L’Opéra Orchestre National de Montpellier vient d’ouvrir sa saison avec trois représentations du dyptique « Cavalleria rusticana» et « Pagliacci ». Deux opéras véristes dont les drames sont, hélas, encore que trop d’actualité.

En 1890 et 1892, Pietro Mascagni et Ruggero Leoncavallo composaient respectivement « Cavalleria rusticana » et « Pagliacci » deux opéras mettant en scène des drames liés aux errement de la société : vengeance, machisme, jalousie… Autant dire que Silvia Paoli, la metteuse en scène, n’a eu aucun mal à actualiser les deux livrets installant l’action dans l’espace bétonné d’un théâtre de quartier désaffecté où vit une vieille dame SDF et où les junkies viennent dealer et consommer.
Pour « Cavalleria rusticana » une croix vient rappeler l’omniprésence de la religion dans la société de l’Italie du sud et la phrase « averti que dio te vede », «…Dieu te vois » en lettres rouges en haut des gradins du théâtre vient renforcer le poids de cette dernière. Santuzza, jeune femme enceinte de Turiddu vient dire sa douleur à Mama Lucia, la mère de ce dernier. Il la délaisse pour aller courtiser Lola, son ancienne fiancée aujourd’hui mariée à Alfio, ici un petit mafieux de pacotille qui vient distribuer des œufs aux villageois réunis avant de se rendre à l’église pour l’office pascal. Désespérée, Santuzza informe Alfio qu’il est trompé… Dénonciation qui causera la mort de Turiddu après un duo émouvant entre la mère et son fils qui lui demandera de veiller désormais sur Santuzza.
Mise en scène intelligente

« Pagliacci », Paillasse, c’est Canio, clown d’un cirque ambulant qui se produit au pied du théâtre. Il joue le clown triste, mari trompé par Nedda, Colombine avec Beppe, Arlequin. Tonio, Taddeo tente de séparer les deux amoureux… Dans la vraie vie, Nedda aime Silvio avec lequel elle envisage de s’enfuir après la représentation. Elle repousse les avances de Tonio de façon brutale et ce dernier va informer Canio qu’elle le trompe. Il tuera sa femme à coups de couteaux pendant la représentation sous les yeux du public interloqué.
Deux œuvres véristes traitées de façon intelligente par Silvia Paoli et son équipe et dont la musique bénéficie de l’excellence nuancée et colorée de l’orchestre maison dirigé par Yoel Gamzou. Excellence, aussi, de la masse chorale composée des chœurs des opéras de Montpellier et de Dijon (cette production y est donnée début novembre) et du chœur opéra junior.
Les femmes à l’honneur
Sur scène, Marie-Andrée Bouchard Lesieur est une Santuzza totalement investie dans le désespoir; voix puissante et émouvante elle s’impose aussi dans le jeu. Tomasz Kumiega (Alfio et Tonio) est lui aussi idéal dans ces deux rôles, voix grave et bien projetée. Julie Pasturaud est une mama Lucia résignée et Reut Ventorero une Lola frivole. La Nedda de Galina Cheplakova est irréprochable, vocalement et scéniquement et le Silvio de Leon Kim assuré, les deux ofrrant un duo d’amour impeccable.
Quant à Maciej Kwasnikowski, il est un Beppe séduisant. Quant au ténor Azer Zada (Turridu et Canio) il dispose d’une ligne de chant précise mais manque singulièrement de puissance au moment de projeter ses airs ; un bémol perturbant. Mais le public ne lui en a pas tenu rigueur au soir de la première et c’est tant mieux.
Michel EGEA
Renseignement et réservations: opera-orchestre-montpellier.fr