Juliette Méadel est une habituée de Marseille. La ministre déléguée chargée de la ville est venue six fois depuis son entrée dans le gouvernement Bayrou. L’objectif de ce nouveau déplacement est de dresser un bilan. La ministre constate que les choses avancent mais les défis sont tellement vastes à Marseille que les chiffres sont parfois effrayants. 18 à 36 mois pour obtenir un rendez-vous dans un centre médico-psychologique dans certains quartiers.

Coconstruire
Des assises pour coconstruire un avenir pour la jeunesse de la métropole. C’est l’ambition du travail opéré depuis plusieurs mois avec une somme d’acteurs. En accueillant la ministre, la présidente de la Métropole Aix-Marseille Provence a rappelé la démarche. « On a travaillé depuis un an pour faire le contrat des possibles, pour montrer qu’on peut faire quand on le veut vraiment, que chacun puisse sortir d’une sorte de spirale négative. 16 communes y ont participé. »
« Tout se joue dans l’enfance »
Juliette Méadel est venue avec un leitmotiv : « Tout se joue dans les premiers instants de la vie, insiste la ministre qui précise: « Quand on naît dans un environnement urbain pauvre, précaire ; d’une famille avec une mère qui travaille la nuit parce que le père n’est pas là et que, quand on sort de l’école à 4 heures et demi il n’y a personne pour vous aider à faire vos devoirs et que, même parfois on ne fait pas ses trois repas par jour dans les quartiers, on comprend bien que toutes ces raisons font de vous enfant, dès l’âge de 9 ans, une personne en situation de vulnérabilité. » Pour la ministre c’est cette vulnérabilité qui les conduit tout droit dans les mains des narcotrafiquants. « Alors il faut multiplier les actions ouvrir des crèches pour les femmes des cités, faire du soutien scolaire pour les enfants. Il y a des talents dans les quartiers. Il suffit de les aider à éclore à l’image d’Ilyanne qui a montré son éloquence sur le thème du bonheur lors de ces assises.»
Des indicateurs dramatiques
En venant à Marseille la ministre de la ville est venue constater que les choses avancent mais le rattrapage est tellement vaste que Juliette Méadel est parfois surprise d’entendre les chiffres notamment sur le délai de prise en charge psychologique des enfants et adolescents dans le 3e arrondissement. « Il faut compter en 18 et 36 mois pour obtenir un rendez-vous dans un centre médico-psychologique sur le territoire du centre social Kléber (Marseille 3e), livre la directrice Odile Flores-Barroco. Tous les indicateurs sont rouges voire noirs. »
Un bon maillage
Grâce à un bon maillage le centre remet à flots des jeunes et des parents via des cours de théâtre, de français ou des activités diverses. Une psychologue libérale vient aussi en appui pour les troubles psychologiques. Cette visite du centre social est l’occasion de rencontrer les bénéficiaires mais aussi de mesurer, avec les professionnels, l’intérêt suscité par la marotte de la ministre : la création des maisons de l’enfance et de la réussite scolaire avec présence de psychologues cliniciens. « A jamais les premiers, Marseille a déjà une préfiguration, clame Michèle Rubirola, la première adjointe au maire de Marseille. On a décloisonné le sanitaire, l’éducatif, le social pour travailler ensemble. » La ministre interroge, tente de mieux saisir par quelle entrée on peut repérer les troubles mentaux d’un enfant. Elle repart chargée d’informations. La détection des troubles psychologiques par les seuls enseignants semble trop restreinte pour le parterre de professionnels présents.
Carotte et bâton
Journée marathon pour la ministre de la ville. Après les assises de la Métropole visite de terrain avec le bailleur social HMP dans le quartier des Carmes. Lui n’est pas dans le collimateur comme trois autres organismes. Sur ce point Juliette Meadel veut manier la carotte et le bâton. Soutien de l’État mais aussi sanctions possibles. Trois bailleurs sociaux sont visés. « Le verdict ce sera le 15 juillet annonce la ministre. Il y a une procédure contradictoire et si le 15 juillet rien n’a changé, il y aura la suppression d’une aide publique, qui s’appelle un abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties. » Malgré tout Juliette Méadel constate une amélioration notamment en matière d’entretien des parties communes dans les immeubles sociaux.
Manque de logements
Patrick Pappallardo, président d’Habitat Marseille Provence fait partie des bons élèves. HMP va construire 400 logements cette année et investir 50M€ dans la réhabilitation mais ces chiffres sont loin de faire face à la demande régionale de logements sociaux. « L’association régionale des HLM prévoyait la construction de 9 000 logements en Paca, résume le président de HMP. Nous ne serons qu’à 6 000 or il en faudrait 25 000 pour pouvoir couvrir les demandes. »
C’est clair, on est très loin du compte, la ministre de la ville devra encore prendre son bâton de pèlerin et plaider le renfort du ministre du logement. Au rythme où on va le problème social le plus criant sera sans aucun doute ce secteur.
Reportage Joël BARCY