Paris. Théâtre des Béliers parisiens. « Je m’appelle Asher Lev » : bouleversante adaptation française théâtrale tirée du roman de Chaïm Potok

Il est des spectacles qui réchauffent le cœur et qui honorent ceux qui les réalisent. « Je m’appelle Asher Lev » la pièce d’Aaron Posner tirée du roman de Chaïm Potok adaptée en français par Hannah-Jazz Mertens qui signe aussi la mise en scène fait partie de ceux-là.

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Interprétation intimiste et puissante de la pièce « Je m’appelle Asher Lev » (Photo Alejandro Guerrero)

 

On est saisis par autant de justesse, de profondeur, de dignité dans le propos, d’intelligence formelle. Le résumé de l’intrigue tient dans la pointe d’un crayon : « C’est l’histoire d’Asher Lev qui dessine comme il respire. Un jeune juif orthodoxe de Brooklyn, qui, aux portes du monde prodigieux de l’art, devra choisir : obéir aux exigences des siens et à son éducation religieuse, ou s’abandonner à son destin exceptionnel. »

Alors qu’il a très tôt découvert son don pour le dessin, et supplié sa mère de l’emmener au musée, ce garçon surdoué, né après-guerre dans la communauté hassidique de Brooklyn, de parents juifs orthodoxes dont la vie se réduit presque à l’étude religieuse et la propagation active du hassidisme va vouloir devenir ce qu’il est. C’est à dire un artiste qui ne représentera pas le monde sans aspérités, mais le fixera et le réinventera avec un mélange de lyrisme, d’onirisme, de suggestivité embrassant les affrontements empiriques entre Dieu et le Diable, pour pencher tantôt vers l’un tantôt vers l’autre.

Alors il se met à dessiner des crucifixions ou des « femmes dénudées », ce qui mettra son père en courroux. La rencontre avec ce qui deviendra son maître artistique, son guide et une sorte de mécène le fera quitter le foyer familial pour finir par exposer ses chefs-d’oeuvre dans des galeries et musées. Parmi eux la « Brooklyn Crucifixion » réalisée par Chaïm Potok, qui, écrivain, peintre lui-même et surtout rabbin fera d’Asher son véritable auteur. Sorte de double fraternel du romancier Asher Lev nous apparaît en révolte non contre son père en tant que tel mais contre le fait que ce dernier veut garrotter son imaginaire pour des raisons religieuses. Les dialogues un peu heurtés qu’il aura avec lui et qui feront place au fil des jours à des silences réprobateurs puis admiratifs serrent la gorge.

Trois interprètes magnifiques

Et sonnent précis, avec une justesse d’autant plus absolue que dans le rôle du père Guillaume Bouchède -qui nous a fait rire aux larmes dans « Berlin Berlin » où il interprétait un agent de la Stasi confronté à l’intrusion chez lui d’un couple voulant passer à l’Ouest-, est ici poignant. Sans en rajouter faisant respirer les silences par la seule force de son regard, il est accompagné dans son travail d’orfèvre par Stéphanie Caillol, qui joue en stradivarius son épouse déchirée par les décisions brutales de son mari et emplie de compassion pour son fils qu’elle comprend et soutient dans son travail de créateur.

Ce duo scénique au diapason est enrichi de la présence quasi magnétique de Martin Karmann qui créa le rôle de Asher Lev (il le joue en alternance avec Benoît Chauvin). Martin Karmann,  drôle à souhait dans « No limit », la pièce de Romain Goupil vue avec jubilation dans le Off d’Avignon, Martin Karmann formé à l’école Claude Mathieu qui intégra ensuite l’Esca où il joua professionnellement dans « le Mariage Forcé et Les Précieuses Ridicules » de Molière, sous la direction de J.L Martin Barbaz, ainsi que « Beaucoup de bruit pour rien » de Shakespeare sous la direction de Hervé Van der Meulen, possède une palette de jeu impressionnante. Il est inoubliable servi par la mise en scène fluide de Hannah-Jazz Mertens qui, par moments, fait surgir visuellement du récit de véritables tableaux comme éclairés de l’intérieur. C’est beau, c’est digne, c’est un spectacle de paix et d’espoir, ce qui en ces temps troublés résonne d’un écho citoyen absolument salutaire.

Jean-Rémi BARLAND

«Je m’appelle Asher Lev» d’après la pièce d’Aaron Posner, adaptée du roman du Chaïm Potok -Adaptation française et mise en scène de Hannah-Jazz Mertens – Production Théâtre des Béliers. Pièce à voir au Théâtre des Béliers parisiens. 14 bis, rue Sainte-Isaure. 75 018 Paris. Métro Jules Joffrin. Durée : 1h30 Du mardi au samedi à 19h00 – Matinée le dimanche à 17h00. Réservations au 01 42 62 35 00. ou sur theatredesbeliersparisiens.com

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