Laurent Ruquier, formidable ! Voilà une facette de l’homme de télé et de plume à laquelle il ne nous avait pas vraiment habitués. Après la comédie « La presse est unanime », qui m’avait moins touché lors de sa représentation au Pasino d’Aix, il signe aujourd’hui « L’Expérience théâtrale », un spectacle où chaque réplique fait mouche et qui, dans son apparente spontanéité, redonne le goût du théâtre et met en lumière celles et ceux qui le servent avec générosité. A voir en ce moment à Paris, à l’occasion du centenaire du Théâtre de la Michodière.

« L’Expérience théâtrale » met en scène deux acteurs de générations différentes, François Berléand et Max Boublil (vu très souvent à la Fontaine d’Argent d’Aix) pour rire avant tout et pour rendre hommage au théâtre, aux acteurs comme au public. Qui observe qui ? Que se passe-t-il sur scène ? Dans les coulisses ? Dans la salle ? Des superstitions, des règles, des rivalités, des anecdotes, des petits secrets… seront révélés et seront surtout des prétextes pour s’en amuser tous ensemble ! La construction qu’en propose Anne Bouvier est virtuose. Lever de rideau dans un grand théâtre parisien. Deux comédiens aguerris observent le public : sera-t-il bon, ce soir ? Oui, vous ne rêvez pas : le public sera-t-il bon, ce soir ? Entre retardataires et tousseurs professionnels, de Corneille à Edmond Rostand en passant par Sarah Bernhardt, de la symbolique du brigadier à la disparition des souffleurs… ce sont foules d’informations présentées ici grâce à la joute ébouriffante d’un duo au service de la scène.
Exercices de diction
Vous apprendrez, entre autres, si vous ne le savez pas, et si oui, une piqûre de rappel très sympathique vous est proposée, pourquoi on ne met pas de vert au théâtre, pourquoi on dit « merde » aux comédiens avant tout début de spectacle, pourquoi les trois coups donnés par « le brigadier ». Vous aurez droit aussi à une série d’exercices de diction du genre : « Didon dîna dit-on, du dos d’un dodu dindon », « Seize jacinthes sèchent dans seize sachets sales », « Elle prend aussi à minuit six fruits cuits. Si ces six fruits cuits lui nuisent, donnez-lui six fruits crus » et même en anglais : « Moses supposes his toeses are Roses / Moses supposes Erroneously/ / For nobody toeses are roses or posies / As Moses supposes his toeses to be ». Ou plus inattendu : « A qui causa Sarkozy causant si tard ? Le tsar Sarkozy causant si tard causait à Zoé une star qui dans ce coin cosy crut causer au tsar . La star causa au tsar causa tard à Sarko qui crut Zoé ! » Evidemment le duo d’acteurs très aguerri parvient à surmonter l’obstacle.
Rappel du monologue de Claudel « Le Point de vue de Ponce-Pilate »
Autre moment magique quand François Berléand confie avoir joué le monologue de Paul Claudel « Le point de vue de Ponce-Pilate » que je considère quant à moi comme un des plus grands textes du théâtre français. Un régal que cette expérience théâtrale où Berléand et Boublil, clown blanc et Auguste s’imposent si besoin était comme de fantastiques Stradivarius d’une pièce en forme de joute ébouriffante où ils se permettent même d’improviser certains moments avec les spectateurs. Une pièce où Laurent Ruquier s’impose en vrai virtuose de la comédie.
Jean-Rémi BARLAND
« L’expérience théâtrale », texte de Laurent Ruquier, publié à L’avant-scène théâtre. Mise en scène d’Anne Bouvier. Avec François Berléand et Max Boublil, A voir au Théâtre de La Michodière – 4 bis, rue de La Michodière, 75 002 Paris. Du mardi au samedi à 19 heures avant (sans doute) une tournée en France. Durée : 1h15 Réservations au téléphone au 01 86 47 68 62. ou sur michodiere.com




