Tribune du Pr. Hagay Sobol. « Bloquons tout » ou l’alliance des antifas avec les fas ?

Ultime avatar de la convergence des luttes, #Bloquonstout, mouvement instrumentalisé depuis Moscou, réussi l’exploit de faire converger les deux extrêmes de l’échiquier politique. Inquiétant !

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“On bloque tout” ce 10 septembre (Photo archives Destimed)

Dans un monde de plus en plus clivé, le seul élément à même de rassembler une majorité de Français est le refus. La contestation est devenue le plus petit dénominateur commun de nos concitoyens mais avec un horizon très large, à 360 degrés. Notre société se transforme progressivement en foule désorganisée motivée par un rejet généralisé, oubliant les acquis nombreux dont nous jouissons.

Il est des moments où tout semble brouillé. Le mouvement « bloquons tout le 10 septembre » est de ceux-là. Il s’inscrit dans une séquence très serrée entre la démission du Premier ministre Bayrou, ayant échoué à obtenir la confiance sur son projet de résorption de la dette, et la mobilisation syndicale du 18 du même mois. Mais faute d’un gouvernement en ordre de marche sur qui faire pression, malgré la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, ces manifestations au contenu flou et aux revendications hétéroclites tourneront dans le vide.

Alors que la dette est abyssale, qu’il y a une obligation de moyens et de résultats, c’est la fuite en avant plutôt que la prise de responsabilité qui est privilégiée. Il y avait pléthore de candidats pour remplacer le maire de Pau, et pas moins aujourd’hui pour son successeur, dernier espoir du Macronisme. Même s’ils n’ont aucun projet politique viable, et que parmi eux bien peu ont les qualités requises pour « faire le job ». Sur ces ambitions personnelles, les partis de gouvernement, déjà réduit comme  une peau de chagrin, se morcellent un peu plus. Quant aux électeurs, un certain nombre sera dans la rue pour exiger qu’on ne change rien, voire obtenir plus d’avantages, sans se préoccuper de l’aspect irréaliste de ces exigences.

Ce brouhaha trahi une faillite morale et idéologique où le chacun pour soi remplace la solidarité et la fraternité. Désormais on recherche des coupables ou des « vaches à lait » que l’on veut traire encore plus, au risque de ne plus redistribuer de la richesse mais de la précarité. Nous assistons à une de ces crises d’où peuvent jaillir des monstres. L’absence de repère, de projet crédible et de limite est propice à tous les excès et aux convergences les plus contrenatures.

La récupération par LFI d’un mouvement né sur les réseaux sociaux, issu des gilets jaunes et de la mouvance d’extrême droite, interpelle. Unis dans la même volonté de rejet et de protestation on retrouve ceux que tout oppose, des ennemis jurés, les « antifas » et les « fachos », à battre ensemble le pavé et scander les mêmes revendications le 10 septembre. A l’image d’un représentant du syndicat étudiant UNEF, interrogé sur une radio d’information en continue, qui semblait justifier ce voisinage au nom de revendications communes. Bien plus qu’un « pacte de non-agression », comme l’histoire en a connu, une véritable convergence des luttes.

Plus inquiétant encore, est la possible ingérence étrangère, et de Moscou en particulier, dans l’instrumentalisation de ce mouvement. De nombreuses entreprises de déstabilisation lui ont été imputées jusqu’à très récemment. Paris, très en pointe dans le soutien à Kiev, est une cible privilégiée. Des désordres intérieurs calmeraient les ardeurs du Président Emmanuel Macron et des leaders européens d’imposer des sanctions supplémentaires à la Russie et une zone d’exclusion aérienne pour protéger les populations civiles de l’Ukraine. « Bloquons tout » et ses soutiens pourraient jouer aujourd’hui le même rôle, pour Vladimir Poutine, que les « mouvements pacifistes » à la solde de l’URSS durant la guerre froide. Et dans le meilleur des cas, cela pourrait amener au pouvoir des partis ayant bénéficié de son « amical » soutien financier.

En définitive, il n’y a qu’une seule question :« Le 10 septembre on bloque tout ou on débloque ?»

Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée. Il est Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d’Abraham ».

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