Publié le 2 février 2019 à 13h25 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h23
Le Qatar n’eut guère le temps de célébrer l’obtention de la Coupe du monde de football 2022, que des flots de critiques s’abattirent de nombreux pays, troublés dans leurs certitudes de n’avoir su anticiper la victoire d’un petit poucet international.

Vision 2030
Que l’on souhaite clouer au pilori, ceux qui influencent aujourd’hui des votes de façon frauduleuse est une intention louable et nécessaire, qui ne peut cependant se satisfaire de bruits médiatiques ciblés a mauvaise escient. Pour l’instant, ce petit pays de moins de 2 millions d’habitants, inconnu aux yeux des observateurs grands publics, avant les années 2000, a réussi une prouesse exceptionnelle, encline à créer un effet papillon au Moyen-Orient cf. les surenchères de l’Arabie Saoudite, d’Oman et des Émirats Arabes Unis. Cette obtention de la coupe du monde 2022 fut tout sauf une surprise pour ceux qui ont lu la feuille de route «Vision 2030» écrite au début des années 2010 par Sheikh Bin Hamad Khalifa Al Thani, avant que celui ci ne céda son trône à son fils quelques années plus tard et à la surprise générale. La diplomatie par le sport y étant gravée dans le marbre, que peut-on leur reprocher aujourd’hui sinon de maîtriser parfaitement les rapports de force internationaux et de savoir se rendre indispensable dans la région? Disposer d’un sous-sol aussi précieux, ne confère en soi qu’un avantage relatif, que d’autres puissances cf. Algérie, Venezuela… ne surent jamais réellement valoriser en pareille circonstance. Reprenons les fondamentaux géopolitiques: Ce pays devenu indépendant en 1971 est cerné de foyers de tension aux quatre coins cardinaux de ses frontières, il détient en substance l’un des ratios de migrants les plus importants au monde de l’ordre de 80 % du total de sa population, imaginons un instant la France avec 50 millions de travailleurs étrangers, impensable ! Le désert omniprésent, fait le lit d’une spiritualité singulière depuis des millénaires, une température excessive et une nature minimaliste qui biaisent forcément toute comparaison avec les standards de vie qui sont les nôtres. Dans ce contexte, pourquoi faudrait-il juger ce pays à la lumière de notre grille de lecture et de valeur ?
De nouveaux sédiments sociétaux
Le gain de la Coupe du monde de football 2024 a bon dos, d’autoriser certains pays a vilipender, critiquer, attaquer parfois, le Qatar sur tous les fronts. Ceux qui ont pu voyager et séjourner au Qatar, se rendent bien compte de l’évolution vertueuse de la société Qatari; en seulement dix années, des progrès considérables ont été réalisés comme nulle part ailleurs au Moyen-Orient. Au-delà de faits surmédiatisés, propagés par certains donneurs d’ordres, trop peu d’observateurs font l’effort de relever les formations de nouveaux sédiments sociétaux qui structurent peu à peu la société civile Qatari. La faiblesse des pays occidentaux est globalement d’avoir dans la région, un comportement élastique visant d’abord à préserver ses intérêts économiques avant de défendre ses vrais amis. La France n’est pas toujours irréprochable, s’affichant tantôt avec un pays, tantôt avec autre, sous-estimant dans la durée, la force démonstrative de la relation d’amitié Qatarie
Répondre aux contre-vérités déployées à charge
La complexité de la région ne pouvant seule justifier une telle prudence, peut-être y aurait-il au fond de nous une appréhension de voir notre vieille Europe, se faire bousculer sur ses valeurs socles qu’incarnent nos institutions & gouvernance, notre modèle social, notre replis identitaires, notre perte de confiance en l’Europe. Paradoxalement, la prochaine coupe du monde au Qatar ne rend pas aveugles les autorités du pays de faire de l’épreuve reine, un «case study» replicable ailleurs au Moyen-Orient ou en Afrique. Appuyé par des cabinets de conseils internationaux, le pays entend franchir un palier politique, économique et social et jouer son rôle de stabilisateur dans la région. La lumière franchira certes les enceintes sportives des 8 stades prévus, elle révèlera surtout les sous-couches structurantes du pays, culturelles, éducatives, touristiques, économiques et sociétales ; que d’exemples avec Qatara, Education city, Aspire, Pearls, et tant d’autres réalisations encore, autant de piliers qui deviendront bientôt les grands déterminants de son attractivité, et saisir cette opportunité pour répondre aux contre-vérités déployées à charge par certaines factions politiques régionales. Simultanément à l’annonce de sa candidature à la coupe du monde de football, 2024, une autorité de régulation Qatari autour de la sécurité dans le sport fut créée en 2011: ICSS (International Consulting for Security on Sport). Majoritairement financé par l’État Qatari, cet organisme conseille des grandes instances internationales (fédérations sportives internationales, Nations Unies,) sur les bonnes pratiques de gouvernance dans le sport, la sécurité dans les grands événements, les questions de dopage, de corruption et de blanchiment et propose des enquêtes et expertises auprès des grands écosystèmes sportifs régionaux. En créant cet outil d’ingénierie d’aide à la transparence dans le sport, le Qatar pointe du doigt les grands dysfonctionnement dans le sport et promeut son expertise pour tenter de les résoudre. Parions que cette coupe du monde 2022 devienne un événement sportif mondial particulièrement vertueux. Enfin et au-delà de la considération sportive, souhaitons que la Coupe du Monde fasse progresser notre compréhension des subtilités du monde arabe, qu’elle ne nous enferme pas dans les cases de la seule compétition sportive et qu’elle délivre aux observateurs du monde entier, des nouvelles rassurantes d’un Moyen-Orient en plein bouleversement.
Pierre Distinguin, chroniqueur Destimed, est expert en Attractivité




