Publié le 25 mars 2022 à  17h45 - DerniÚre mise à  jour le 9 décembre 2022 à  14h10
Le Forum Europe-Afrique qui sâest tenu Ă Marseille le 17 mars dernier a Ă©té⊠exemplaire. En effet, et malgrĂ© sa briĂšvetĂ©, toutes les Ă©vidences et toutes les ambivalences des relations entre nos deux continents y ont Ă©tĂ© entendues ou observĂ©es.
Nous sommes manifestement Ă la croisĂ©e des chemins, parfois mal Ă lâaise entre un ancien monde dont les scories nous blessent, et le nouveau, incertain, qui peine Ă Ă©merger faute de visions claires et partagĂ©es.
Depuis quelques annĂ©es la parole sâest libĂ©rĂ©e sur tout le continent africain. Fini ce petit complexe dâinfĂ©rioritĂ© diffus, finie la croyance que lâĂ©mergence devait nĂ©cessairement passer par « lâaide » et lâexpĂ©rience du Nord, finie lâadaptation contrariante aux programmes de dĂ©veloppement parfaitement conçus par des sachants lointains, dans les «laboratoires» des grandes institutions internationales.
Ceci non pas du fait dâune rĂ©bellion idĂ©ologique ou de projets rĂ©volutionnaires (Ă©galement venus de lâĂ©tranger dans les annĂ©es 60), mais tout simplement sur le constat que cela âŠnâa pas fonctionnĂ© ! Et cela ne pouvait pas rĂ©ussir !
Entre brutalitĂ© Ă©conomique (droit naturel du plus fort), excellentes intentions affirmĂ©es des coopĂ©rations bi et multilatĂ©rales (lâenfer en est pavĂ©) et acceptation (de bonne foi et/ou intĂ©ressĂ©es) des Ă©lites africaines, le systĂšme Ă©tait condamnĂ©.
Nous nous sommes trompés.
Nous nous sommes trompĂ©s, souvent de bonne foi, avec un peu dâarrogance des uns et trop de confiance des autres, en croyant que les chemins du dĂ©veloppement pouvaient ĂȘtre exogĂšnes, alors quâils ne peuvent quâĂȘtre quâendogĂšnes.
Le monde a changĂ©, et les pays africains sont sortis, heureusement pour chacune des parties, du tĂȘte Ă tĂȘte stĂ©rilisant avec les anciennes puissances coloniales. Et nous pouvons⊠en remercier les nouveaux acteurs internationaux (et en particulier la Chine !) qui nous rappellent, quelques fois brutalement, que rien nâest acquis, rien nâest figĂ©.
La France et toute lâEurope comprennent quâelles doivent revoir le logiciel de leurs relations avec lâAfrique. A lâEurope de rĂ©pondre avec une offre renouvelĂ©e, en acceptant quâelle a probablement plus besoin de ses voisins du Sud que ceux-ci dâelle. En effet le continent africain a maintenant le choix de ses partenaires, alors que nous nâavons quâune Afrique. Et que cette derniĂšre est un prochain moteur de la croissance mondiale.
MalgrĂ© quelques «dinosaures» encore freinĂ©s par des schĂ©mas de pensĂ©e dĂ©passĂ©s, la majoritĂ© des acteurs publics, privĂ©s et associatifs europĂ©ens ont compris la nĂ©cessitĂ© dâun «reset» de nos regards croisĂ©s. La France y a un rĂŽle majeur Ă jouer, et câest ce quâelle fait depuis 5 ans, initialement avec le discours du PrĂ©sident Macron Ă Ouagadougou en 2017, constamment rĂ©affirmĂ© depuis. En regardant dans les yeux notre passĂ© partagĂ©, en reconnaissant lucidement ses drames, sans culpabilisation excessive, et en proposant un nouveau partenariat gagnant/gagnant, basĂ© sur le respect de lâautre et la dĂ©finition de nos complĂ©mentaritĂ©s.
Câest Ă ces conditions que nous saurons comprendre, et nous faire comprendre du continent. Câest Ă ces conditions que nous saurons rĂ©pondre Ă ses attentes et participer Ă lâĂ©criture dâun avenir commun.
Nous y rĂ©ussirons si nous comprenons que, face Ă la puissance Ă©conomique de nos concurrents, seule lâUnion EuropĂ©enne est en mesure de mobiliser, dans le respect de ses valeurs, les financements considĂ©rables sans lesquels aucune relation privilĂ©giĂ©e Europe/Afrique ne pourra exister.
Nous devons non seulement restaurer la confiance, dont les fondamentaux existent par lâHistoire, les langues et la proximitĂ©, mais aussi comprendre quâinvestir en Afrique câest, aussi, investir dans le futur de nos pays, de lâEurope.
Yves Delafon, ancien prĂ©sident du rĂ©seau Africalink et Cofondateur et administrateur du Groupe Banque pour le Commerce et lâIndustrie (BCI)
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