Le Festival de piano de La Roque d’Anthéron se sépare de René Martin

Le Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron, l’un des événements musicaux les plus prestigieux d’Europe, tourne une page majeure de son histoire. Réuni le 7 novembre, son Conseil d’Administration a acté la fin des fonctions de René Martin, figure fondatrice et artisan de la renommée internationale du festival, à la suite d’un audit pointant de sérieux dysfonctionnements au sein de l’Association Créa, structure en charge de la direction artistique depuis la création de la manifestation.

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La scène du Festival est au cœur de la nature, dans le parc du château de Florans (Photo Joël Barcy)

Un audit externe aux conclusions sévères

À l’origine de cette décision, une série d’articles de presse mettant en cause la gestion du Créa (Centre de Réalisations et d’Études Artistiques), dirigé par René Martin. Face à ces révélations, le Conseil d’Administration a commandé un audit externe indépendant afin d’objectiver la situation et d’évaluer le climat interne de travail. Les conclusions de cet audit font état de « dysfonctionnements manifestes dans l’organisation et les conditions de travail », mais aussi de « comportements inappropriés » de la part du dirigeant. Dans la foulée, le Procureur de la République de Nantes a été saisi du dossier et René Martin a présenté sa démission. Le Conseil rappelle avec insistance que, sur le plan juridique, celui-ci « bénéficie de la présomption d’innocence ».

Un choix « de responsabilité et de sérénité »

Au-delà des aspects strictement judiciaires, le Conseil d’Administration indique avoir pris une décision guidée par « un souci de responsabilité et de sérénité ». Il met ainsi un terme aux responsabilités de René Martin dans l’organisation du Festival et engage la mise en place d’une nouvelle direction artistique. Ce choix, lourd de symboles pour une institution intimement liée à la personnalité de son fondateur, marque la volonté du Festival de se projeter dans l’avenir en réaffirmant clairement ses valeurs, tout en prenant acte de la souffrance exprimée au sein des équipes.

Hommage appuyé à un bâtisseur

Si la décision est ferme, le ton du communiqué n’est pas celui d’une rupture sèche. Le Conseil d’Administration tient à rappeler la place centrale occupée par René Martin dans la trajectoire du Festival. Il souligne sa « contribution essentielle à la création, au développement et à la remarquable réussite » de La Roque d’Anthéron, devenu en plus de quatre décennies un rendez-vous incontournable pour les plus grands pianistes du monde comme pour les jeunes talents émergents. Ces mots témoignent d’une forme de gratitude institutionnelle envers celui qui a façonné l’identité artistique du festival et l’a accompagné dans sa croissance, tout en marquant une frontière nette entre l’héritage artistique et les problèmes de gouvernance mis en lumière par l’audit.

Reconnaissance et soutien aux équipes du Créa

Le communiqué prend également soin d’adresser un message explicite aux équipes du Créa, qui ont été en première ligne de la crise. Le Conseil d’Administration dit « regretter profondément les événements qui ont conduit à cette situation » et exprime ses « pensées » et sa « reconnaissance » envers les collaborateurs, reconnaissant qu’ils « ont traversé, et traversent encore, une période très difficile ». Sont saluées leurs « qualités remarquables d’engagement, de compétence et de dévouement » au service du bon déroulement du Festival et de la mise en œuvre de sa programmation. Ce passage vise clairement à distinguer les dysfonctionnements de direction des efforts des équipes, et à renouer un lien de confiance avec celles et ceux qui font vivre le Festival au quotidien. Au cœur de ce repositionnement, le Conseil d’Administration réaffirme des principes présentés comme « fondamentaux et intangibles » : le bien-être des collaborateurs, la prévention de toute forme de violence ou de harcèlement, notamment sexiste et sexuel, le respect des valeurs humaines dans toutes les dimensions de la vie du Festival.

Préparer l’édition 2026 dans la continuité de 45 ans de succès

Malgré la tourmente, le Conseil d’Administration se projette déjà vers l’avenir. Il affirme sa détermination à ce que l’édition 2026 soit « à la hauteur de l’héritage exceptionnel, fruit de 45 années de succès ». Il insiste sur la nécessité de préserver ce qui fait le caractère « incomparable » du Festival : un très haut niveau artistique, la découverte des « étoiles montantes » du piano aux côtés des plus grands virtuoses, la fidélité d’un public « très diversifié », et le cadre naturel unique du Parc de Florans, avec sa conque acoustique qualifiée d’« unique au monde»

Une nouvelle direction artistique collégiale

Pour incarner cette nouvelle étape, une nouvelle Direction Artistique sera désignée « très prochainement ». Elle sera collégiale, composée de « personnalités de premier plan du monde de la musique ». Ce choix d’un pilotage partagé marque une rupture avec le modèle historique centré sur une figure unique, et laisse entrevoir une gouvernance plus collective et plus ouverte. Cette équipe artistique travaillera en étroite collaboration avec l’Association du Festival, ses nombreux bénévoles, les partenaires publics et le cercle de mécènes. Tous sont appelés à se mobiliser pour « renouveler, en juillet et août prochains, le succès de l’édition 2025 ».

La rédaction 

 

 

 

 

 

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