En 2018, avec sa compagnie La Tempête, Simon-Pierre Bestion créait, et enregistrait (chez Alpha) « Vespro », une adaptation des « Vêpres de la vierge », monument de la musique ancienne que l’on doit à Monteverdi, complété par des antiennes grégoriennes et faux-bourdons, un spectacle mystique magique scénographié et éclairé par Marianne Peyderf. Sept ans après, la fascination est toujours là ; elle a saisi le public du Grand Théâtre de Provence.

Double chœur, double orchestre avec à jardin un continuo, les cordes, la flûte, à cour un continuo, les vents, les cuivres et Simon-Pierre Bestion au centre en bâtisseur éclairé d’un édifice musical dont la solidité n’a d’égale que la beauté. Deux heures et quart qui s’enchaînent avec fluidité, sans une seconde de faiblesse, transportant l’auditoire dans un univers mystique où chacun, touché ou non par la chose religieuse, est appelé à trouver la paix et la joie. Une vraie cérémonie de magie blanche et lumineuse consacrant l’universalité de cette musique.
Des partitions conservées à Carpentras
Grand connaisseur, entre autres, des « Vespro della Beata Vergine », Simon-Pierre Bestion a réécrit des parties instrumentales, utilisant un continuo très fourni, et ajouté, entre les numéros écrits par Monteverdi des antiennes grégoriennes et des faux-bourdons provenant d’un manuscrit du XVIIe siècle conservé à la bibliothèque-musée Inguimbertine de Carpentras. Il en résulte une œuvre aux polyphonies fascinantes, avec des nuances très méditerranéennes, dont l’interprétation est agrémentée d’une spatialisation physique des intervenants, chœurs répartis de part et d’autre dans les allées de la salle, solistes intervenant au premier balcon. Le tout dans une ambiance où la lumière des cierges et les boules à facettes éclairent danses et déplacements de choristes et solistes impliqués dans la mise en espace du spectacle et dont les qualités vocales et la précision des attaques ne se démentent cependant jamais.
Instruments anciens
Au centre de la scène, Simon-Pierre Bestion donne du souffle à sa direction, impulsant dynamisme et sensualité à cette œuvre qu’il maitrise totalement. Outre les qualités du chœur a tout les pupitres, il peut compter sur l’investissement sans faille d’instrumentistes totalement acquis au projet et qui nous permettent d’entendre jouer serpent, cornet à bouquin, doulciane… Au sein des solistes, René Ramos Premier, baryton cubain, se taille un beau succès, voix bien placée sur la totalité de son registre, projection idéale pour la musique ancienne. Eugénie de Mey, alto précise, voix ronde et souple, Adèle Carlier, soprano remplaçante au pied levé et cependant totalement intégrée dans le spectacle, et avec eux Aline Quentin, François Joron, Florent MArtin, Axelle Verner et Edouard Monjanel apportent avec bonheur et vibrations leurs pierres à l’édifice âgé de 400 ans, mais d’une réelle fraîcheur. Un beau et grand moment…
Michel EGEA