La chronique cinéma de Jean-Rémi Barland – « L’inconnu de la Grande Arche » de Stéphane Demoustier : Architecture politique…

Stéphane Demoustier est venu présenter en avant-première au Renoir d’Aix-en-Provence son film « L’inconnu de la Grande Arche» où Michel Fau incarne… François Mitterrand.

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Stéphane Demoustier au Renoir d’Aix-en-Provence pour « L’inconnu de la Grande Arche » Photo Franck Roulet

Né à Lille en 1977, Stéphane Demoustier est un cinéaste dont le travail est en prise avec les soubresauts de la société d’aujourd’hui. On l’avait applaudi pour « Borgo » polar prenant racine dans une prison corse, et le voilà de nouveau en première ligne avec « L’inconnu de la Grande Arche ». Un format d’image carrée adapté à celui de la Grande Arche de la Défense. Une immersion dans un des projets les plus fous des années présidentielles de François Mitterrand…

On est d’emblée intrigués par les premiers plans et par les propos du film. « Je voulais  avec “L’inconnu de la grande arche” trouver une représentation originale de ce cube, car il n’y en avait pas à Paris », explique Stéphane Demoustier  qui signe ainsi  un long métrage puissant qui, tournant le dos au documentaire s’impose comme une vraie œuvre de cinéma. Le synopsis du film est très simple et pas du tout simpliste : « Nous sommes en 1983. François Mitterrand décide de lancer un concours d’architecture international pour le projet phare de sa présidence : la Grande Arche de la Défense, dans l’axe du Louvre et de l’Arc de Triomphe ! A la surprise générale, Otto von Spreckelsen, architecte danois, remporte le concours. Du jour au lendemain, cet homme de 53 ans, inconnu en France, débarque à Paris où il est propulsé à la tête de ce chantier pharaonique».

François Mitterrand, c’est Michel Fau

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« L’inconnu de la Grande Arche» avec Johan Otto von Spreckelsen (Claes Bang) et François Mitterrand (Michel Fau). (Ex Nihilo/Zentropa/Le Pacte/France 3 Cinéma)

Et si l’architecte entend bâtir la Grande Arche telle qu’il l’a imaginée, ses idées vont très vite se heurter à la complexité du réel et aux aléas de la politique. François Mitterrand, ici c’est Michel Fau qui rejoint ainsi la longue liste de comédiens à avoir incarné le président de la République au cinéma et à la télévision parmi lesquels Michel Bouquet « Le Promeneur du Champ-de-Mars», de Robert Guédiguian (2005), Philippe Magnan  « L’Affaire Farewell » de Christian Carion (2009) et « Changer la vie » de Serge Moati  (2011) ou encore Michel Duchaussoy dans le téléfilm « L’Affaire Gordji : Histoire d’une cohabitation » de Guillaume Nicloux –(2011).

Un Michel Fau extrêmement sobre, et c’est à lui que Stéphane Demoustier a pensé d’emblée. « Il ne joue pas la ressemblance avec Mitterrand, ni tente de le caricaturer», précise le réalisateur. Quant à son casting pensé en termes de contrastes successifs, il souligne  combien Xavier Dolan dans le rôle de Jean-Louis Subilon, possède l’expressivité nécessaire pour donner corps à son rôle de fonctionnaire du ministère de la culture. « Le choix de Claes Bang comédien danois pour incarner Otto von Spreckelsen, s’est fait après casting. Il est très grand, il portait physiquement l’autorité de son personnage », dévoile le réalisateur qui a salué également le travail d’orfèvre sous les traits de Paul Andreu qui reprendra le projet abandonné au final par l’architecte danois de l’acteur Swann Arlaud, que nous avons applaudi au théâtre dans « Trahisons », que l’on verra dans « L’étranger », « Dans l’ombre » et « La condition ». Sans oublier Sidse Babett Knudsen, la femme de l’architecte danois et Micha Lescot pour une courte scène très intense, (Micha Lescot qui marque les esprits dans le film « La femme la plus riche du monde »).  Stéphane Demoustier a tenu à saluer toute l’équipe qui l’a entouré et notamment l’Aixois Damien Maestraggi, le monteur du film et le musicien Olivier Marguerit que l’on voit apparaître et qui fait ici des prouesses.

Un chantier titanesque

Un travail considérable a été effectué  en amont. Pour reconstituer le chantier impressionnant de la Grande Arche de La Défense, Stéphane Demoustier a travaillé en étroite collaboration avec son chef opérateur David Chambille, et la coordinatrice VFX, Lise Fisher. Après avoir examiné un grand nombre de photographies de références, ils ont décidé nous dit-on « d’animer ces clichés. Contrairement à ce qui se fait habituellement au cinéma et qui consiste à intégrer des images d’archives dans un film, le but a été ici de faire rentrer le long-métrage dans les archives » précise le réalisateur. Ce qui donne reconnaissons-le un effet de réel assez bluffant.

Une bande son très impressionnante

Une bande son impressionnante nous plonge dans ses ruptures au cœur de la pensée des personnages qui expriment par son intermédiaire leurs émotions successives.  Tiré d’un roman de Laurence Cossé, le réalisateur indique: « J’ai découvert le personnage de Otto von Spreckelsen dans son livre. on avait peu d’éléments sur lui, on a rempli ainsi les blancs ». Ce film raconte des aventures humaines en fuyant tout manichéisme mais en montrant l’opposition entre la politique culturelle ambitieuse de Mitterrand et les coupes budgétaires faites par Alain Juppé, alors ministre du Budget lors de la cohabitation. « Mettre en évidence les raisons des personnages, sans les juger ou prendre parti, j’y tenais beaucoup », insiste Stéphane Demoustier qui signe un film passionnant, aussi ambitieux que l’était le projet pharaonique de Mitterrand. Et comme il a réalisé bon nombre de films d’architecture il sait de quoi il parle ! Faisant comme dans « Borgo » surgir un monde sous sa caméra,  le cinéaste a conclu cette soirée au Renoir par le fait qu’il vient de terminer son film tiré de « La chaleur » le premier roman de Victor Jestin, écrivain virtuose, dont le dernier opus « La mauvaise joueuse » paru chez Flammarion, s’est retrouvé sur les listes de plusieurs prix littéraires de l’automne. On est impatient….

Jean-Rémi BARLAND

Sortie en salles depuis le 5 novembre

 

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