Depuis l’adolescence Marie Benati rêve de mettre en scène Bérénice, la pièce de Racine. Mais pas dans sa version, tragédie du cœur. Pour elle, Bérénice est avant tout une histoire politique violente. Celle d’une femme rejetée par l’homme qu’elle aime parce qu’elle est étrangère. Pour montrer que l’altérité est une richesse, la pièce est jouée en arabe et en français.

Le rejet de l’altérité
Marie Benati a d’emblée opté pour des comédiens non caucasiens qui avaient une autre langue maternelle que le français. « Je voulais que la xénophobie qui a frappé Bérénice, une reine palestinienne qui est rejetée par le peuple de Rome, se voit et s’entende sur le plateau, insiste la metteuse en scène. Il fallait montrer que la couleur de peau ou la langue, qui doit être source de richesse peut être ressentie comme quelque chose à rejeter. »
La poésie réconcilie

La metteuse en scène n’a pas vu une tragédie liée à l’amour dans Bérénice mais un acte politique violent à l’égard d’une reine étrangère. Partant de ce postulat, elle a voulu que la poésie réconcilie les peuples en mêlant les deux langues : l’arabe et le français. « Les alexandrins de Racine, ce n’est pas le français courant, c’est une langue élevée, noble. Même chose pour l’arabe littéraire, ce n’est pas celui de tous les jours. C’est une langue d’instruction. On ne le parle que dans certaines occasions. Alors je me suis dit que les langues se rencontraient à un point d’égalité, étaient équivalentes. C’est ce que j’ai voulu défendre dans la pièce. Ce qui génère la xénophobie c’est l’impression que l’autre n’est pas votre égal or là, dans la poésie, les deux peuples, les deux êtres sont au même degré. »
Un rôle clé
La comédienne libanaise Ghina Daou interprète Bérénice, un rôle essentiel pour elle. « Bérénice n’est pas n’importe quel rôle dans ma carrière, c’est vraiment un rôle que j’ai endossé. Peut-être parce que Bérénice est Palestinienne et moi Libanaise. On a une terre en commun, il y a 2 000 ans nous séparent mais on vient du même endroit. Le fait qu’elle soit une femme, qu’elle soit une combattante, tous ces éléments-là me portent ».
Une tournée méditerranéenne
La pièce sera jouée à Avignon du 5 au 26 juillet. Au-delà, l’objectif est d’effectuer une tournée en Méditerranée. Des contacts ont été pris avec des consuls pour mener à bien l’opération. L’objectif est de démontrer que l’altérité n’est pas un appauvrissement mais une richesse.
Reportage Joël BARCY