate. «Nous espĂ©rons pouvoir travailler sur des sujets prĂ©cis. Par exemple, Ă lâOuest, on observe une concentration de mammifĂšres sur le front liguro-provençal Ă certaines pĂ©riodes. Comment amĂ©liorer le trafic de ces zones», interroge-t-elle ? Et dâĂ©voquer lâimpĂ©rieuse nĂ©cessitĂ© dâune communication efficiente. Câest dâailleurs la part que doit accomplir le rĂ©seau des AMP, formalisĂ©e lĂ encore dans la charte : former les professionnels du maritime et sensibiliser le public. « Nous pouvons aider La MĂ©ridionale en ce sens. Il faut travailler Ă des messages, notamment sur la question des dĂ©chets. On en trouve Ă©normĂ©ment dans les Ă©paves profondes. Et puis, les jets de mĂ©gots, ce nâest plus possible ! Il y a encore beaucoup Ă faire pour capter lâattention du public, rĂ©aliser des enquĂȘtes de satisfaction, voir par exemple qui connaĂźt les AMP ». Aires maritimes protĂ©gĂ©es qui couvrent en MĂ©diterranĂ©e quelque 45% de la façade de la MĂ©diterranĂ©e, en comptant le sanctuaire Pelagos… Quid du reste ? «Ces aires sont un outil pour innover. Mais il est Ă©vident que lâon doit protĂ©ger le milieu maritime dans son ensemble », conclut Didier RĂ©ault.
Carole PAYRAU