Publié le 17 janvier 2019 à 10h09 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 20h44

Donner de la nourriture à ses partenaires de jeu
Soucieux d’incarner des personnages complexes, il aime quand le texte raconte quelque chose de fort. «Dans ce cas-là», dit-il, «il ne faut pas le “jouer” au sens strict du terme, mais donner autre chose, en donnant la réplique aux autres comédiens, avec la bonne intention, sans pathos, sans tomber dans le mélodrame.» Et quand on lui demande ce qu’est selon lui un bon acteur, il répond : «C’est quelqu’un qui pense à son   partenaire, qui lui donne de la nourriture qui ne vient pas pour jouer uniquement pour le public. Un bon acteur c’est quelqu’un qui a de l’humanité.» Quant à savoir ce qu’est une bonne pièce Tigran Mekhitarian insiste sur l’idée d’une bonne accroche d’un solide prolongement et d’une fin structurée. Et qui a bien sûr un beau texte, sans lequel aucune pièce digne de ce nom mérite d’être jouée. Cela il l’a bien ressenti avec le «Salinger» de Koltès ou «Les yeux d’Anna» de Luc Tartar où il s’est comme d’habitude totalement investi. Heureux Tigran Mekhitarian l’est pleinement encore quand il évoque cette pièce «La vie devant soi» tirée du roman que Romain Gary publia sous le pseudonyme de Emile Ajar et qui lui valut le Prix Goncourt 1975. Un livre magique dont on peut écouter en livre audio une version abrégée  proposée par Bernadette Lafont, Kamel Belghazi et quatre autres comédiens réunis pour la collection «Écoutez lire» des éditions Gallimard. «Les cauchemars, c’est ce que les rêves deviennent en vieillissant», peut-on entendre au fil de la plume de l’auteur. «La vie devant soi» au théâtre joué par Tigran Mekhitarian, aux côtés de Maia Le Fourn, et Nicolas Gousseff  c’est une mise en scène de Simon Delattre, sur une adaptation d’Yann Richard et une musique live Nabila Mekkid (Nina Blue).  Entre théâtre, marionnettes et musique, voilà une réussite que l’on pourra voir à Marseille, les 25 et 26 janvier au Théâtre Massalia. L’intrigue en est simple : Momo et Madame Rosa vivent à Belleville. Elle est juive, c’est une ancienne prostituée qui s’occupe des enfants des filles «parties se défendre en province». Momo est arabe et c’est lui, narrateur, qui nous raconte son quotidien avec son langage poétique et décalé. L’histoire d’amour qui les relie, Madame Rosa et lui, est la véritable toile de fond de ce roman peuplé de rencontres et de situations inattendues. Pour ne pas vivre sans amour, il faut choisir soi-même sa famille de cœur semble être la leçon principale de cette histoire à laquelle Tigran Mekhitarian souscrit pleinement. Le lien qui unit Momo, le petit Arabe débrouillard, à Madame Rosa, une vieille femme juive autrefois prostituée, est de ceux qui sont indéfectibles. L’adaptation théâtrale et musicale proposée par Simon Delattre fait souffler un vent d’espoir. L’altruisme, la solidarité et la générosité sont en effet au centre de cette représentation émouvante, drôle et ludique. Les personnages qui peuplent le récit sont incarnés en scène par une série de marionnettes. Façon de rappeler à chacun qu’il n’est pas vain de prêter l’oreille à l’enfant tendre qui sommeille en nous. Un esprit d’enfance qui définit bien en tout cas la personnalité, l’engagement de Tigran Mekhitarian, acteur également très physique, très sportif qui n’en finit pas de laisser sur les spectateurs venant l’applaudir de spectacle en spectacle des traces profondes, et un réel sentiment de fraternité.
Jean-Rémi BARLAND
“La vie devant soi” d’après Romain Gary. Théâtre Massalia – Friche Belle de Mai – 41, rue Jobin (entrée piétons) – 12, rue François Simon (parking) 13003 Marseille Représentations ” Petit Plateau” les vendredi 25 janvier et samedi 26 janvier à 19 heures – Pour la représentation du 26 janvier le spectacle adapté en LSF – Réalisation Accès Culture • Tarif(s) : Adulte/enfant : 8 € – Carte Massalia : 6 € – Billeterie : 04 95 04 95 75 – Standard: 04.95.04.95.70 – Plus d’info et réservation: theatremassalia.com/





