La chronique cinéma de Jean-Rémi Barland. «Jean Valjean » d’Eric Besnard un magnifique hommage à Victor Hugo

Accompagné de Grégory Gadebois, qui crève l’écran en Jean Valjean, le réalisateur Ertic Besnard est venu présenter son film en avant-première à Aix-en-Provence au cinéma Le Cézanne.

Grégory Gadebois et Eric Besnard au Cézanne d'Aix pour l'avant-première de « Jean Valjean » (Photo Jérôme Perthuis)
Grégory Gadebois et Eric Besnard au Cézanne d’Aix pour l’avant-première de « Jean Valjean » (Photo Jérôme Perthuis)

Il fut de tous les combats pour la liberté et la dignité humaine et laissé à la postérité une œuvre considérable d’une modernité absolue. Ayant traversé son siècle, Victor Hugo (1802-1885) s’opposa à la peine de mort dans « Le dernier jour d’un condamné »; il partit en exil après le coup d’État amenant Napoléon III au pouvoir, précisant: «Je reviendrai quand la liberté reviendra»; tonna contre ceux qui faisaient travailler les enfants dans les mines; signa en 1834 Claude Gueux un court roman où il dénonça les conditions de détention au XIXe siècle, ainsi que la disproportion des délits et des peines à cette même époque.

Nourri de son admiration pour cet écrivain qui fut une conscience autant qu’un créateur embrassant par son écriture toutes les formes artistiques, qui, plus qu’un autre mit beaucoup d’œuvre dans sa vie et de vie dans son œuvre, le réalisateur Eric Besnard propose avec son film « Jean Valjean » de redécouvrir le début des « Misérables » et rend hommage à l’homme Hugo et à ses principaux sujets d’indignation.

Des plans dignes de tableaux de maître

A l’esthétique magnifique, jouant sur les lumières et sur les ombres, où chaque plan d’intérieur ressemble à un tableau des grands peintres flamants, le film fait la part belle aux plans serrés sur les mains et les visages, avec également des allusions discrètes mais visibles sur les forces de la nature contre lesquelles se heurte l’homme. Tourné dans la région « Jean Valjean » est une fête visuelle avec l’éloge du vent et pas seulement celui de la liberté, et des envolées politiques qui secouent et transportent. On songe par exemple lorsque Jean Valjean et l’évêque Bienvenu -qui ici l’a recueilli à sa sortie du bagne- contemplent le ciel montré en gros plan aux derniers vers de « Booz endormi » où Ruth se demandait immobile :« Quel Dieu, quel moissonneur de l’éternel été avait en s’en allant négligemment jeté cette faucille d’or dans le champ des étoiles ? ». Panthéiste le film l’est au service des personnages hugoliens qu’Eric Besnard met en scène dans des moments sublimes, et parfois terribles, comme lors des moments des années de Jean Valjean au bagne où il croise un certain Claude Gueux (tiens tiens on sort du roman « Les Misérables » pour rentrer dans un autre), incarné par un Albert Dupontel méconnaissable et gigantesque.

Des interprètes Stradivarius

Gigantesque le mot convient parfaitement aussi à Grégory Gadebois à qui Eric Besnard a fait un visage barbu à la Victor Hugo et qui incarne Jean Valjean plus qu’il ne le joue. Incroyable, portant dans son seul visage, toute la force de révolte et de tendresse inhérente à son personnage,  il est entouré d’interprètes également inoubliables, Isabelle Carré en Baptistine, la sœur de l’évêque, figure inventée en l’état par Eric Besnard et Bernard Campan, « homme si bon dans la vraie vie », comme l’a fait remarqué  le cinéaste, demeurent des Stradivarius jouant avec une infinie empathie la partition d’un texte bien entendu hugolien mais qui s’est vu enrichi sans qu’on s’en aperçoive de la prose d’Eric Besnard en personne, humble au demeurant.

Notons qu’amis sur scène comme dans l’existence Isabelle Carré et Bernard Campan, eux qui ont déjà joué dans « La dégustation » sont actuellement à Paris sur la scène du Théâtre de la Renaissance dans la pièce « Un pas de côté » signée Anne Giafferi dont on vous reparlera prochainement. Et puis il y a Alexandra Lamy, qui dans le rôle de Magloire la servante de l’homme d’église, est géniale et totalement méconnaissable. Transformée en brune aux yeux aussi noirs que le sont les propos assez durs qu’elle assène au début à Jean Valjean, elle impose une figure certes inventée mais totalement crédible, porteuse de tous les préjugés de son époque. De toute évidence, elle, que nous avions applaudi à Nice dans « Le rattachement » pièce de Didier van Cauwelaert mise en scène par Daniel Benoin où se mêlait fiction et événement historique autour de la personnalité de Napoléon  III possède un charisme et un savoir-être qui nous transportent.

Il est dit dans ce « Jean Valjean » que « les grands hommes méritent les grands hommages ». Grâce à Eric Besnard et tous ceux qui l’ont ici entourés pour célébrer Hugo…c’est désormais chose faite.

Jean-Rémi BARLAND

Sortie en salles le 19 novembre

 

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