Région Sud : Renaud Muselier place la plénière sous le signe de la sécurité, de la souveraineté et des JO 2030

En amont de la séance plénière de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui se tient ce jeudi matin  à l’Hôtel de Région, Renaud Muselier, président de la Région Sud, a déroulé les grands dossiers inscrits à l’ordre du jour. Au menu : sécurisation des maisons de santé, raccordement des centres de supervision urbain du Vaucluse à la gendarmerie, lutte contre le racisme et l’antisémitisme, plan “2””pour l’intelligence artificielle, création d’une société portuaire à Toulon-La Seyne au nom de la souveraineté, décarbonation de Fos-sur-Mer et, en toile de fond, les Jeux olympiques d’hiver 2030. Une manière pour le président de Région de lier bilan de dix ans de mandat et projection à long terme, jusque vers 2050, sur fond d’enjeux de sécurité, d’industrie et d’aménagement du territoire.

Renaud Muselier élu président de Provence-Alpes-Côte d'Azur  © Philippe Maillé
Renaud Muselier élu président de Provence-Alpes-Côte d’Azur © Philippe Maillé

Sécurité : protéger médecins et habitants, du cabinet médical à la vidéoprotection

Premier bloc de mesures : la sécurité, notamment autour des soignants. Renaud Muselier annonce trois nouvelles actions en lien avec l’ARS et l’agence des maisons de santé. Il cite notamment le sécurisation des maisons de santé, cabinets libéraux et hôpitaux du territoire, la mise en place de lignes directes entre structures de santé et forces de l’ordre et enfin  l’installation de bornes d’appels d’urgence au plus près des professionnels exposés. « L’idée, c’est d’être au plus près de ceux qui sont confrontés à des actes de non-respect de l’autorité médicale », insiste le président, qui détaille un plan financé à hauteur de 9 M€ par l’État et l’ARS. « C’est ma méthode de travail, ajoute-t-il, faire de l’addition : État, ARS, Région, chacun prend sa part. » Dans la continuité, la Région engage également un effort en matière de vidéoprotection dans le Vaucluse : les centres de supervision urbain des principales villes (Avignon, Bollène, Carpentras, L’Isle-sur-la-Sorgue, Pertuis, Sorgues, Valréas, Vedène) seront raccordés à la gendarmerie. Montant annoncé : 5,5 M€. Renaud Muselier rappelle un précédent marseillais : « On avait vu, à l’époque de l’assassinat des petites, que les caméras n’étaient connectées nulle part. Elles étaient invisibles. » Et de conclure, à propos du Vaucluse : « Cette fois, quand on demandera une intervention, ils auront les images. »

Mémoire et valeurs républicaines : un passage obligé par le Camp des Milles

Autre volet mis en exergue : la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, avec un outil bien identifié, le Camp des Milles, près d’Aix-en-Provence (13). Un partenariat avec les rectorats et la Fondation du Camp des Milles doit permettre à la Région de généraliser une ambition déjà portée :
que «toute classe de lycée de Provence-Alpes-Côte d’Azur passe, au moins une fois dans la scolarité, par ce lieu de mémoire», indique Renaud Muselier. Pour lui, il s’agit de rappeler concrètement les valeurs de la République, dans un contexte où les tensions identitaires se renforcent.

Entreprises : un « plan 2 » pour l’intelligence artificielle de terrain

Côté économie, trois rapports sont consacrés aux entreprises et au tissu productif local. L’un d’eux porte sur l’accès à l’intelligence artificielle pour les commerçants, artisans, associations et PME. Le président parle d’un “plan 2 d’intelligence artificielle” : « On veut sortir des grands discours pour montrer à quoi ça sert dans la vraie vie : quand on est artisan ou commerçant, comment on peut s’en servir, comment on peut le développer. » L’objectif dans ce cadre est d’aider un artisan, un commerçant, une TPE à comprendre à quoi sert l’IA concrètement, structurer des passerelles entre les start-up, les acteurs de la tech et les chambres consulaires, travailler avec les organisations professionnelles -comme l’Acmar – pour adapter les outils aux réalités du terrain. « On est au plus proche de nos artisans », rappelle-t-il, évoquant les rencontres avec les représentants de ces secteurs. La version consolidée de ce plan doit être présentée lors d’un temps fort dédié à l’IA après les municipales.

Toulon – La Seyne : une société portuaire au nom de la souveraineté

Sur le front maritime, un dossier sensible sera également soumis à la plénière : la création d’une société portuaire pour le port de Toulon – La Seyne. Cette société, qui associera la Région, la Métropole, le Conseil départemental et la CCI, répond à une demande expresse du préfet maritime de Toulon, inquiet de voir, à terme, un opérateur étranger remporter un appel d’offres sur des activités stratégiques. « Le Premar (Préfecture maritime de la Méditerranée NDLR)  était très inquiet qu’un jour des Chinois gagnent un appel à projet sur le port de Toulon», explique Renaud Muselier qui  ajoute : « Cela nous poserait un problème de souveraineté territoriale très important.» Pour le président de Région , l’enjeu est de « protéger l’outil au service de nos concitoyens», dans un contexte où le port civil et le port militaire sont imbriqués. La nouvelle structure met fin au système de concession actuel, prend la main sur l’ensemble des activités (passagers, fret, croisières, activités industrielles) et doit entrer en vigueur le 1er janvier 2026. « On a la structure juridique, la répartition entre les uns et les autres, la sauvegarde de la souveraineté française et le pilotage partagé, tout ça est structuré et respectueux des lois de la République », détaille-t-il. Elle vise aussi à sécuriser le foncier nécessaire au futur porte-avions de nouvelle génération au profit du port militaire.

Fos-sur-Mer : vers une vitrine européenne de la réindustrialisation décarbonée

Autre temps fort avancé la signature du Projet collectif d’aménagement de la zone industrielle et portuaire de Fos-sur-Mer. L’ambition, revendiquée par le président : « On doit avoir la plus grande zone de réindustrialisation décarbonée d’Europe. » Le projet repose sur : 680 millions d’euros d’investissements d’aménagement (routes, logements, équipements publics, hôpitaux),et 20 milliards d’euros d’investissements industriels programmés, avec une condition clé : la disponibilité de l’électricité nécessaire à ces nouveaux sites industriels “verts”. Renaud Muselier rappelle aussi le déblocage d’un vieux serpent de mer : « Dans le cadre des Jeux olympiques, on a enfin débloqué le chantier du contournement de Martigues – Port-de-Bouc et du barreau Fos – Salon : un dossier qui avait 50 ans de retard. »

JO d’hiver 2030 : bataille pour les Alpes du Sud et équilibre des territoires

Long passage obligé de l’échange : les Jeux olympiques d’hiver 2030, attribués à la France, avec un rôle central pour les Alpes. Pour Renaud Muselier, les JO ne se résument pas à quinze jours de compétition : « Les Jeux, ce n’est pas simplement faire skier des mecs pendant 15 jours dans nos stations. C’est une vraie vision de développement territorial pour six départements, dont trois sont alpins. »

Il rappelle la triple architecture du dispositif : un interministériel et une loi en cours de vote pour encadrer les financements entre État et régions, avec une garantie régionale limitée aux investissements : « Sur les garanties financières, nous avons 115 M€ sur l’investissement, jamais sur le fonctionnement». La SOLIDEO, installée à Marseille et coprésidée par les deux régions alpines, chargée de livrer les infrastructures (village de Briançon, complexe omnisports olympique de Nice, tremplins, bob, villages olympiques, etc.), dont Renaud Muselier dit : « On a lancé 40 opérations, on est en temps et en heure, ça va bien». Le COJOP, interface avec le CIO et les fédérations, qui doit composer avec les contraintes de chaque territoire.

Sur la glace, le choix est acté : Nice sera le grand pôle

Reanud Muselier raconte les échanges avec les responsables olympiques : « On m’a dit : toute la glace au même endroit. Hockey, artistique, tout. »
Et il insiste sur l’enjeu économique : « La glace, c’est 60 % de la billetterie des JO. » Le futur complexe omnisports niçois est aussi présenté comme vertueux : « Il consommera moins d’énergie à lui seul que la patinoire actuelle. » Surtout, le président martèle sa volonté de ne pas concentrer les retombées sur quelques stations déjà très dotées : « Les Alpes françaises, ce n’est pas que Courchevel certes ils sont très bien. Nous, c’est notre tour, parce qu’on ne les a jamais eus. » Dans les Alpes-de-Haute-Provence, il mise clairement sur l’espace Lumière (Praloup – La Foux) : « C’est l’avenir de l’or blanc dans les Alpes-de-Haute-Provence. Là-haut, il y aura de la neige. »

Marseille, quartiers populaires et centres sociaux : la Région renvoie la balle au local

Interrogé sur la situation des quartiers populaires marseillais, sur fond de violences et de drames récents, le président de Région se dit « très sensible » en tant que Marseillais. À propos de sa présence lors des hommages rendus au jeune Mehdi Kessaci, 20 ans, assassiné , il tient à préciser : « On s’est mis à l’entrée, pas devant. On a respecté les désirs de la famille. On a essayé de rester à notre place, en soutien moral, avec humilité et dignité. »

Concernant les centres sociaux, il assume la décision de la Région d’avoir cessé ses financements : « Chacun doit assumer ses propres compétences, et ce n’est pas dans les miennes. J’ai 946 communes, et on ne faisait ça qu’ici, à Marseille. Pourquoi je le ferais ici et pas ailleurs ? » Il renvoie la responsabilité première de ces politiques aux autorités locales : « Ce n’est pas la faute de la Région. C’est quand même la faute des autorités locales. » Et, plus largement, il lâche : « Aide-toi d’abord, le ciel ne peut pas t’aider si toi-même tu ne fais pas ton travail. » «La Région, rappelle-t-il, peut en revanche intervenir sur ses leviers : formation, emploi, aménagement, politiques économiques, avec des dispositifs ciblés.»

Une plénière sous le signe des “dix ans” et des grands chantiers

Au fil de ces dossiers – sécurité, mémoire, ports, industrie, montagne- Renaud Muselier revendique une même logique : protéger, investir, préparer l’avenir. Entre rappel de son action passée et coups d’accélérateur sur des chantiers structurants, la plénière de ce jeudi  doit lui permettre de fixer un cap : celui d’une Région Sud sécurisée, souveraine sur ses infrastructures stratégiques, en pointe sur la réindustrialisation décarbonée et pleinement au rendez-vous des Jeux olympiques d’hiver 2030.

Patricia CAIRE

En toile de fond, les municipales et le “modèle d’addition”

Au-delà des dossiers techniques, Renaud Muselier assume aussi une lecture politique des mois qui viennent, à l’approche des municipales. Il évoque  un “modèle politique d’addition” forgé à la Région : « Nous avons inventé ici un modèle politique d’addition. Un modèle qui bâtit autour du rassemblement, de l’addition, du dépassement, qui ouvre les bras et qui travaille avec les gens raisonnables. » Avec un seul groupe régional, “Notre région d’abord”, rassemblant selon lui 14 composantes politiques et 83 élus de la majorité, du centre à la droite en passant par des “écologistes pro-croissance”, il rappelle : « Nous avons réussi le meilleur score de droite et du centre en France en 2021 avec 57 % des voix. »

Il résume sa ligne : « Je n’ai jamais changé de ligne : dépasser les clivages, additionner les forces, les compétences, les territoires, les énergies, les volontés… et lutter contre les extrêmes. C’est exactement le modèle que je prends pour ces élections municipales. Et cette recette n’a jamais été aussi actuelle et nécessaire. » Sur le risque Rassemblement national, il se veut à la fois prudent et confiant : « Je ne crois pas dans la victoire du Rassemblement national ici, dans la région. » Il avertit cependant : « Le sortant, s’il a travaillé et s’il est uni, on ne peut pas le battre. En revanche, quand un maire ne se représente pas, qu’il n’a pas préparé sa succession et qu’il y a division, là il y a un très gros danger. »

Dans les grandes villes, il livre sa grille de lecture : à Nice, il juge que « Christian Estrosi est imbattable » ; à  Toulon, il se dit « inquiet », voyant réunis tous les ingrédients du risque ; à  Marseille, il estime que « le match est en train de s’écrire » et revendique une stratégie d’addition au service d’un bloc central contre les extrêmes, en apportant son soutien à la candidate qu’il accompagne Martine Vassal : « Sans addition, il n’y a pas d’histoire possible. » Il insiste sur un point clé à ses yeux : ne pas confondre national et local : « Le national, ce n’est pas le local. Les députés ne sont pas implantés. Ceux qui rendent service au quotidien, ce sont les maires. » Et de rappeler, en forme de message aux états-majors comme aux dissidences locales : « Tous ceux qui amènent la discorde amènent la division. »

Interrogé sur l’hypothèse d’un rapprochement entre sa candidate, Martine Vassal  et le Rassemblement national, Renaud Muselier balaie clairement l’idée. « Ça, c’est pas une addition. De toute façon, ils ne nous veulent pas, mais nous non plus, donc ça me va bien. C’est pas mon sujet », tranche-t-il. Il rappelle sa stratégie : se concentrer sur le premier tour et sur son propre camp. « Sur le premier tour, on se présente sous nos étiquettes et puis on verra bien, quand on est premier, ce qu’ils vont faire les autres.» Pour autant, il assume vouloir parler aux électeurs partis voter RN, sans accord avec le parti lui-même : « De toute façon, il faut bien qu’on récupère des électeurs à nous qui sont partis là-bas. Mais en même temps, il ne faut pas perdre des électeurs du centre qui ne veulent pas de la gauche et qui sont avec nous. C’est la ligne au service de l’intérêt général qui est nécessaire. »

P.C.

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