Romain Deroo : « Une grande pièce de théâtre est un objet d’art où l’humain peut reconnaître ses pertes, ses espoirs, ses amours » – Rencontre avec un comédien possédant un supplément d’âme.

Publié le 27 juillet 2020 à  20h56 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h52

Romain Deroo : un acteur qui a adapté pour le théâtre
Romain Deroo : un acteur qui a adapté pour le théâtre

Si pour rejoindre Nice, partant de Digne, on parcourt la vallée du Var (le Var, seul fleuve de France ne coulant pas dans le département portant son nom), magnifique trajet d’ailleurs à faire par la route ou avec le Train des Pignes, on peut s’arrêter juste après Entrevaux, (village fortifié par Vauban) dans la commune de Puget-Théniers. Première station des Alpes-Maritimes, on quitte les Alpes-de-Haute-Provence quelques encablures avant d’y arriver, Puget-Théniers semble hors du temps, suspendu à la roche, symbole d’une France rurale avec son terrain de boules (on y pratique beaucoup ici non la pétanque classique mais la Lyonnaise -appelée aussi la longue-), ses fontaines, ses saveurs locales, ses mets du terroir, dont la tourte de blettes ici inoubliable. C’est dans ce lieu paradisiaque qu’a grandi en partie Romain Deroo. Il y revient régulièrement pour passer comme lorsqu’il était enfant des vacances en famille. Né à Paris le 6 juin 1982, ce comédien grande classe qui a commencé sa carrière en faisant des shootings pour des téléfilms et des pubs a appris de ses racines l’art de la patience et la fidélité aux valeurs de partage qui l’ont fait évoluer. « Un grand metteur en scène de théâtre, dit-il, c’est quelqu’un qui arrive à fédérer une vaste équipe, c’est un bon capitaine de bateau, et un bon diplomate, qui aime les gens, qui est sérieux mais bon vivant et amateur de la rigolade.» Là encore c’est le partage qui est mis en avant dans les propos de Romain Deroo qui durant tous les films qu’il a joués ou les pièces auxquelles il a participé a toujours mis un peu d’oeuvre dans sa vie et de vie dans son œuvre.

Tournage avec Clémentine Célarié et Julie Depardieu

C’est donc un type bien qui a tourné avec Clémentine Célarié et François Marthouret dans «Les enfants d’Orion», un téléfilm de Philippe Venault où il incarne Paul Liaret. Une histoire sombre où, après la disparition mystérieuse de son père, Lou (Clémentine Poidatz) revient dans sa région natale pour ses obsèques. Mais son retour coïncide avec une série de meurtres violents à caractère mystique : les victimes sont retrouvées avec un signe de croix sur leurs visages. Vincent, (Clément Sibony), le policier de la brigade criminelle, qui est chargé du dossier, débarque dans le village où les traditions et les folklores anciens restent vivaces. Lou est persuadé que ces assassinats sont l’œuvre de son père mais l’inspecteur ne croit pas aux fantômes. Qui est cette créature qui tue ? Il faudra tout le courage et la témérité à ce jeune policier pour résoudre cette enquête hors-norme… «Je garde un excellent souvenir du tournage de cette mini-série en deux épisodes qui s’est effectué dans le département de l’Hérault et qui a pour particularité d’être d’abord sortie en DVD avant sa diffusion télévisuelle.» Autre magnifique actrice avec laquelle Romain Deroo a partagé l’écran… Julie Depardieu dans la série «Alexandra Ehle» où la comédienne incarne une médecin légiste fantasque. «Toutes ces expériences en matière de télé ou de cinéma, entre autres quinze épisodes de « Plus belle la vie » et par exemple ma participation à « Meurtres en Contentin » où le réalisateur Jérémie Minui fut très chaleureux avec moi, m’ont appris les contraintes techniques, la disponibilité, la concentration, et ont confirmé qu’il faut travailler dur, tout en restant soi-même.» Boxe anglaise, hockey sur glace, Romain Deroo comédien très physique réussit dans son travail à allier corps et esprit. La méditation aussi et la pratique du piano. «Je suis régénéré en matière musicale par le « Clair de lune » de Debussy, et moi qui adore écouter Otis Redding j’aimerais bien jouer du blues».

Lecteur, écrivain et fou de théâtre

La lecture d’auteurs comme London, Gary, Conrad, «tous ces écrivains du grand dehors», mais aussi de Victor Hugo (celui de «93»), Bukowski ou John Fante ont en quelque sorte renforcé le goût de Romain Deroo pour l’écriture. Avec l’adaptation en pièce de théâtre du chef-d’oeuvre de London «Le vagabond des étoiles» et surtout l’envie de construire avec un texte intimiste un récit sur ses grands-parents qui ont grandi à Dunkerque sous les bombardements. «Je voudrais que l’humour ne soit pas absent de cette histoire dramatique où l’on s’intéresse au cas particulier d’un humain traversant les monstruosités de la guerre». Passionné aussi de théâtre Romain Deroo qui a fait partie de l’équipe de la pièce «Le Gros Diamant du Prince Ludwig» texte de Henry Lewis, Jonathan Sayer, Henry Shields sorte de film de cinéma reconstitué au Théâtre, Molière de la meilleure comédie 2018, qui vous embarque dans l’Amérique des années 50 avec des effets et des cascades dignes de Hollywood. Onze comédiens survoltés, trente costumes et six décors impressionnants qui se déploient sous vos yeux, le tout sur une bande originale jouée en live, ce spectacle qui devait être donné au Gymnase de Marseille en février dernier et qui fut annulé avant le confinement 2020. L’occasion pour Romain Deroo qui a suivi les cours de théâtre Eva Saint-Paul loués par Patrick Chesnais, Nicole Garcia, Dominique Besnehard ou Jorge Lavelli, d’affirmer qu’«une grande pièce de théâtre c’est un objet d’art, et qui, quel que soit son sujet touche l’humain qui peut y reconnaître ses espoirs, ses pertes ses amours. Comme le « Peer Gynt » d’Ibsen et les pièces de Pinter où il y a beaucoup de choses cachées.»

«Sans toi, Paris» de Théodora Meneur

Et puis il y a dans la carrière de Romain Deroo qui a tourné également avec Yves Boisset et la regrettée Tonie Marshall, (inoubliable dans «Batailles» de Ribes où elle partageait la scène avec François Berléand et Pierre Arditi) «Sans toi, Paris» de Théodora Meneur. Thomas sort de chez lui un matin et réalise que les rues sont désertes. Les Parisiens ont disparu, et la capitale est toute à lui. Il marche dans les rues de Paris, admire la ville, belle et silencieuse. Dans sa déambulation, il rencontre une jeune fille, (interprétée par Églantine Rembauville-Nicolle) toute étonnée elle aussi, d’avoir trouvé les rues désertes à son réveil. Ils continuent leur promenade ensemble. Un chemin qui les mène hors de la ville et du temps, complices et heureux… «C’est un film classique, un court-métrage romantique, lyrique, muet et musical. Un petit opéra semblable aux films de Jacques Demy dans un Paris en noir et blanc, majestueux et hors du temps, celui de René Clair et de Marcel Carné. Une échappée dans le vacarme quotidien, le reflet d’un besoin d’absolu », dit la réalisatrice. On ajoutera que c’est un film muet, une merveille de poésie, de beauté formelle et d’intelligence narrative. Joué à la perfection par deux comédiens qui se sont rencontrés en 2002 sur le téléfilm Une Femme si parfaite de Bernard Uzan. Solaires l’un comme l’autre, ils donnent à «Sans toi, Paris» ce supplément d’âme qui est la carte de visite de Romain Deroo à chacune de ses interprétations à la scène comme à l’écran.
Jean-Rémi BARLAND

Questionnaire de Proust et Pivot
-Si vous étiez une couleur ? Le bleu
-Un animal ? Un félin
-Un sentiment ? La colère
-Une ville ? Paris
-Un continent ? L’Afrique
-Votre peintre préféré ? Gauguin
-Votre musicien préféré ? Mozart
-Votre chanson marotte ? L’orage de Brassens
-Votre écrivain favori ? Romain Gary
-Votre devise favorite ? Fais ce que tu dis, dis pas ce que tu fais.
-Votre occupation préférée ? La lecture
-La qualité que vous préférez chez un homme et une femme ? L’élégance
-Le personnage historique que vous préférez le plus ? Napoléon 1er
-Votre rêve de bonheur ? Voler dans les airs
-Le don de la nature que vous aimeriez avoir ? La photosynthèse
-Votre regret dans la vie politique actuelle ? L’inertie
Si Dieu existe qu’aimeriez-vous qu’il vous dise en arrivant au paradis ? Bienvenue chez toi
Recueilli par J.-R. B.

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