Avignon – Festival Off 2023 : « Diego » d’Alexandre Cordier un sommet d’intelligence et d’audace visuelle

Publié le 24 juillet 2023 à  19h33 - Dernière mise à  jour le 4 août 2023 à  2h29

Un choc, un tsunami. Une pépite formelle. Un sommet d’intelligence et d’audace visuelle. Un moment artistique suspendu hors du temps et des normes théâtrales habituelles… Les mots viennent à manquer pour décrire « Diego » la pièce qu’Alexandre Cordier a écrite sur une idée de Barthélémy Fortier qui en assure la mise en scène et Hugo Randrianatoavina qui signe ici une interprétation vertigineuse.

Destimed affiche festival avignon

Il saute, il court, il se démultiplie, il s’adresse à nous, il incarne… il foudroie. Il est footballeur et comédien rêvant d’intégrer une école de théâtre, il fait surgir amis parents, relations qu’on croit voir à ses côtés. Au centre de la toile narrative Diego, donc, nommé ainsi en hommage au célèbre joueur de foot Maradona et qui, né le 12 juillet 1998 le jour où la France est sacrée championne, voit son père rêver pour lui d’un destin à la hauteur de l’idole d’Argentine.

Récit à la première personne d’un jeune homme sur lequel va planer tout au long de son existence le spectre du football. « Diego » est une comédie poignante qui montre comment l’on peut passer du statut de spectateur de sa vie, à celui d’acteur de son destin. Hymne à la résilience, chant d’amour d’un fils pour ses parents, d’un garçon pour un autre garçon puis pour une fille chérie, cri d’un cœur épris de liberté, plaidoyer pour le théâtre, le respect des différences, on sort de Diego en larmes… et heureux.

Une pièce sur les spectres

« Je n’aime pas le foot », précise Alexandre Cordier, « et pourtant, quelle joie d’avoir écrit cette pièce qui n’est pas comme l’explique Barthélémy Fortier une pièce sur le foot, sur Maradona, sur le théâtre mais un spectacle sur les spectres. On y raconte la vie d’un jeune homme ne parvenant pas à échapper à ses fantômes familiaux et socio-culturels. » Il raconte : « Barthélémy est venu vers moi et m’a proposé de l’épauler autour de Diego. Au moment où nous nous sommes entretenus sur ce projet d’écriture, il avait déjà construit une trame claire de ce qu’il souhaitait et sollicitait mon regard sur un élément particulier : l’oralité. Il s’agissait de laisser libre cours à ma créativité concernant la langue de son personnage. Il m’a laissé beaucoup de liberté avec l’intrigue. J’ai parfois modifié la chronologie, mais j’ai surtout cherché à faire de ce récit une musique. Il fallait que la matière mute du discours à la parole. A travers une syntaxe parfois brisée, des répétitions ou des balbutiements, j’ai voulu que ce texte soit en lui-même un match. Le combat de celui qui conte son existence, avec tout ce que cela implique de doutes et de difficultés. Il s’agissait d’apporter mes mots comme le ferait un comédien qui improvise, en se glissant dans la peau d’un autre. »

Il explique : « Comment Diego parle-t-il de ça ? Ce détail plus qu’un autre ? Comment s’exprime-t-il à propos de son père, de ses émois ? Comment réussir à dresser un pont entre son intimité et le public ? Comment créer en lui une nécessité de raconter son histoire et son rapport au foot  »

Alexandre Cordier ajoute : « Là où Barthélémy m’a offert le parcours précis et détaillé d’un personnage, mon travail a été de brouiller certaines pistes, d’offrir un sous-texte à l’acteur. Parce qu’il avait déjà ficelé une dramaturgie, j’ai pu m’intéresser uniquement au « comment ». Comment il le dit, comment ça sonne ? Comment la globalité des tableaux s’alterne-t-elle entre sprints et foulées ? Je me suis mis au service de l’acteur, en lui offrant une partition complexe dans laquelle il pourra faire ses choix. Par la même occasion, j’ai distancié l’histoire que Barthélémy se racontait en y ajustant mon regard. Ainsi s’est tissée notre collaboration, dans la liberté et avec l’envie de provoquer chez l’autre un désir, de Barthélémy à moi, de moi à lui, de moi à l’acteur et de nous vers les spectateurs. »
Jean-Rémi BARLAND

« Diego » au Théâtre Avignon La Reine blanche – 16, rue de la Grande Fusterie. Jusqu’au 25 juillet à 16h45 – Plein tarif 22 euros – Tarif réduit : 15 et 16 euros. Réservations : 04 90 85 38 17 –reineblanche.com

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