Publié le 16 mai 2018 à 11h00 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h48
Micha Lescot et Jérôme Deschamps acteurs magnifiques
Jérôme Deschamps qui s’est attribué le rôle de Pécuchet a confié celui de Bouvard à Micha Lescot. On sait depuis «Musée haut musée bas» de Ribes au théâtre et au cinéma d’ailleurs qu’il est un acteur dont les prestations souvent farfelues enrichissent la psychologie de chaque personnage incarné. Ceux qui l’ont vu au Théâtre du Gymnase de Marseille dans «La seconde surprise de l’amour » de Marivaux mis en scène par Luc Bondy, où il partageait la scène avec sa compagne Marie Vialle, et Pascal Bongard, connaissent aussi sa rigueur à servir un texte dans ses circonvolutions, ellipses, silences. Exceptionnel Bouvard, servi par une scénographie tirant sur le bleu, une scénographie délurée et fantasque, où les costumes sombres ou rouges de Macha Makeïeff , (la patronne de la Criée), lui permettent une incursion dans le «Tartuffe de Molière» évoqué en pointillés. Micha Lescot est un poète du théâtre. Le rejoignant sur ce terrain Jérôme Deschamps turbulent Pécuchet souligne la différence de situations sociales des deux compères (Bouvard qui a hérité est devenu riche pas lui). Porté en cela par le sublime travail sur les objets et les habits entrepris par Macha Makeïeff, prompte à décrire ici «le sale, le laid, le méchant, l’aspect petit fonctionnaire, l’intrusion dans la campagne avec des rappels jaunes, le grisâtre des vies rejoignant le gris social, Jérôme Deschamps invente, ne surjoue, pas, se permettant de cracher par terre, et fidèle en cela à la pensée d’Audiard qui déclarait: ” les cons ça ose tout et c’est même à ça qu’on les reconnait” », innove, crée du fantastique dans la banalité des vies et, ne s’octroie aucune limite. Son personnage d’ailleurs est plus bête que c… d’ailleurs, et ce qu’il entreprend avec Micha Lescot relève de la partition musicale, du duo clown blanc et de l’Auguste. Un miracle d’équilibre renforcé par la présence des personnages de Mélie (Pauline Tricot), et Lucas (Lucas Hérault), pauvres hères, quidams égarés à la ferme, à la ville, sur les bancs des squares, étranglés de solitude et contrepoints parfaits du duo Bouvard-Pécuchet. Un grand spectacle au final, rempli d’humanité, à hauteur de finitude qui propose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Flaubert applaudirait. Donc nous aussi !
Jean-Rémi BARLAND
A la Criée jusqu’au 19 mai à 20h. Le mercredi 16 mai à 19h. Au jeu de Paume d’Aix, du 22 au 26 mai à 20h30 sauf le mercredi 23 mai à 19h. Plus d’info: theatre-lacriee.com/