Chronique. «La parole est à Viou». Le règne des «tchatteurs» : quand l’image a dévoré la compétence

Destimed ouvre une nouvelle fenêtre sur le débat avec « La parole est à Viou », une chronique portée par la plume libre et engagée de Viou. Ce rendez-vous assumera un ton personnel, curieux, parfois piquant mais toujours ouvert. Ici, la réflexion se fait sans détour, avec le goût des idées, des points de vue qui se confrontent, et des questions qui ouvrent la discussion. Cette chronique donnera voix à une lecture singulière de l’actualité, aux angles parfois à contre-courant. La parole est à Viou à contredire, à débattre.

La parole est à Viou

Il fut une époque, pas si lointaine, où la légitimité ne se tweetait pas. Elle se gagnait. Pour diriger, il fallait avoir fait. Le patron d’industrie avait souvent de la graisse sur les mains, le chef de service à l’hôpital avait des cernes de gardes, et le politique avait, a minima, usé ses fonds de culotte sur les bancs d’une faculté ou géré une mairie de campagne avant de prétendre gérer la France. C’était l’ère, sans doute ringarde, de la méritocratie par la preuve.

Aujourd’hui, regardez autour de vous : nous avons basculé dans l’ère de la «médiacratie » par le vide. La compétence technique est devenue suspecte, presque grossière. Place aux artistes de la forme, aux génies de la «story», aux acrobates du néant.

L’hôpital malade de ses tableaux Excel

Le premier symptôme de cette maladie de société, c’est le culte du «Process ». Ce monstre froid qui a remplacé le bon sens. Allez aux urgences : ce ne sont plus les médecins qui font la loi, mais des gestionnaires administratifs. Des gens très compétents pour remplir des cases, mais qui n’ont pas la connaissance pour différencier un arrêt cardiaque d’un malaise vagal. On leur demande de piloter la santé publique comme on gère un stock de chaussettes. Le résultat ? Des soignants épuisés par la paperasse et des patients traités comme des flux logistiques. Mais rassurez-vous, le tableau de bord est au vert.

La politique : Star Academy ou Assemblée nationale ?

Le chef-d’œuvre de cette dérive, c’est notre classe politique. Nous n’élisons plus des bâtisseurs, nous likons des influenceurs. À l’extrême droite, prenez ce cas d’école : le gendre idéal des sondages. Une télégénie parfaite, un sens de la formule qui claque sur TikTok. Mais derrière le sourire papier glacé, quel est le fond ? Quel métier a-t-il exercé ? Quelle équipe a-t-il dirigée hors d’un parti politique ? C’est le triomphe du «jeune youtubeur» en politique. Aucune expérience de la vie réelle, aucun diplôme structurant, mais une capacité redoutable à capter la lumière. Confieriez-vous votre épargne à un banquier qui n’a jamais compté que des likes ? Alors pourquoi confier la France à quelqu’un dont le seul CV est sa popularité numérique ?

L’incompétence n’est pas l’apanage d’un camp. Elle est universelle. À l’extrême gauche, on propulse un agitateur professionnel à la tête de la Commission des finances – le poste le plus technique de l’Assemblée, celui où l’on traque les milliards et décortique les mécanismes macro-économiques. Un spécialiste de la communication militante qui n’a jamais mis les mains dans le cambouis d’une entreprise. C’est comme confier les fondations de sa maison à un décorateur d’intérieur : les rideaux seront parfaitement assortis au canapé, c’est certain, mais le toit risque de vous tomber sur la tête au premier orage.

La revanche du réel

Ce casting serait risible s’il n’était pas tragique. Nous sommes gouvernés par une caste de «professionnels de la politique» qui n’ont jamais travaillé. Ils ne connaissent du monde du travail que ce qu’ils en lisent dans les notes de synthèse. Cette déconnexion totale explique pourquoi notre société patine. On ne répare pas un pays avec des slogans. On ne redresse pas une économie avec des punchlines.

Il est urgent de remettre la compétence au cœur du pouvoir. Nous avons besoin d’ingénieurs, de médecins, d’entrepreneurs, d’ouvriers qualifiés, de professeurs aux manettes. Des gens qui savent que la réalité est rugueuse et qu’elle ne se plie à un plan de com’. Rendons le pouvoir à ceux qui savent faire.

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