Rugby Pro D2 – Interview – Mauricio Reggiardo : « Je suis arrivé au bout de ce que pouvais apporter à Provence Rugby ! »

La demi finale à Grenoble était le dernier match de Mauricio Reggiardo comme manager de Provence Rugby. L’Argentin était arrivé à Provence Rugby en mars 2021 avec pour mission d’éviter une relégation en Nationale ; ce qui fut fait sur le fil en quelques matchs. Puis il a accepté de participer au projet du club et, en quatre saisons, il peut se targuer d’avoir mené les Noirs aux portes de la finale deux fois consécutivement. Retour en sa compagnie sur sa carrière aixoise…

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Mauricio Reggiardo © Capture d’écran Canal + Sport

Destimed : En mars 2021, le président Denis Philipon vous invitait à venir sauver Provence Rugby d’une relégation qui s’annonçait. Qu’est ce qui vous a motivé pour répondre positivement à cet appel ?

Mauricio Reggiardo : D’abord le défi qu’il fallait relever et qui me donnait l’occasion de sortir de ma zone de confort. L’entretien que j’avais eu à ce moment là avec Denis Philipon et Christophe Serna m’avait vraiment motivé, la structure humaine et les infrastructures sportives étaient de haut-niveau et je savais qu’ici il y avait les moyens pour réussir. Mais qui dit moyens, dit aussi obligation de résultats; pour moi c’était de la bonne pression.

D. : Pendant quatre saisons avez-vous pu travailler comme vous l’entendiez, notamment au niveau des recrutements ?

M.R. : Totalement. En fait avec le Président nous avions mis en place un mode opératoire déterminant les responsabilités de chacun ; ce mode opératoire a parfaitement fonctionné et j’ai pu travailler efficacement. Je suis respectueux de la hiérarchie, je savais que le patron c’était le Président. In fine c’est lui qui décide mais j’ai eu la possibilité de me faire entendre, d’exposer mes idées et ma vision ; nous étions liés par une vraie relation de confiance. Il m’avait dit un jour: «Un manager et un président qui sont soudés ça évite les failles ».

« Juste et humain »

D. : Arriver à disputer la demi-finale de Pro D2 deux saisons consécutivement est une réelle performance. Y-a-t-il une méthode Reggiardo et comment vous y êtes vous pris ?

M.R. : Je pense que j’étais comme tout nouveau manager qui arrive dans un club. Il faut gérer les forces déjà présentes, notamment les joueurs dont on « hérite » et qui ne s’adaptent pas forcément à un nouveau mode de fonctionnement. Le travail pour un nouveau manager c’est de forger un groupe qui adhère à son management. Les deux premières années il y a eu des partants, des arrivées et il a fallu travailler pour que le collectif comprenne ma façon de fonctionner. Au bout de deux ans, nous avons pu constituer un groupe qui correspondait plus à ma façon de manager. Puis il y aussi eu des changements au sein du staff.

D.: S’il fallait définir en quelques mots votre façon de manager, quels seraient-ils ?

M.R. : En deux mots, juste avec les règles que je met en place, et humain.

D. : A ce propos, on a parfois entendu des critiques visant cette façon de manager, notamment une « gentillesse » qui nuisait à la performance collective. Qu’en pensez vous ?

M.R. : Pas grand chose. Je ne suis sur aucun réseau social, je ne lis pas la presse ; tout cela ne me touche pas. Je suis la personne que je suis, la seul chose qui m’importe c’est la qualité de la relation avec mes joueurs. Quel que soit le résultat au terme de la saison, je resterai le même, avec mes convictions, ma façon de travailler et mon humanité. Pour moi le plus important c’est d’être reconnu et apprécié.
J’ai quitté Castres trois fois et j’y suis revenu deux fois; si tu reviens c’est parce que tu es bien parti. Je suis déjà bien parti d’Agen, on va voir la suite désormais… Je pars de Provence Rugby, on verra la suite, on ne sait jamais… Pour moi le plus important est de travailler afin de ne jamais nuire à l’image d’un club, mais pour la rendre encore plus belle.

« C’était le bon moment de bien partir »

D. : Le fait d’annoncer l’arrivée de Philippe Saint-André en début de saison alors que la saison 23/24 avait été remarquable c’était quand même perturbant, non ?

M.R. : Pas vraiment. En fait tout était clair entre Denis Philipon et moi. Dès la signature de mon premier contrat à Provence Rugby il m’avait confié qu’il était à la recherche d’un directeur du rugby. Lorsqu’il m’annonce l’arrivée de Philippe Saint-André à ce poste, personne ne m’a demandé de partir. J’ai eu un entretien avec Philippe, nous avons échangé longuement, et c’est après mure réflexion que j’ai pris ma décision de partir. Tout cela n’a nuit en rien au déroulement de la saison qui vient de mener le club jusqu’en demi-finale.

D. : Alors pourquoi partir ?

M.R. : je sens que je suis arrivé au terme d’un cycle, au bout de ce que je peux apporter à Provence Rugby. Quatre ans et demi c’est beaucoup.
Puis j’ai eu du mal à devoir me séparer de certains joueurs l’année dernière. Mais il fallait poursuive la progression du projet en recrutant de nouveaux éléments de haut niveau ; il m’a fallu prendre des décisions, je les ai prises. Si je n’avais pas été d’accord je serais allé voir le Président en lui disant « je m’en vais ». Mais ça ne veut pas dire que je n’ai pas souffert des départs… Je pense que le club a bien grandi avec moi et que c’était le bon moment de bien partir.

« Aix-en-Provence, une ville magique »

D. : Quels souvenirs conserverez-vous de votre passage à Aix-en-Provence ?

M.R. : Le souvenir d’une ville où il fait bon vivre et travailler. Ici c’est magique, la qualité de vie est incroyable. C’est vrai que n’ayant pas d’enfant en âge d’aller au lycée, hors du rugby je n’ai pas vraiment développé de vie sociale. Mais j’ai vraiment apprécié les quatre ans passés ici.

D. : Votre fils Valentino a intégré cette année l’équipe d’Argentine de Rugby U 20 au poste de demi de mêlée, une fierté pour vous ?

M.R. : Bien sûr, même si cela coûte du côté affectif puisqu’il est obligé de vivre et de jouer dans un club en Argentine afin de pouvoir être sélectionné. Et même si c’est notre dernier enfant a avoir quitté le foyer, je suis fier de lui avoir transmis cette passion du rugby. Il est heureux et c’est l’essentiel. Techniquement il est au top et il a un mental à toute épreuve. J’espère pouvoir aller le voir dans un mois à la coupe du monde en Italie. Je suis content qu’il ne joue pas pilier comme ça il ne peut pas y avoir de comparaison avec son père.

D. : Et maintenant direction Agen pour une nouvelle aventure ?

M.R. : On n’en parle pas. Pour l’instant je n’ai rien signé, mais j’ai donné ma parole au Président d’Agen. Et la parole c’est sacré.

Propos recueillis par Michel EGEA

© Capture d’écran Canal + Sport

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