Fabrice Caro sera présent aux «Correspondances de Manosque » du 24 au 28 septembre pour son roman « Les derniers jours de l’apesanteur » : irrésistible.

Chronique drôlatique d’une année de terminale à la fin des années 1980
Hilarant ! Tel est l’adjectif qui définit le mieux le roman de Fabrice Caro « Les derniers jours de l’apesanteur ». A mourir de rire même. Et il n’y en pas énormément de livres drôles en cette rentrée littéraire marquée du sceau de la quête d’identité au sein de familles terrassées par le chagrin, le remords et la trahison des uns et des autres projetés dans des mondes en guerre.
Cela commence pourtant par une tragédie : la mort d’un certain Nicolas Morin, élève en terminale G2 qui s’est tué un samedi soir dans un accident de voiture où il fut le seul occupant parmi les quatre à trouver la mort. On se dit alors que l’on va lire un roman poignant sur le deuil et l’absence d’un être cher. C’est mal connaître l’auteur qui, à la manière du cinéaste Ernst Lubitsch, sait nous faire rire de tout, de peur d’être un jour obligé d’en pleurer. Très vite le récit s’en va flâner du côté des relations post-adolescentes de candidats au baccalauréat. Cathy Mourier le grand amour de Daniel, le narrateur (ils ont vécu une histoire passionnée deux mois et dix-sept jours exactement) a eu un coup de foudre jugé inexplicable par le délaissé avec Gilles Rouquet. Plus loin on nous dira que lors d’une soirée qualifiée par certains comme « la meilleure soirée du monde » : Renaud Delmas avait vomi dans la bouche de Karine Vidal en lui roulant une pelle, Cyril Sandoval avait fait un bad trip après avoir fumé un joint, il avait eu peur que des nazis en skis débarquent dans la soirée -et tout le monde s’était demandé pourquoi en skis, mais personne ne s’était questionné quant à la possible irruption de nazis dans une fête de lycéens-, Frédéric Cassagne avait pété le grand vase du salon des parents de Revetto et avait essayé de le recoller avec de la glu et il en avait mis partout sur les meubles, Karine Senlis et Céline Granjean s’étaient roulé une pelle pour prouver que « ben quoi on s’en fout du garçon-fille, c’est rien qu’un baiser », et Vincent Villard s’était ouvert le front en tombant dans la baignoire, ça pissait le sang partout. “Une sacrée soirée” donc, comme l’aurait dit Jean-Pierre Foucault, à laquelle Daniel n’a pas assisté pour cause du décès de son oncle. Mais là encore c’est raconté de manière ubuesque.
Cours particuliers à une jeune élève qui ne comprend rien
Le moment le plus désopilant du roman demeure le cours particulier de maths que Daniel donne à la petite Béatrice, élève de troisième et ce, à la demande de madame Rigaux, sa mère. Suggestion présentée au futur bachelier par sa propre mère, et ce qui aurait pu être un moment enrichissant d’éducation dynamique s’avérera un cauchemar. Béatrice ne comprenant rien à rien n’arrivant même pas à utiliser correctement un compas pour tracer un cercle, Daniel voudrait bien expliquer à madame Rigaux que sa fille « est une masse d’inertie incroyable, un trou noir qui aspire la moindre énergie alentour, qu’elle ne manifeste rien et qu’il aurait “décrypté plus facilement les réactions d’une éponge marine”.» Quant à savoir si son élève connaît la différence entre développer et factoriser, question posée d’un ton enjoué de directeur de colo, la réponse est « oui » mais la réalité est « non ». Quant aux notes obtenues elles baissent de jour en jour, passant en contrôle de 8 à 2. Le comble du comble quand on prend des cours particuliers. Infortuné Daniel qui, après plusieurs quiproquos autour de la disparition supposée de Félicien Lubac, un camarade du lycée se verra jeter dehors par monsieur Rigaux, le mari de la finalement très strange mère de Béatrice. Ajoutons un cours pris par Daniel sur les barres parallèles (un calvaire), la discussion autour du point G des filles, des descriptions hilarantes à page que veux-tu, et vous aurez les ingrédients principaux de cette chronique drôlatique d’une année de terminale à la fin des années 1980. La réussite de Daniel au bac, l’amitié et l’entraide au final entre les copains de lycée, la passion pour les filles, tout ici respire la joie et l’optimisme. Et comme c’est divinement écrit on en redemande.
Jean-Rémi BARLAND
« Les derniers jours de l’apesanteur» par Fabrice Caro – Gallimard, collection Sygne – 218 pages – 20 €.