Tribune d’Alain Gargani : Nous ne devons pas construire cette Cité de la Justice à Marseille sur les ruines de l’économie du centre-ville

En tant que Président de la CPME Sud, je comprends l’importance cruciale du tissu économique local. C’est pourquoi, nous ne pouvons ignorer la récente décision du Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, de transférer le Palais de Justice du centre-ville de Marseille vers Euroméditerranée.

Alain Gargani, Président de la CPME Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur (Photo archives Destimed/RP)
Alain Gargani, Président de la CPME Sud (Photo archives Destimed/RP)

Force est de constater que cette décision prend acte du manque d’implication de la mairie  de Marseille dans cet important dossier, mais ne saurait être réduite à cette simple réalité ; car de nombreux éléments sont à prendre en compte.

Tout d’abord, nous devons nous rendre à l’évidence quant à la nécessité d’une modernisation des juridictions, afin que le personnel judiciaire puisse travailler dans de bonnes conditions. C’est pourquoi un changement d’ampleur doit être opéré. Dans cette idée, je ne peux que reconnaître la volonté de l’État, qui se doit malheureusement d’intervenir avec la création de ce projet de Cité judiciaire.

Par ailleurs, à la CPME Sud, nous considérons que cette décision est dommageable pour plusieurs raisons. La première étant le manque de concertation avec les acteurs économiques locaux. Ces derniers se sont rassemblés autour du barreau de Marseille, représenté par son bâtonnier Matthieu Jacquier.

Parce que Marseille ne peut se construire depuis Paris, l’ensemble des parties se doit de dialoguer afin de développer une Cité judiciaire qui soit profitable aux Marseillais ; adaptée aux enjeux de la ville, à la réalité du terrain. Cette décision arbitraire du ministre de la Justice, qui élude nombre de problématiques qu’un tel projet soulève, est donc grandement regrettable.

Les conséquences de ce transfert sont malheureusement trop facilement identifiables. La première correspond à la présence de plusieurs juridictions, avocats et employés de cabinets juridiques, qui contribuent significativement à dynamiser l’activité économique du centre-ville. La disparition de cette concentration économique risque d’entraîner des répercussions dévastatrices sur les commerçants locaux, mettant en péril la vitalité du centre-ville. Car il n’est pas seulement question de la population du personnel judicaire -déjà très conséquente-, il s’agit également de celle de leur famille, tout autant actrice d’un centre-ville dynamique. Ce manque à gagner pour l’ensemble des commerçants sera un coup dur pour l’économie locale et le tissu social qui y est associé, et entrainerait une paupérisation certaine de cette ville. Cette perte se chiffrerait à près de 20 millions d’euros, et ce, seulement au regard de la consommation annuelle des avocats (réalisée en semaine). C’est pourquoi nous considérons que cette décision de délocaliser un pôle économique aussi essentiel, va grandement fragiliser le centre-ville.

Ce cœur battant que représente le Palais de Justice et les juridictions la jouxtant, constitue un foncier économique que nous devons préserver. En effet, les cabinets d’avocats représentent 48 000 m² de foncier (seulement 25% des avocats sont propriétaires). La disparition soudaine de ce foncier économique ne peut qu’être dramatique pour un centre-ville déjà fortement touché par le taux de vacance (16% contre une moyenne nationale de 12%).

Nous nous associons donc aux revendications portées par le barreau de Marseille. Parce que nous partageons leurs préoccupations et que nous ne devons pas construire cette Cité de la Justice sur les ruines de l’économie du centre-ville qu’un tel départ provoquerait.

Comme l’a suggéré le communiqué conjoint du barreau de Marseille et des acteurs du monde économique, je soutiens la reprise de ce dossier, ô combien important pour l’avenir de Marseille, par Madame Sabrina Agresti-Roubache. Nous encourageons le dialogue entre l’ensemble des parties prenantes, afin de trouver des solutions qui concilient les impératifs de modernisation avec la préservation des activités économiques locales ; je crois fermement qu’un terrain d’entente est possible.

Monsieur le ministre, nous vous enjoignons à revoir votre décision que nous pensons contraire aux intérêts des Marseillais. De grands enjeux sont sous-jacents à ce projet ; économiques, sociaux, d’attractivité ou encore d’urbanisme. C’est pourquoi nous devons prendre le temps de la concertation, pour que le Plan Marseille en Grand soit une réussite, et que notre belle ville puisse prospérer.

 

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