Il y a quatre ans, Lambert Wilson, qui possède plus d’une corde, dont la comédie musicale, à son arc d’artiste, créait un concert autour de l’œuvre de Kurt Weill. Accompagné par Bruno Fontaine, pianiste, arrangeur, maestro, il tourne, depuis, ce spectacle dans une version pour vingt musiciens avec le Lemanic Modern Ensemble, formation basée à Genève spécialisée dans les répertoires modernes et d’aujourd’hui. Il vient d’être reçu au Grand Théâtre de Provence.

Dans les années 1920-1930 à Berlin, avant l’arrivée des nazis au pouvoir, Eldorado était le nom de plusieurs cabarets fréquentés par l’ensemble de la société avec des établissement destinés plus particulièrement aux gays, lesbiennes et queers. Artistes de tout bords, gens de lettres, musiciens fréquentaient ces lieux où la licence avait cours ; Kurt Weill et Bertolt Brecht, avec qui il travaillait souvent pour les textes, étaient certainement de ces derniers. En 1933, Kurt Weill quittait l’Allemagne pour la France où il séjournait deux ans avant de se rendre aux USA où il mourrait à New-York, âgé de 50 ans.
Les trois étapes de la vie du compositeur furent marquées par des œuvres qui témoignent de son évolution musicale avec, en Allemagne, la causticité acide de l’ « Opéra de quat’sous » ou de « Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny », le réalisme des chansons françaises et de « Marie Galante» pour l’étape parisienne puis le show à l’américaine, beaucoup plus jazzy, à Broadway.
Lambert Wilson revêt le costume de comédien crooner, qu’il change à vue sur scène, pour donner vie aux étapes de la carrière du compositeur. Une réelle performance qui rappelle que l’artiste a du talent, aussi bien en tant que comédien qu’en tant que chanteur. Pour livrer ce travail aboutit, Lambert Wilson a profité du savoir-faire de Bruno Fontaine, son complice de presque toujours, lui aussi aux multiples domaines d’accomplissement. Ce spectacle a donné l’occasion de découvrir le Lemanic Modern Ensemble, formation musicale où cuivres, bois et percussions ont le beau rôle mais ne font pas oublier les cordes, au nombre de quatre. Sous la direction de Bruno Fontaine, du pupitre ou depuis le piano, le son de l’orchestre est idéal pour servir les partitions de Kurt Weill auxquelles il procure couleurs et puissance. Impossible de ne pas vibrer à l’écoute de cette musique…
Michel EGÉA



