Chronique littéraire de Jean-Rémi Barland-  « Coyote » de Sylvain Prudhomme un fascinant road trip américain 

Sylvain Prudhomme a présenté à Marseille dans le cadre du Festival « Oh les beaux jours !» son roman « Coyote »

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Sylvain Prudhomme a obtenu pour son livre « Coyote » le Prix Nicolas Bouvier « Étonnants voyageurs 2025 » (Photo Jean-Rémi Barland)

Né en 1979, auteur d’une dizaine de livres parmi lesquels Par les routes (prix Femina 2019), Les Grands et Les Orages, publiés dans la collection « L’Arbalète » chez Gallimard, tous salués par la critique et traduits à l’étranger, Sylvain Prudhomme s’inscrit dans la lignée artistique d’un Nicolas Bouvier, d’un Kerouac, ou d’un Bruce Chatwin pour sa manière d’appréhender le réel en arpenteur de la condition humaine. « Le monde se divise en deux catégories, a-t-il écrit dans “Par les routes“, ceux qui partent. Et ceux qui restent. »

« Je me suis mis à rêver d’un voyage qui me conduirait jusqu’à M. en suivant l’itinéraire emprunté par Malusci à la fin de la guerre », fait-il dire au narrateur de son roman en forme de chef d’oeuvre L’enfant dans le taxi  (encore un périple).  Lui, Sylvain Prudhomme fait partie de ceux qui prennent la route. « S’en aller. Tendre le pouce. S’en remettre aux hasards de la route. Deux mille cinq cents kilomètres de bitume et de poussière», est-il précisé  dans « Coyote ».

L’auteur les a avalés en auto-stop, de la Californie au golfe du Mexique, en longeant cette frontière américaine à la fois fantasmée et redoutée – celle qu’on commente sans la connaître, avec en toile de fond les discours de campagne de Trump, et l’hyper-violence de ses faits divers. De ce périple est né Coyote, un livre de rencontres saisies à vif, un carnet à la main : ouvrier, camionneur, trafiquant, artiste, passagers clandestins de l’Amérique… Autant de voix captées depuis l’habitacle d’un pick-up ou au comptoir d’une station-service, que l’auteur de Par les routes restitue avec l’élégance sensible qu’on lui connaît.

Un magnifique road trip

Ce road-movie magnifique qu’il a réinventé sur scène dans le cadre de « Oh les beaux jours! » lors d’une lecture musicale réalisée avec la voix complice du comédien Fabien Bergès et les riffs incandescents de Seb Martel qui tracent un paysage sous tension, demeure une plongée brute et poétique dans l’Amérique des marges. Ce livre porte en titre le surnom donné aux passeurs qui conduisent de l’autre côté de la frontière les migrants, surnommés, eux, les pollos, les poulets.

Voilà une immersion narrative à la lisière du carnet de voyage, du poème et du documentaire – « pour dire, encore, ce qu’il reste d’humanité sur les lignes de faille. » On trouve aussi plusieurs références aux célèbres prédécesseurs cinématographiques ou littéraires de Sylvain, grand lecteur et amateur éclairé d’un septième art qui s’ouvre au monde. De  Easy rider à Paris Texas, en passant par  l’incontournable roman de Kerouac, Sur la route, les textes construits ici en courts chapitres, et que l’on peut lire indépendamment les uns des autres, donnent une dimension universelle à ce voyage à la rencontre avec l’autre inconnu, qui exclut forcément d’en avoir peur pour l’appréhender. Fidèle du festival depuis sa création, Sylvain Prudhomme a accompagné « Oh les beaux jours ! » durant l’année 2017 pour la réalisation du grand roman-photo marseillais, Les Éphémères ! Tout le monde apprécie à chacune de ses interventions sa générosité, son humilité non feinte, et son désir de raconter la vie qui est « belle, mais courte» et qu’il faut précise-t-il :« La vivre bien. Suavement. Doucement. Avec art. » Une profession de foi qui nourrit en filigrane chacun de ses livres ô combien généreux et magiques.

Jean-Rémi BARLAND

« Coyote » par Sylvain Prudhomme. Minuit. 253 pages, 17 €

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