Publié le 18 juillet 2019 à 13h14 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 12h05
Le ministre du Logement Julien Denormandie l’avait promis: il ne «lâchera pas les Marseillais». Cette nouvelle descente dans la cité phocéenne, la 7e, lui a permis de signer avec neuf partenaires un Plan partenarial d’aménagement. L’objet: lancer les réhabilitations sur quatre îlots de l’Hyper-centre, et débloquer pour cela 217M€. Des rénovations qui concernent 200 000 habitants et s’étaleront… sur 15 ans.

Création d’une SPLA-IN
Soit, mais en attendant le verdict desdits Marseillais au printemps 2020, les premiers jalons de ce PPA seront ainsi posés. Et cela commence déjà avec le financement d’études de faisabilité, à 50% par l’État, soit 1 million d’euros «pour déterminer quel vont être les travaux à faire, les projets à mener, ce sur quel calendrier». Avec bien sûr la volonté d’aller le plus vite possible… ce malgré les quelques mois de retard pris par rapport à la date de lancement du projet, fixée initialement au printemps dernier. Par ailleurs, outre les questions de planning, il faudra également déterminer les modalités de financement : qui met quoi sur la table entre L’État, les collectivités et les investisseurs. Un deuxième instrument complémentaire, la SPLA-IN, ou Société publique locale d’aménagement d’intérêt national, va également être créé pour la maîtrise d’ouvrage d’ici la fin de l’année. La Ville et la Métropole ont accepté de mettre en œuvre cet outil et l’État en sera actionnaire. Concrètement, cette société pourra demain, «sur la ville de Marseille, acheter des logements dits insalubres, les rénover et les remettre sur le marché». Une structure à l’utilité indiscutable, pour Julien Denormandie : «Si vous voulez rénover rapidement le bâti, il faut inventer de nouvelles choses, il faut être extrêmement ambitieux. Donc il fallait passer par une société qui ne fera que ça, qui ira identifier les logements insalubres, les racheter, les réparer puis ensuite les remettre sur le marché». Mais il n’est pas seulement question de prérogatives en termes d’urbanisme, illustre le ministre. Car il ne faut pas non plus négliger la composante humaine, l’urgence réside donc plus que jamais dans l’«accompagnement dans cette rénovation». Lequel doit être pris en charge par l’État comme par les collectivités, conformément à ce qui est stipulé dans la charte du relogement, que l’État a signé dans la mesure où ce document prévoit cet accompagnement. Ainsi «l’État finance une grande partie de cet accompagnement» et il compte encore renforcer ses moyens pour le mener à bien, a annoncé ce jour-là Julien Denormandie aux élus et aux associations. Associations qui seront incluses dans le processus de «concertation, de co-construction» avec les habitants, comme le prévoit le PPA. Puisqu’il est question de mise en œuvre, et pas d’une seule signature non suivie d’effets. Pour s’en assurer, des comités de pilotage seront créés sous l’égide du préfet Pierre Dartout, «pour savoir si ce PPA avance bien suffisamment rapidement, quels sont les difficultés, les critiques ou au contraire les points très positifs». Car «il n’est pas possible de construire la ville sans les habitants», martèle le ministre, reprenant à son compte les paroles de Simone Veil…Le compte est bon ?
La volonté d’associer toutes les parties prenantes autour de ces projets est là. Pour autant, l’État va-t-il mettre sur la table tous les moyens financiers dont il avait été question précédemment ? En effet, 217M€ vont être débloqués pour la rénovation de ces 4 îlots démonstrateurs… On est encore loin des 600 millions promis à Marseille lors des premières annonces de Julien Denormandie. Mais le ministre ne se dédie pas : «Tous les engagements que j’ai pris seront tenus», appuie-t-il. Et de citer, entre autres possibilités, des types de financements complémentaires qui vont s’adjoindre à cette première enveloppe. Comme ceux de «l’Agence Nationale pour l’Habitat que je pilote. J’ai proposé que lorsqu’il y a des travaux obligatoires à faire pour réhabiliter rapidement un logement, cette agence puisse pré-financer à 100% ces travaux. C’est beaucoup d’argent que je mets sur la table». A savoir que pour bénéficier de ces fonds, les services de la mairie doivent saisir l’Anah afin d’enclencher ces financements. Ils doivent donc «prendre leurs responsabilités» et cultiver le réflexe de contacter l’agence, martèle le ministre… «Par le biais du préfet, j’ai transmis une liste d’immeubles dont j’ai connaissance et pour lesquels je considère que l’Anah pourrait intervenir». Un travail de suivi «dans la dentelle» réalisé grâce au détachement d’équipes du ministère pour œuvrer en direct à Marseille, et à la nomination d’une chargée de projet venant elle aussi de Paris, Muriel Joer Le Corre. Laquelle assume ses fonctions en collaborant avec Nathalie NDoumbe, nommée quant à elle par la Métropole.![]() |
Trois revendications

Du côté des associations, méfiance et vigilance
Reste à voir à présent comment ces premières annonces seront suivies d’effet. En matière de mise en place du suivi d’insalubrité, de l’encadrement des loyers ou du permis de louer, l’État ne peut obliger une collectivité locale à mettre en place une loi ou un décret de loi, a encore rappelé Julien Denormandie. Ainsi tout s’impulse à la bonne volonté de la municipalité ou de la métropole… Or «période électorale oblige, on ne peut forcer personne à rien», traduit la militante après intervention du ministre. Or «Martine Vassal (présidente du département 13 et de la métropole Aix-Marseille Provence NDLR) n’était pas autour de la table des 8 mois de négociation que nous avons passés, elle n’est pas signataire de la charte non plus et n’a montré aucun signe d’engagement dans la lutte de l’insalubrité ou pour la sécurité des personnes, dont elle a la charge (au Département, NDLR), personnes âgées et enfants». Ainsi donc, si la militante accueille favorablement la mise en place de ce PPA et le déblocage de ces 217M€, elle semble beaucoup plus circonspecte sur la façon dont les collectivités locales vont s’impliquer dans ces projets de rénovation. «Le ministre et les services de l’État affichent une réelle volonté de travailler dans le bon sens, sauf que c’est un travail en commun qui inclut la Mairie de Marseille, la Métropole, et l’État… et qu’aujourd’hui on n’a pas vu un centime». Or nombre de délogés sont toujours reclus dans des hôtels, sans visibilité sur leur avenir. Autre fait préoccupant, la majorité des personnes qui ont été relogées le sont dans des habitations provisoires, souvent en sur-occupation, dénonce-t-elle. Ils se retrouvent à « 4,5,6 voire plus dans des T3, mais ils préfèrent ça et avoir la possibilité de se doucher, de vivre en famille, de cuisiner» plutôt que d’aller à l’hôtel. Ainsi donc, «aujourd’hui, le problème est suspendu dans des logements provisoires».![]() |
Des délogés plus que jamais démunis
Et les cas dramatiques se comptent à la pelle… Comme celui de Baya, qui à 69 ans, vit en hôtel depuis juin 2018 aux abords de la rue d’Aix, bien avant le drame du 5 novembre 2018. A la suite de l’acquisition de l’immeuble dans lequel elle vivait par un nouveau propriétaire dans des conditions douteuses, ainsi qu’à l’engagement de travaux alors qu’elle vivait toujours dans ce studio insalubre de la rue Tapis Vert, la Mairie a pris un arrêté de péril. Elle a élu domicile dans une chambre d’hôtel sans salle de bains et dont les toilettes étaient collectives, en étant la seule femme dans un environnement d’hommes. Sa santé décline, d’autant qu’elle doit reprendre un travail pour compléter sa pension et envisager de pouvoir régler son loyer dans le parc privé… Puisque malgré des demandes depuis près de 12 ans, elle n’a jamais pu obtenir de logement social.![]() |
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