Publié le 11 février 2021 à  8h00 - DerniÚre mise à  jour le 31 octobre 2022 à  14h55
Christophe Castaner, dĂ©putĂ© de la 2e circonscription des Alpes-de-Haute-Provence et ancien ministre de lâIntĂ©rieur, sâest rendu le vendredi 22 janvier dans les locaux sisteronais de lâĂcrin des Alpes afin de rencontrer des reprĂ©sentants de la profession, des syndicats et de la chambre dâagriculture.
L’ancien ministre de lâIntĂ©rieur a commencĂ© par la visite de la station de conditionnement menĂ©e par CĂ©dric Massot, accompagnĂ© de son pĂšre Patrick Massot, de Franck Houbet, de David Ailhaud secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral adjoint des Jeunes agriculteurs 04 et Thierry Gaudin, arboriculteur et secrĂ©taire adjoint de la Chambre dâagriculture.
Autour dâun verre de jus de pomme les arboriculteurs ont pu exposer les problĂ©matiques qui les touchent et les Ă©cueils auxquels ils se heurtent. Ils ont tout dâabord dĂ©taillĂ© la rĂ©alitĂ© du marchĂ© mondial de la pomme avec 25 % de leur activitĂ© dirigĂ©e vers le Moyen-Orient, lâAsie du sud-est et depuis deux ans lâAmĂ©rique latine et centrale. Le reste de la production sâĂ©coulant en France et en Espagne majoritairement. Ils ont exprimĂ© leurs difficultĂ©s Ă rĂ©pondre aux exigences dâun marchĂ© qui demandent toujours plus de rĂ©activitĂ©s.
Une rĂ©activitĂ© mise Ă mal, notamment, par les problĂšmes rĂ©currents de main-dâĆuvre qui ont Ă©tĂ© accrus par la crise sanitaire. «Cette problĂ©matique se traduit notamment par une pĂ©nurie de main-dâĆuvre locale, expliquait CĂ©dric Massot qui reprĂ©sentait aussi la FDSEA. Il est de plus en dur de trouver du monde pour travailler dans la station de maniĂšre durable. Nous nous heurtons souvent au phĂ©nomĂšne de la « recharge ». Il sâagit de travailleurs qui viennent juste travailler le temps nĂ©cessaire pour recharger leurs droits au chĂŽmage. »
Un accroissement des coĂ»ts de main-dâĆuvre
Sur cette question de la main-dâĆuvre saisonniĂšre, lĂ encore, les professionnels ont fait part de leurs problĂšmes avec la difficultĂ© de recrutement mais aussi les normes sanitaires qui se sont durcies avec la Covid-19 et les ont obligĂ©s Ă investir pour les logements. Ils ont soulignĂ© lâexigence de plus en plus grande de ces travailleurs alors quâils ont dĂ©jĂ consenti Ă faire de nombreux efforts, notamment en payant les frais de transport. Ils ont suggĂ©rĂ© que ces coĂ»ts soient intĂ©grer au plan de relance de la filiale car cela Ă©tait aussi vitale pour eux quâun tracteur ou un autre Ă©quipement.
Le dĂ©putĂ© a tenu Ă prĂ©ciser que câĂ©tait lui, alors quâil Ă©tait encore ministre de lâIntĂ©rieur, qui sâĂ©tait battu pour faire rouvrir la frontiĂšre espagnole au printemps, car il connaissait la rĂ©alitĂ© du terrain. «Quasiment immĂ©diatement il y a eu des clusters dans les Bouches-du-RhĂŽne ou en Vaucluse, cela a Ă©tĂ© trĂšs difficile compte tenu de la situation sanitaire mais jâassume pleinement cette dĂ©cision», prĂ©cisait-il.
Il y a un problÚme avec le code des marchés public
La conversation sâest ensuite orientĂ©e vers la concurrence dĂ©loyale, notamment de la pomme polonaise, avec laquelle ils ont du mal Ă rivaliser dâautant plus que les grands distributeurs ne jouent pas le jeu, selon eux, en pratiquant des prix injustes. Ils ont appelĂ© Ă la responsabilitĂ© des collectivitĂ©s qui devraient sâassurer de la traçabilitĂ© pour ĂȘtre certains quâils achetaient bien des produits français. «Il y a un problĂšme avec le code des marchĂ©s publics, rebondissait Christophe Castaner. Une Ă©tiquette bio ne garantit pas une production locale et je lâai expĂ©rimentĂ© lorsque jâĂ©tais maire de Forcalquier. Maintenant il y a prescription, et puis quand bien mĂȘme, je lâassume, mais quand jâĂ©tais maire nous avons aidĂ© les producteurs locaux Ă remplir un appel dâoffres pour quâils soient retenus pour fournir les cantines car câĂ©tait extrĂȘmement compliquĂ©. Tous les maires rĂȘvent de garantir la provenance des produits quâils servent mais ce nâest pas toujours Ă©vident.»
Un plan « Pollinisateurs » irréalisable pour les hommes de terrain
Le dernier sujet abordĂ© lors de cette rĂ©union nâĂ©tait pas des moindres puisquâil sâagissait des produits phytosanitaires et du plan « Pollinisateurs » et lâarrĂȘtĂ© «Abeilles» de la ministre de la Transition Ă©cologique Barbara Pompili. «Câest totalement irrĂ©alisable dans les vergers. La loi â »Abeilles » est dĂ©jĂ lâune des plus dures qui existe. Il est inconcevable de revoir ce texte, se sont-ils Ă©criĂ©s en cĆur. Nous avons dĂ©jĂ changĂ© nos pratiques culturales et nos vergers sont Ă©coresponsables. Nous savons de quoi nous parlons ! Nous sommes respectueux des abeilles, car sâil nây en a plus nous nâavons plus de productions. On travaille avec des apiculteurs qui viennent poser des ruches dans nos vergers. Ils ne viendraient pas sâils observaient une surmortalitĂ©. Nous ne comprenons pas comment il a Ă©tĂ© possible dâĂ©crire une loi comme ça. On veut bien faire des efforts mais on ne peut pas aller beaucoup plus loin sachant quâon a dĂ©jĂ fait beaucoup de progrĂšs».
«La dĂ©marche de la ministre est bonne mais les objectifs sont irrĂ©alisables, concĂ©daient lâancien ministre, les dĂ©lais sont impossibles Ă respecter. Julien Denormandie a un point de vue convergeant avec moi. Il faut une concertation avec la profession. Entre lâapproche radicale et ce vers quoi on peut aller il y a une marge.» Les professionnels ont jusquâau 20 fĂ©vrier pour faire annuler cet arrĂȘtĂ©. «Il faudrait peut-ĂȘtre rappeler au PrĂ©sident que lors de son dĂ©bat face Ă Marine Le Pen, il a citĂ© la pomme des Alpes en exemple. Il faut avancer vite, les dĂ©lais sont courts dâautant plus que la ministre est volontariste», a rappelĂ© le dĂ©putĂ©. «La France fait partie des pays qui ont une bonne image Ă lâĂ©tranger avec des produits sains, câest le pays qui est allĂ© le plus loin dans toutes les dĂ©marches, ajoutait Patrick Massot. On a aujourdâhui une pomme de qualitĂ© et en bonne santĂ© qui rĂ©pond dĂ©jĂ Ă de nombreuses normes strictes. »
«Cependant il y a des produits quâil ne faut pas nous enlever comme le « captane » ou le « mancozĂšbe » parce quâon ne sait pas comment on va faire sans pour combattre la tavelure, sâalarmaient les arboriculteurs. Lâutilisation de certains produits comme le cuivre ou le soufre sont trĂšs mauvais pour le sol. Il faut faire attention car on peut arriver Ă faire des choses dangereuses mĂȘme en utilisant des produits dits naturels. Il faut ĂȘtre conscient que ce plan « Pollinisateurs » pourrait impacter aussi bien le bio que le non bio», concluait David Ailhaud. Thierry Gaudin a Ă©galement prĂ©cisĂ© que le 16 fĂ©vrier une charte des riverains doit ĂȘtre signĂ©e afin de fixer un cap dĂ©partemental pour lâutilisation des produits phytosanitaires.
LâEspace Alpin
[(LâEspace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin
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