MP2013 : débat autour de l’eau en partage dans le cadre des grandes rencontres de l’université

Publié le 24 juin 2013 à  2h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  15h38

Des enfants d'un camp syrien implanté en Jordanie vont chercher de l'eau  (PHOTO POMPIERS SOLIDAIRES - HUBERT AUER)
Des enfants d’un camp syrien implanté en Jordanie vont chercher de l’eau (PHOTO POMPIERS SOLIDAIRES – HUBERT AUER)

Les disponibilités en eau sont devenues, aussi bien à cause de la croissance de la population que du réchauffement climatique, un problème majeur du développement futur. Il est d’autant plus important lorsqu’on se situe au Moyen-Orient, région semi-aride où le partage de l’eau est présenté comme la clé du conflit entre Israéliens et Palestiniens ; La problématique de l’eau rare dans le bassin méditerranéen et pourtant une préoccupation bien ancienne. Des solutions ont été proposées et mises en place tout aussi bien dans les pays du Nord que ceux de la rive Sud, elle reste des solutions d’avenir. C’est sur ces questions, où les solutions ne coulent pas toujours de source, qu’Aix-Marseille université (AMU) vient de proposer une de ses grandes rencontres. Gilbert Benayoun, économiste, professeur à l’université d’Aix-Marseille, président du groupe d’Aix composé à parité d’experts israéliens et palestiniens, a donné une conférence sur la question de l’eau dans le conflit israélo-palestinien. Une conférence suivie d’une table-ronde animée par Nicolas Roche avec Thierry Ruf, géographe, directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement et François Prévost, ingénieur agronome de formation et délégué territorial à la Société Canal de Provence.

« la guerre de l’eau n’aura pas lieu »

Gilbert Benhayoun avance, s’appuyant sur les travaux du groupe d’Aix : « La thèse que nous voulons défendre est que la guerre de l’eau n’aura pas lieu. Entre Israël et ses voisins proches, la Jordanie, la Syrie et l’Autorité palestinienne, le problème de l’eau est grave mais ne sera pas, dans un avenir proche, à l’origine d’un conflit armé ». Il explique : « La situation actuelle qui se caractérise par un partage des eaux, en particulier des aquifères de Cisjordanie, très en défaveurs des Palestiniens, peut trouver des solutions acceptables pour les deux parties. Plus qu’une donnée immuable et physique, il s’agit d’un problème politique qui pourra se résoudre dans le cadre d’un accord futur négocié entre Israël et ses voisins, même si le contexte d’une rareté des ressources aquifères ne peut s’amplifier au fil du temps ».

Et de conclure : « Quels que soient les accords futurs, les Palestiniens, qui revendiquent l’affirmation politique de leurs droits, se trouvent dans la nécessité de coopérer de façon plus étroite avec Israël sur le plan technique. Les Israéliens, qui proposent une coopération technique accrue, seront forcément amenés à conclure un accord politique. Il s’agit, pour les années à venir, à la fois, de renforcer la coopération technique et de conclure un nouvel accord politique qui puisse satisfaire les deux parties ».

« Au groupe d’Aix il y a un mot que nous n’utilisons jamais, c’est celui de justice »

L’universitaire, répondant au question de la salle, précisera que le travail du groupe est d’actualité : « Le Qatar a relancé l’initiative arabe de paix voilà peu. Il est dans ce cadre possible qu’un accord voit le jour sur l’eau ». Une intervenante, de la salle, dénonce la situation à Gaza et en Cisjordanie, « l’armée israélienne a détruit les infrastructures et,en Cisjordanie, l’eau manque cruellement, sans parler des eaux non traitées qui sont déversées par Israël ». Gilbert Benhayoun répond : « Il est évident qu’il y a des tensions, des conflits. C’est tellement facile de faire le procès de l’un ou de l’autre. Je pourrais passer des heures à expliquer qu’une partie à tort, puis autant d’heures à montrer que c’est l’autre partie qui a tort ». Il ajoute : « Au groupe d’Aix il y a un mot que nous n’utilisons jamais, c’est celui de justice, par contre nous parlons d’un compromis historique dans lequel chacun sera perdant. Et il faut aider les deux peuples à trouver des solutions acceptables ».*

« Nous ne sommes pas sûr de l’impact du changement climatique sur l’eau »

Thierry Ruf est le deuxième intervenant. On déplorera que, faute de temps, il n’est pu développer toute sa pensée, comme le troisième orateur. D’autant que le propos, dès les premiers mots, attire l’attention : « Nous ne sommes pas sûr de l’impact du changement climatique sur l’eau ». Il insiste sur le fait qu’en matière d’eau « Les crises sont nombreuses et pas seulement climatiques ». Il se situe pleinement dans une dimension politique de l’eau, de sa gestion : « Il est question de contrôle politique des territoires, de divergence d’intérêt au sein de la société locale ». Précise que l’espace méditerranéen, montagnard, implique des circuits courts de l’eau. Revient sur l’histoire de la gestion du précieux liquide qui évolue au cours des siècles. L’eau relève du privé en France au XVIIe. Mais au XIXe on prend conscience qu’elle dessine des territoires, qu’elle relève de l’aménagement du territoire. Il poursuit en revenant sur les logiques publique et privé, sur les tensions entre les usages urbains et agricoles, plaide : « Il faut créer des plate-formes où tous les usagers puissent discuter de façon équilibrée ». Il considère : « En Provence-Alpes-Côte d’Azur, un dialogue existe, et une solidarité, une sobriété existe dans la gestion de l’eau qui est considéré comme un bien commun ».

« Comment gérer les réserves »

Une bonne pratique de l’eau qui bénéficie en plus de conditions géographiques positives, avec une région adossée au massif alpin. « Il y a des ressources en Provence, avec 14 milliards de m3 par an, pour une consommation de 4 milliards ». Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Non « Sous l’effet du changement climatique des zones sont aujourd’hui en difficulté. Les ressources sont mal réparties dans le temps et l’espace. L’eau, en effet, tombe à l’automne, en hiver et au printemps mais elle est consommée toute l’année et principalement en été par les agriculteurs qui utilisent 70% de l’eau ».

Il revient ensuite sur la longue histoire des aménagements hydrauliques qui commencent à l’époque gallo-romaine, puis, au Xe et XIe siècles des créations de canaux encore utilisés aujourd’hui. Et puis, eux aussi toujours en fonction, des réalisations de canaux effectués par des syndicats de propriétaires. Dernière étape, la production hydraulique à objet multiple, avec EDF, pour la Durance et le canal de Provence pour desservir la basse Provence. « La question qui se pose pour les décennies à venir est de savoir comment gérer les réserves. Il faut retrouver une culture de l’eau, retrouver une gestion sociale de l’eau. Et, cette culture, nous l’avons en Provence ».

Michel CAIRE

*Nous nous ferons plus largement l’écho des travaux du groupe d’Aix sur l’eau en partage.

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